Amazon met ses colis dans le train: vraie nouveauté ou simple résurrection du TGV postal disparu en 2015?

Le géant du commerce en ligne se félicite d'une innovation écoresponsable. Pourtant des TGV postaux sillonnaient le pays il y a encore quelques années.

L'information a fait le tour des médias il y a quelques jours: Amazon a officiellement lancé le transport de colis par TGV entre Lyon et Paris, une première selon lui.

Concrètement, les colis sont placés dans une soute fermée du TGV, située dans la locomotive. Ils n'empiètent ainsi pas dans les zones dédiées aux voyageurs. Ces espaces étaient jusqu'à présent peu utilisés, hormis pour du transport de journaux, ou de médicaments urgents.

Cet espace permet de stocker environ un millier de paquets et à raison de deux allers-retours par jour Paris-Lyon, Amazon vise plus de 500.000 colis transportés pour 2025. Le spécialiste du e-commerce entend monter en cadence en exploitant d'autres liaisons TGV pour livrer des colis.

Les acteurs concernés, Amazon mais aussi Rail Logistics Europe (RLE), le pôle en charge du fret et de la logistique ferroviaires au sein du groupe SNCF et Hexafret (ex-SNCF Fret), se félicitent de concert de cette solution "innovante, rapide" et qui "permet d'éviter des émissions significatives de CO2 par rapport au transport routier traditionnel".

Des TGV à la livrée jaune

Ce qui est tout à fait vrai. Mais Amazon et la SNCF semblent oublier qu'il n'y a pas si longtemps que ça, des TGV postaux, à la livrée jaune, traversaient la France en transportant lettres et colis pour le compte de La Poste.

Ces trains sont lancés en 1984, quelques années après les premiers TGV vers Lyon. Ils circulent la nuit pour transporter une partie du courrier urgent et des colis, entre Paris, Lyon, Mâcon et Cavaillon.

Un TGV postal © AFP

A l'intérieur des voitures, des aménagements spéciaux permettent à des agents d'effectuer le tri du courrier.

Six TGV de ce type sont en circulation au plus fort du service et ce sont des centaines de millions de plis et de colis mais aussi des journaux qui sont transportés.

Au début des années 2000, le trafic se replie à mesure qu'Internet explose. Le volume du courrier envoyé par les particuliers commence à baisser et ce repli s'accélère d'année en année. Dans le même temps, les géants du commerce en ligne déploient leurs propres solutions de transport, essentiellement par la route, depuis leurs entrepôts.

Disparition en 2015

La Poste commence alors à réduire le nombre de ses TGV frappés de son logo jusqu'au moment où cette activité constitue un foyer important de pertes. En 2014, La Poste indique que ce mode de transport "n’est plus rentable car les rames circulent à moitié vides". La dernière circulation commerciale a lieu en 2015 et les dernières rames partent à la casse.

Si on remonte encore un peu plus dans le passé, la SNCF proposait également la livraison de colis dans les trains classiques à travers la Sernam. Le service est lancé en 1970, on peut envoyer par train, en France et à l'étranger, des paquets et des malles ou encore des bicyclettes et des meubles puis les bagages des clients. Il était possible de garantir un envoi sous 72 heures, voire le lendemain.

Entre mauvaise gestion, pertes chroniques et concurrence de la route, la Sernam est privatisée en 2005 et rachetée par le fonds Butler Capital Partners. En 2012, elle est placée en redressement judiciaire après une perte de 15 millions d'euros en 2010 puis liquidée en deux ans plus tard.

Bref, ce qui apparaît comme une innovation aujourd'hui était une réalité hier, quotidienne et massive. Et si on considère le volume actuel des colis aujourd'hui transportés en France et ses conséquences sur l'environnement, on peut se demander pourquoi le transport par rail n'est pas une priorité.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business