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SNCF: à quoi s'attendre pour la grève du pont du 8-Mai?

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Alors que les négociations entre la direction et les organisations syndicales semblent bloquées, une grève dure se profile du côté des contrôleurs. Le mouvement serait moins suivi du côté des conducteurs.

S'achemine-t-on vers une "semaine noire" dans les trains de la SNCF au mois de mai, comme le promet Sud Rail? Les conditions sont en effet réunies pour un mouvement de grève assez dur puisque trois catégories de cheminots ont déposé des préavis pour la période du 6 au 10 mai, en plein dans les départs pour le pont du 8-Mai.

Et à quelques jours du début du mouvement, les négociations entre la direction et les organisations syndicales, avec Sud Rail en réalité, semblent bloquées.

• Qui se met en grève?

  • Les agents du matériel seront en grève 48h à partir du 6 mai
  • Les conducteurs (appelés ADC) seront en grève à partir du 7 mai
  • Les contrôleurs (appelés ASCT) ont déposé un préavis du 9 au 11 mai

• Quelles sont les revendications?

Les conducteurs et les contrôleurs pointent d'abord la mise en place d’un nouveau logiciel de planning. Selon Sud Rail, cette nouvelle application "modifie sans arrêt, sans avis préalable, au dernier moment" les semaines de travail des agents.

"Comment accepter de ne pas pouvoir planifier sa vie personnelle au-delà de 48h, qui accepterait de ne pas pouvoir prévoir un rendez-vous du jour au lendemain?", explique le syndicat.

Les contrôleurs en particulier réclament par ailleurs une hausse de 100 euros par mois de la prime de travail et la sécurisation de cette prime. Sud Rail estime que les bénéfices de la SNCF et les perspectives de croissance justifient "la répartition des richesses" dans le groupe.

• Quelles conséquences sur le trafic?

Si le syndicat Sud Rail est à la manoeuvre pour les contrôleurs, c'est bien le collectif national ASCT (baptisé CNA) très actif et influent sur les réseaux sociaux, qui a été à l'origine de la grande grève hivernale de 2022, qui fait à nouveau pression sur la direction.

Lors de ce mouvement, environ 200.000 voyageurs avaient été laissés sur le carreau. Rappelons que les TGV ne peuvent pas circuler sans chef de bord.

Selon nos informations, du côté des contrôleurs, le mouvement "serait très suivi". On peut donc s'attendre à de nombreuses annulations de trains qui seront communiquées comme d'habitude 48 heures avant le début du préavis, soit le 7 mai.

D'autant plus que, lors du week-end du 10/11 mai, la circulation des trains vers et depuis le sud-est (tout transporteurs confondus) sera réduite, suite à des travaux d'infrastructure programmés de longue date par SNCF Réseau. Chez SNCF Voyageurs, les trains qui ne circuleront pas n'ont pas été ouverts à la vente, cela concerne 30% des TGV Ouigo par exemple circulant vers le sud-est.

SNCF Voyageurs pourra néanmoins mobiliser des cadres du groupe pour remplacer certains contrôleurs (il s'agit d'une sorte de réserve de contrôleurs), mais la SNCF refuse de communiquer à ce sujet sur le volume de ces réservistes.

Du côté des conducteurs, la CFDT (troisième syndicat chez ces cheminots) met en avant "des engagements importants" pris par la direction lors des réunions de négociations et met en avant un calendrier acté pour poursuivre les discussions.

Selon nos informations, le mouvement serait moins suivi, sauf en régions, particulièrement en Ile-de-France. Selon Sud Rail, 55% des conducteurs des lignes D et R ont déposé un préavis.

Certains conducteurs critiquent d'ailleurs le poids croissant du collectif des contrôleurs sur le dialogue social. "C'est devenu une corporation tellement puissante avec le pouvoir de bloquer le trafic TGV que l'entreprise leur cède tout", nous confie un conducteur de train.

• Quelle réponse de la direction?

