"15% des voyageurs ne trouvent pas de place": Proxima dévoile ses trains Velvet qui vont taquiner les TGV de la SNCF sur le Paris-Bordeaux

"C'est un jour symbolique". Rachel Picard, PDG et CEO et co-fondatrice de Proxima ne cachait pas son émotion ce mardi pour présenter le nom commercial et le design de ses futurs trains à grande vitesse. C'est donc la marque "Velvet" qui a été choisie pour ce nouvel opérateur français privé qui va se mesurer à SNCF Voyageurs vers Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers depuis Paris à partir de 2028.
Velvet est certainement le projet partant de zéro le plus avancé dans l'univers effervescent de l'ouverture à la concurrence des lignes TGV en dehors des filiales des opérateurs historques comme Trenitalia et Renfe. Car à la différence de Railcoop ou de Midnight Trains qui ont renoncé faute d'argent, ou encore de Le Train et de Kevin Speed toujours en quête de fonds, le nouvel acteur a un argument de taille: il a annoncé en juin dernier avoir levé 1 milliard d'euros auprès d'Antin Infrastructure Partners.
Cette somme considérable, nerf de la guerre, lui a permis de commander en octobre dernier 12 rames de TGV à Alstom pour 850 millions d'euros. L'industriel français est également missionné pour assurer 15 années de maintenance.
Ce 1er juillet marque donc une nouvelle étape importante pour l'opérateur avec ce nom commercial choisi "parmi des milliers de propositions", précise Rachel Picard et la présentation de la livrée des rames avec ce vert Bentley et ce rose Lilas qui dénotent avec ce qui se fait dans le monde du rail. Une chose est sûre, on ne ratera pas les rames Velvet en gare.


Douceur et élégance
Pourquoi Velvet? "Ce mot incarne la vitesse, la douceur, la profondeur, l'élégance et l'innovation", explique la fondatrice, "ce sont des codes jamais vus dans le ferroviaire".
Le mystère reste entier concernant l'aménagement intérieur. Rappelons que ce train à deux niveaux fabriqué par Alstom est basé sur la plateforme Avelia Horizon qui a également été déclinée pour le TGV M de SNCF Voyageurs.
Pour autant, Proxima-Velvet recevra-t-il ses rames à temps, en 2028, compte tenu des multiples retards de production subis par Alstom sur de nombreux contrats, notamment le TGV M? Rappelons qu'initialement, Proxima espérait recevoir ses premiers trains en 2027 et les faire rouler commercialement la même année.
4 rames en 2028
"La production des caisses a commencé à La Rochelle et une première motrice a été achevée sur le site Alstom de Belfort", précise Rachel Picard. "On va recevoir une rame par mois à partir de 2028 et la flotte sera complète en 2029". Dans le même temps, les travaux pour le site de maintenance flambant neuf entre Bordeaux et Arcachon ont commencé.
Du côté d'Alstom, on promet que le calendrier sera tenu. "On a un programme ambitieux avec différents clients mais les calendriers sont séparés. Mais Velvet va profiter de notre investissement de 150 millions d'euros pour augmenter nos capacités de production de trains à grande vitesse", nous explique Frédéric Wiscart, président d’Alstom France. Et de préciser que les tests d'homologation seront moins longs grâce au travail réalisé avec le TGV M.
En réalité, Velvet débutera ses opérations en 2028 avec quatre rames qui seront dédiés à l'axe le plus stratégique et rentable pour l'opérateur: Paris-Bordeaux.
10 millions de places supplémentaires
Côté modèle économique, le mystère reste entier mais Velvet va s'appuyer sur la grande capacité de ces TGV à deux étages pour accueillir le plus grand nombre de clients possible.
Compte tenu des prix très élevés des péages pour circuler sur les voies (200 millions d'euros par an, estime-t-on qui iront au financement du réseau), notamment vers Bordeaux, la rentabilité ne sera atteinte que par le remplissage et par un nombre important de rotations (fréquence) et une desserte des grandes villes. On peut alors s'interroger sur le rapport entre confort/élégance, grande capacité et haute fréquence...

"Il y a une vraie crise capacitaire, historique, vers l'Ouest, il n'y a pas assez d'offre: on estime que 15% des voyageurs ne peuvent pas prendre le train vers ces destinations faute de places. Si on ne fait rien, ça sera 25% en 2030. Notre ambition est d'offrir 10 millions de places supplémentaires sur la façade Atlantique et amplifier le report modal en visant une clientèle très diversifiée. On jouera la carte de la simplicité et de l'accessibilité", explique Rachel Picard
"Nous avons observé la concurrence, l'avion, les hôtels... On s'appuiera sur trois fondamentaux: la nouveauté/le choix, le plaisir de voyager et la capacité avec plus de places. On travaille sur l'essentiel et le détail qui change tout", complète-t-elle.
SNCF Voyageurs contre-attaque
Lors de son lancement, Proxima évoquait "la fin de la frontière affaires/loisirs, les besoins de connectivité et de contenu à bord, la recherche d’intimité ou de lieux de partage".
Comme Trenitalia sur Paris-Lyon, Velvet disposera d'une force de frappe à des années lumière de la SNCF et de ses 380 TGV (toutes destinations confondues). Mais l'opérateur mise sur un cercle vertueux, l'offre créé le trafic et le trafic dope l'offre. Reste que SNCF Voyageurs ne restera pas inactif sur ces lignes qui font partie de ses "cash-machines".
Fin 2024, la compagnie ferroviaire annonçait qu'il allait considérablement renforcer son offre vers la façade Atlantique avec 4 millions de sièges supplémentaires progressivement d'ici 2026. Preuve que le sujet Proxima n'est pas pris à la légère, d'autant plus que Rachel Picard est une ancienne de la maison, elle a dirigé jusqu'en 2020 la plateforme digitale voyages-sncf.com et Voyages SNCF (l’activité grande vitesse en France et en Europe).