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"Nous perdrons la confiance des Français": le patron de la SNCF joue sa dernière carte pour éviter la grève en écrivant cette lettre aux cheminots

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Dans une lettre ouverte adressée à tous les cheminots, le PDG de la SNCF exhorte sur quatre pages à ne pas faire grève et déroule les mesures déjà mises en place.

La perspective d'une grève assez dure se profile à la SNCF à partir du 6 mai, notamment du côté des contrôleurs, organisés en collectif soutenu par Sud Rail à partir du 8.

Si le groupe a mené plusieurs réunions de négociations avec les organisations syndicales, certaines de ces dernières jugent qu'aucune réponse n'a été apportée aux revendications. Il faut dire que la direction a fait assez peu de propositions, jugeant avoir tenu "100% de ses engagements" depuis le mouvement de fin 2022.

Face à ce qui est considéré comme un blocage, Jean-Pierre Farandou joue une dernière carte en s'adressant directement aux cheminots à travers une lettre ouverte de quatre pages que BFM Business s'est procurée.

Dans ce courrier, le PDG déroule d'abord toutes les mesures mises en place et programmées: hausses de salaires "supérieures à l'inflation", négociation d’un nouveau mode de progression salariale, accord sur les cessations anticipées d’activité...

Il revient également sur la question du nouveau logiciel de planning qui semble empoisonner la vie des agents et qui est au centre de leurs revendications. "Je comprends parfaitement le sens et la légitimité des revendications exprimées sur les conditions de travail", indique-t-il, en répétant que des groupes de travail "vont être réunis".

La "colère" des Français

Surtout, Jean-Pierre Farandou met en avant la rupture de confiance et la fragilisation du groupe si cette grève est menée.

"Les grèves catégorielles à venir chez SNCF Voyageurs n’auront pas de plus-value. Au contraire, elles fragiliseront durablement la SNCF, et donc tous les cheminots alors même que SNCF Voyageurs est confronté à la concurrence", écrit-il.

"Comment vont réagir nos clients voyageurs, qui font vivre l’entreprise en achetant des billets de train?", s'interroge-t-il. "Ces mouvements de grève, ciblés sur les ponts de mai, vont pénaliser des milliers de clients et les proches qu’ils partaient retrouver grâce à nos trains".

Et d'asséner: "L'insatisfaction des Français, voire leur colère, vont être grandes. Nous perdrons leur confiance. Qui pourrait reprocher à nos clients voyageurs de choisir, une prochaine fois, une autre solution de transport?"

Le PDG n'hésite pas à jouer sur une corde sensible: "Avec ces grèves, l’image de la SNCF va être durement affectée. Le 'SNCF bashing' va repartir de plus belle, alors que je me bats, comme beaucoup d’entre vous, pour lutter contre les idées reçues sur notre entreprise, et pour défendre les cheminots quand ils sont injustement critiqués."

Pour Sud Rail "ce n'est pas sérieux"

"Alors vous comprenez que dans un monde désormais concurrentiel, l’avenir de la SNCF et des cheminots passe par notre capacité à conserver nos clients voyageurs et la confiance des autorités organisatrices, et donc à leur offrir le service qu’ils attendent", conclut-il.

La missive n'a pas mis longtemps à faire réagir Sud Rail, syndicat à la manoeuvre du côté du collectif contrôleurs et le plus inflexible. "Les cheminots et les cheminotes veulent autre chose qu'un courrier", réagit ainsi l'organisation.

Pour Fabien Villedieu, délégué de l'organisation syndicale, "on fait du gréviste bashing, entre les cheminots eux-mêmes avec des cheminots déraisonnables jamais contents par rapport à ceux qui ne le seraient plus (...) c'est pas bien ce que fait Jean-Pierre Farandou là dessus".

L'argument du risque concurrentiel est rejeté par le responsable, "ce n'est pas sérieux, ce n'est pas parce que il y a des concurrents qu'on s'interdit de se mobiliser (...) et c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité (...) car la concurrence, on les aide donc c'est un peu gonflé".

Et de répéter la légitimité des cheminots à demander plus de partage de valeur: "Si les organisations syndicales ne posent pas la question des répartitions des richesses dans des entreprises qui font des bénéfices, dans quelles entreprises on peut les poser?"

Enfin, un communiqué des agents du matériel Sud Rail (qui sont en grève à partir du 6 mai pendant 48 heures) va plus loin en parlant de "manque de respect"... Il n'est donc pas certain que ce courrier ait fait mouche.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business