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L'été des années 80. Le TGV arrive, la France découvre les premières vacances à très grande vitesse

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[Episode 2/5] À quelle vitesse roulait-il? Combien coûtait un billet? Comment ont réagi les premiers passagers? L'été 1982 était le premier du TGV orange, qui allait transformer à jamais le paysage ferroviaire et touristique français.

Eté 1982, la France souffre de la canicule -40 degrés à l'ombre- et a une envie folle de baignade et de mer. Cela tombe bien, quelques mois plus tôt, le 22 septembre 1981, François Mitterrand qui a offert une cinquième semaine de congés payés aux Français, inaugurait le premier TGV reliant Paris à Lyon, une rame baptisée "Patrick".

Un train orange qui allait transformer à jamais le paysage ferroviaire et touristique en France. Une vraie révolution qui rapproche considérablement Paris de la capitale des Gaules en 2h40 (puis 2h un peu plus tard) au lieu de 3h50 mais aussi de la Côte d'Azur, même s'il faut attendre 2001 pour que la grande vitesse atteigne Marseille.

Le TGV, les voyages à grande vitesse
Le TGV, les voyages à grande vitesse
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5h30 pour relier Paris à Marseille

L'été 1982 est donc celui des premiers voyages estivaux en TGV vers Lyon, à plus de 200 km/h de moyenne, avec des pointes à 260 km/h. La ligne poursuit ensuite plus lentement sur le réseau classique vers les stations balnéaires du sud-est de la France: Marseille, Toulon, St-Raphaël, Cannes, Antibes, Nice.

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À cette époque, le TGV mettait 5h30 pour relier la capitale à Marseille (puis 4h30 en 1983), contre 3h15 aujourd'hui.

Le premier TGV Sud-Est
Le premier TGV Sud-Est © Christian Delemarre

Et là où le Corail mettait près de 10 heures pour relier Paris à Nice, il ne faut plus que 8 heures (et 6h30 aujourd'hui).

La desserte et les temps de parcours du TGV (1982-1983)
La desserte et les temps de parcours du TGV (1982-1983) © SNCF

Les premiers clients sont enthousiastes. Silence et rapidité sont au rendez-vous. Ce train, à la livrée orange et au design aérodynamique futuriste, est sans précédent dans l'histoire du ferroviaire français. Il a été imaginé par le regretté Jacques Cooper, styliste français de renom. Dès le départ, il étonne et fascine: voyager à 260 km/h apparaît comme extraordinaire.

Restauration à la place et cendrier

Les premiers voyageurs s'extasient, photographient le train sous toutes ses coutures, imaginent même "ressentir" les effets de cette vitesse inconnue jusque-là. Certains prédisent des malaises aux premiers voyageurs, ce qui ne se produit pas grâce à la conception en un seul tenant du train.

L'intérieur est également source d'émerveillement. Sièges marron et orange (ce sont les codes couleur de l'époque), moquette, voiture bar conçue sur le modèle de celle des mythiques Trans Europe Express, restauration servie à la place en Première classe… Mais aussi lampe de lecture au-dessus de son siège, store ajouré et cendrier car oui, on pouvait encore fumer dans les trains… Une autre époque.

On y trouve d'ailleurs une boutique qui vend des cigarettes, mais aussi de la presse et des jeux.

Les sanitaires également étonnent avec un système pneumatique inspiré de ce qui existe dans les avions alors qu'habituellement, dans les rames traditionnelles, ils se résument à une cuvette donnant directement sur la voie.

Les voyageurs du TGV recevaient ce petit guide
Les voyageurs du TGV recevaient ce petit guide © SNCF
Le service à bord des premiers TGV
Le service à bord des premiers TGV © Michel Henri
Dans les premiers TGV, le service de restauration à table
Dans les premiers TGV, le service de restauration à table © Michel Henri

Avec un temps de parcours réduit, un départ et une arrivée en plein centre-ville, le TGV se pose très vite en concurrent féroce de la voiture, mais aussi de l'avion, notamment des navettes d'Air Inter, compagnie aujourd'hui disparue, à qui il prend d'importantes parts de marché.

Et le succès est immédiat. Le premier T.G.V (c'est comme ça qu'il fallait l'écrire à l'époque) commercial se remplit à grande vitesse, fait le plein, et la SNCF doit même en proposer un second qui part de Paris Gare de Lyon une minute après le précédent.

En 1982, les usagers peuvent même réserver eux-mêmes leurs billets grâce aux nouvelles bornes de réservation rapide dans la Gare de Lyon. Une révolution, car jusque-là il fallait s'adresser au guichet et à son agent qui devait consulter les imposants fascicules d'horaires. Le paiement se faisait en liquide.

Et pour la première fois à la SNCF, la réservation du siège est obligatoire en plus du billet.

160 francs pour un Paris-Lyon, soit 69 euros actuels

Combien coûtait un Paris-Lyon (aller-simple en seconde classe) lors du lancement du TGV? En 1981, il fallait compter 160 francs, soit presque 69 euros actuels (conversion en euros constants prenant en compte l'inflation). Un prix qui se situe donc dans la fourchette actuelle, entre 50 et 110 euros, pour un trajet en TGV Inoui aujourd'hui (en fonction de la date de départ).

En 1983, le tarif passe à 200 francs puis à 236 francs en 1987.

Mais à cette époque, on jugeait (déjà) le tarif élevé, car il était supérieur au prix d'un billet avec un train classique alors que la distance était un peu plus courte (429 kilomètres contre 519 pour la ligne classique).

Un publicité pour le TGV au début des années 1980
Un publicité pour le TGV au début des années 1980 © SNCF

Il faut se souvenir qu'il n'y avait pas encore de "yield management", soit des prix qui varient en fonction de la date de départ et du remplissage des trains, mais une tarification au kilomètre. Plus on allait loin, plus le billet était cher. Sur ce principe, l'aller vers Lyon aurait donc dû être facturé 132 francs.

Pour s'offrir un repas à sa place en Première classe, il fallait débourser 95 francs soit 36 euros. Un sandwich vendu dans la voiture bar était facturé 10 francs, soit presque 4 euros actuels.

Le confort faisait également déjà débat. Le remplissage des trains commençait à être au centre des préoccupations de la compagnie ferroviaire, surtout pour ce TGV à rentabiliser.

Dans les reportages d'époque, certains passagers se plaignent ainsi d'un manque de place pour les jambes par rapport au confort des trains Corail qui faisait l'unanimité. D'ailleurs, c'est à ce moment qu'à la SNCF, le terme "usager" est progressivement abandonné au profit de celui de "client". Un autre changement d'époque.

Pour autant, le TGV continue de faire le plein. En 18 mois d'activité commerciale, le fleuron industriel transporte 10 millions de voyageurs. Entre l'hiver 1982 et le printemps 1983, ce sont 22.000 personnes par jour qui embarquent dans le train orange.

"L'été des années 80" vous replonge 40 ans en arrière à travers les 5 plus grand succès commerciaux de l'époque. Une série également à retrouver en podcast.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business