Si la SNCF met en avant le dialogue social permanent, elle s'est surtout attachée à mettre en avant les engagements réalisés "à 100%" depuis 2022. "On a fait le job", assure-t-on.

Sur la question des conditions de travail et les conséquences du nouveau logiciel de planning, la direction admet qu'il y a des améliorations à apporter sur la visibilité pour les cheminots. Et d'annoncer un audit externe, une meilleure visibilité de six mois sur les périodes de repos et une meilleure réactivité suite aux demandes de congés.

Sur la question des rémunérations par contre, la direction n'entend pas sortir le carnet de chèques. Elle met en avant les +2,2% d'augmentation pour 2025 mises en oeuvre lors des dernières NAO et répète que les cheminots ont bénéficié de 17% d'augmentation en trois ans, un chiffre contesté par certains syndicats et les cheminots.

"Tout le monde en bénéficie, un effort important a été fait", souligne la direction qui met également en avant une prime d'intéressement de 1.300 euros pour tous cette année.

"La SNCF fait d'importants bénéfices, les cheminots sont productifs, on est les plus profitables en Europe: en quoi est-il anormal de poser la question de la répartition des richesses, on réclame une part, c'est normal", assène de son côté Fabien Villedieu, délégué chez Sud Rail. Le groupe rappelle de son côté que les bénéfices sont réinjectés dans les nécessaires investissements pour le réseau.

Le groupe insiste également sur sa volonté de travailler sur des réformes en profondeur du cadre très complexe de la rémunération à la SNCF. Car si l'opérateur assure que tous les cheminots perçoivent au minimum le Smic plus 10%, cette rémunération englobe tout un millefeuille de primes variables qui peuvent disparaître si par exemple le cheminot est en arrêt maladie, le traitement de base étant lui assez bas.

Pour Sud Rail en particulier, ces réponses sont insuffisantes et justifient une grève massive tandis que la CGT Cheminots indique que le compte n'y est pas et appelle à "élever le rapport de force".

• Un dernier coup de pression

Face à ce qui est considéré comme un blocage, Jean-Pierre Farandou joue une dernière carte en s'adressant directement aux cheminots à travers une lettre ouverte de quatre pages envoyée à tous les cheminots ce mardi. Il leur met la pression.

"Les grèves catégorielles à venir chez SNCF Voyageurs n’auront pas de plus-value. Au contraire, elles fragiliseront durablement la SNCF, et donc tous les cheminots alors même que SNCF Voyageurs est confronté à la concurrence", écrit-il.

"Comment vont réagir nos clients voyageurs, qui font vivre l’entreprise en achetant des billets de train?, s'interroge-t-il. Ces mouvements de grève, ciblés sur les ponts de mai, vont pénaliser des milliers de clients et les proches qu’ils partaient retrouver grâce à nos trains".

Et d'asséner: "L'insatisfaction des Français, voire leur colère, vont être grandes. Nous perdrons leur confiance. Qui pourrait reprocher à nos clients voyageurs de choisir, une prochaine fois, une autre solution de transport?"

Le PDG n'hésite pas à jouer sur une corde sensible: "Avec ces grèves, l’image de la SNCF va être durement affectée. Le 'SNCF bashing' va repartir de plus belle, alors que je me bats, comme beaucoup d’entre vous, pour lutter contre les idées reçues sur notre entreprise, et pour défendre les cheminots quand ils sont injustement critiqués."

Pour autant, si Jean-Pierre Farandou (sur le départ) est plutôt respecté chez les syndicats, sa missive passe mal, notamment auprès de Sud Rail.

• Le ministre des Transports change son fusil d'épaule

Ce mercredi, Philippe Tabarot estime finalement, que les demandes concernant l’organisation des plannings "sont des revendications qui peuvent s’entendre" alors qu'il y a encore deux semaines, il indiquait le contraire.

En revanche, sur la demande de la hausse de la prime de travail, il souligne comme le groupe que "les bénéfices de l’entreprise sont là pour investir dans le réseau".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business