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Malgré des Paris-Marseille remplis à 70%, Trenitalia prévient qu'elle n'atteindra pas la rentabilité avant 2027 voire 2028

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Son PDG, Marco Caposciutti révèle que la nouvelle liaison Paris-Marseille affiche un taux de remplissage de 70%. Pour autant, l'opérateur italien ne lancera pas de nouvelles lignes en France, préférant miser sur l'accroissement de son offre actuelle pour atteindre la masse critique.

Dans le paysage assez clairsemé de la concurrence à SNCF Voyageurs dans la grande vitesse, Trenitalia renforce petit à petit ses positions. Même si la filiale française de l'opérateur historique italien affiche encore de lourdes pertes, les voyageurs semblent au rendez-vous, séduits par des prix agressifs et une offre de service différenciante à bord des Flèches rouges.

Ce succès s'est illustré cet été, notamment grâce au lancement de quatre allers-retours entre Paris et Marseille, un des prés carrés les plus rentables de SNCF Voyageurs.

"Nous avons vécu un été très positif et on observe un taux de remplissage moyen de 70% vers Marseille", se félicite auprès de BFM Business, Marco Caposciutti, PDG de Trenitalia France, même si ce remplissage doit encore être validé une fois la saison estivale passée.

"C'est plus rapide qu'on imaginait, on a identifié une forte attente sur cette liaison", ajoute Fabrice Toledano, directeur marketing.

68 millions d'euros de pertes en 2024

Outre Marseille, la compagnie a également augmenté le nombre ses allers-retours vers Lyon qui a vu son nombre de clients augmenter de 40% entre 2023 et 2024 et se félicite d'avoir fait voyager 200.000 voyageurs de plus sur un an. L'opérateur souligne que ses offres permettent de faire grossir le gâteau du ferroviaire, "c'est notre ambition et c'est la démonstration que la concurrence permet d'augmenter la taille du marché", souligne le dirigeant.

Reste que la compagnie a perdu 68 millions d'euros en 2024, après une perte nette de 50 millions d'euros en 2023 et cumule plus de 150 millions d'euros perdus depuis fin 2021.

Mais cette trajectoire est parfaitement normale pour Trenitalia France, compte tenu des investissements à consentir pour se lancer et exploiter les lignes, notamment à travers les péages payés à SNCF Réseau qui sont parmi les plus élevés d'Europe, et de sa politique tarifaire agressive.

"Il faut considérer que nous sommes toujours en période d'investissements, on a un plan et on suit ce plan", explique Fabrice Toledano. "Il faut atteindre une masse critique avant de stabiliser nos dépenses mais c'est vrai qu'avec des péages quatre fois plus chers qu'en Italie, c'est compliqué; c'est le premier coût d'exploitation pour nous. Nous militons pour que les prix des péages n'augmentent plus". Or, ces péages ont bien vocation à augmenter.

La clientèle business en ligne de mire

Rappelons par ailleurs que l'opérateur a bénéficié de "tarifications négociées" c'est à dire de rabais offerts aux nouveaux entrants sur les péages vers Lyon (désormais terminés) et pour Marseille pour ses deux premières années d'exploitation.

Pour atteindre cette fameuse masse critique, Trenitalia France mise encore et toujours sur l'accroissement de son offre actuelle avec plus de rotations vers Lyon à partir du mois de décembre avec l'ambition d'attirer plus de clients professionnels. "Nous élargissons nos canaux de distribution, nous offrons plus de fréquences ce qui est essentiel pour cette cible qui représente déjà près d'un client sur deux. De quoi créer une marge de croissance", explique Fabrice Toledano. Il faut également ajouter que cette clientèle est prête à payer son billet plus cher que le passager lambda.

Mais l'opérateur n'entend pas se positionner sur d'autres lignes à grande vitesse. On ne verra pas Trenitalia arriver à Bordeaux par exemple, ni s'arrêter sur plus de gares intermédiaires, un choix qui rend moins compétitif le temps de parcours, estime l'opérateur qui estime néanmoins "faire le boulot" en la matière.

"On souhaite se concentrer sur l'axe sud-est. Pour nous, c'est compliqué de desservir un autre axe, notamment pour des questions de maintenance. C'est à travers cet axe qu'on doit atteindre cette masse critique car notre objectif est d'être un jour rentable", explique Marco Caposciutti.

"On n'est pas dans une guerre des prix"

"On sera encore dans le rouge cette année et en 2026. Avec l'accroissement de l'offre, on vise la rentabilité en 2027 ou en 2028", souligne-t-il, soit entre six et sept ans après son arrivée en France (fin 2021).

La principale illustration de cette montée en charge est le passage à 14 rotations quotidiennes en semaine vers Lyon en décembre, contre neuf auparavent et 24 pour SNCF Voyageurs.

Cet accroissement est néanmoins limité car Trenitalia France utilise l'ensemble de son parc de trains et les nouvelles rames à grande vitesse commandées par la maison mère sont réservées au marché italien. A court terme, il y a donc peu de chances de voir plus de trains vers Marseille ou Milan.

Pour le reste, les péages vont continuer d'augmenter et la politique agressive de prix demeurer. "Nous ne sommes pas low cost mais nous voulons être moins chers que la SNCF. Pour notre dynamique, c'est un levier que nous continuerons à appliquer", souligne Marco Caposciutti. "On n'est pas dans une guerre de prix, ce qui compte, c'est le rapport qualité/prix", complète Fabrice Toledano. Une équation qui risque de peser encore quelques années sur les comptes de Trenitalia France.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business