Polémique de l'abandon du train de nuit Paris-Berlin: la France a certes cessé ses subventions mais l'Allemagne n'en versait aucune

"Scandale", "hérésie écologique", "prétextes trompeurs", "boulevard pour l'avion"... L'officialisation de l'arrêt après seulement quelques années des trains de nuit entre Paris, Berlin et Vienne suscite la colère des défenseurs des modes de transports verts et une petite polémique européenne.
En effet, l’État français a décidé de supprimer la subvention annuelle à la SNCF pour ces trains (10 millions d'euros par an). Sans cette aide, ÖBB et DB (qui opèrent la ligne en partenariat) n'entendent plus assumer les déficits seuls, la liaison s'arrêtera donc le 14 décembre prochain malgré son succès avec un taux de remplissage moyen de 70%.
Mais les choses auraient pu être différentes. Selon nos informations, la DB, l'opérateur historique allemand n'a jamais versé le moindre centime pour cette liaison nocturne alors que ce train de nuit roule bien plus de kilomètres en territoire allemand qu'en France pour le trajet vers Berlin. Une subvention de nos voisins aurait pu changer la donne, ne serait-ce que pour soutenir les premières années de la ligne.
Précisons que ÖBB, le groupe ferroviaire autrichien, fournit les rames NightJet des deux lignes vers Berlin et Vienne.
Par ailleurs, si l'Etat a décidé de couper le robinet c'est parce que la SNCF et ses partenaires n'ont pas tenu leur promesse de proposer une liaison par jour (contre trois par semaine actuellement). Mais selon une source proche du dossier, cette subvention ne devait être que provisoire, une aide au démarrage.
Un train de nuit sans subvention, c'est possible?
Dans une étude de décembre 2020, le ministère des Transports estimait que les liaisons de nuit internationales de très grandes agglomérations pouvaient se faire sans subvention (hors une éventuelle aide au démarrage donc) car ces relations étaient susceptibles d'être au moins à l'équilibre.
L'Etat tablait sur une réduction des charges d'environ 20 à 25% par rapport à une offre de nuit classique de SNCF Voyageurs à travers l'optimisation de la conception et de l'exploitation des offres. L'Etat s'appuyait notamment sur le fait que SNCF Voyageurs propose mieux pour moins cher pour la ligne Intercités Nantes-Bordeaux qui a été ouverte à la concurrence et remportée par l'entreprise publique après appel d'offres.
Un point confirmé par le collectif Oui au Train de nuit. "Les liaisons entre grandes métropoles peuvent s’approcher de l’autofinancement, à condition que les opérateurs fassent un effort important pour optimiser le service. Dans la pratique il convient de rassembler les ressources pour lancer un service quotidien (action promise mais pas encore réalisée), en trains entiers (au lieu de demi-trains se recombinant en milieu de trajet). Cela rationalise la production, augmente la fiabilité, améliore les horaires, permet de mieux circuler malgré les nombreux travaux et au final permet d’avancer vers l’autofinancement".
Un point que conteste SNCF Voyageurs.
"Même dans le cadre des hypothèses très hautes de trafic, l'équilibre économique n'est pas atteignable, compte tenu notamment du niveau des coûts de production".
Le collectif rappelle également "que Trenitalia en Italie et Deutsche Bahn en Allemagne exploitent ces mêmes trains de nuit Nightjet sans subventions. Ces opérateurs peuvent tout à fait supporter de légères pertes, qui sont acceptables sachant qu’il s’agit d’un marché émergent".
Quant à la liaison quotidienne, pour la SNCF c'est à date impossible. "Compte tenu des travaux très importants sur le réseau en France et en Allemagne, le passage en circulations quotidiennes à compter de 2026, comme c'était l'objectif initial, n'était plus envisageable. Ainsi une fréquence de 3 allers-retours avait été maintenue pour la préparation du service annuel 2026, et ce en accord avec l'Etat", insiste le groupe.