Pourquoi Biocoop est pris pour cible par des producteurs bio

Un magasin Biocoop. - Fred Tanneau - AFP
"Magasin paysan". C'est ainsi que se revendiquait le magasin Biocoop de Charleville-Mézières, le mardi 29 janvier, sur son compte Facebook. "Nos paysans bio ne bloquent pas leur propre magasin", ajoutait l'enseigne de la publication.
Une façon de réaffirmer son engagement auprès des producteurs et de se différencier de la grande distribution et de ses pratiques. Au niveau national, le réseau de magasins, spécialisé dans l'agriculture biologique, a d'ailleurs inscrit son engagement dans une charte éthique. "Une agriculture biologique durable" ainsi que "la transparence et l'équité des relations commerciales" sont considérés comme les piliers de cette charte par Biocoop sur son site.
Pourtant, lors d'une action menée par des agriculteurs, dans le nord des Bouches-du-Rhône, jeudi 1er février, plusieurs sites ont été ciblés dans le secteur Marché d'intérêt national (MIN) de Châteaurenard... Dont la centrale d'achats de Biocoop de Noves.
"Les mêmes pratiques que la grande distribution"
Une dizaine d'agriculteurs ont lancé des projectiles et déversé du fumier aux abords du bâtiment pour protester contre la politique commerciale de l'enseigne.
"Ils ont les mêmes pratiques que la grande distribution", affirmait un maraîcher local dans une vidéo de La Provence, avant de donner un exemple des difficultés qu'ils rencontrent dans ses relations commerciales avec Biocoop.
"Depuis trois jours j'ai des brocolis, je leur propose, ils n'achètent pas", commençait-il, avant de poursuivre: "moi je me retrouve coincé, je n'ai plus d'autres solutions pour vendre. Et la semaine prochaine ils imposent une promotion".
"Ou j'accepte, ou je jette ma marchandise, je n'ai pas le choix", ajoutait-il, avant d'ironiser sur le positionnement "éthique" de l'enseigne.
"Vous achetez moins cher qu'en 2019", pointait un autre producteur plus tôt dans la vidéo.
"Des prix plus bas"
Chez les producteurs bio locaux on pointe une certaine "insatisfaction" au niveau de Biocoop, tout en rappelant, toutefois, que leurs pratiques sont "mieux-disantes" que le reste de la grande distribution.
Chez Solebio le groupement économique de producteurs qui fournit notamment la plateforme régionale Biocoop, on admet que "les prix d'achat sont tendus sur le marché de la bio" et qu'"il n'est pas faux de dire qu'ils sont plus bas que trois ou quatre ans auparavant".
Sauf que, dans le même temps, les charges ont considérablement augmenté pour les producteurs.
Au-delà de Biocoop, cette action illustre les difficultés de toute une filière qui connaît une profonde depuis plusieurs années. Les ventes du bio reculent depuis 2020, comme le montrent les données de l'Agence bio. Une tendance qui s'explique notamment par la réduction de la part du bio dans la consommation des ménages, sous l'effet de l'inflation.
"S'il y a une agriculture qui est en crise, c'est bien le bio"
"S'il y a une agriculture qui est en crise, c'est bien le bio", soulignait ainsi Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), auprès de BFMTV.com.
Et si les agriculteurs de la bio étaient si peu représentés sur les points de blocages qui se sont organisés partout en France en début de semaine, cela s'explique par les revendications spécifiques de la filière.
Alors que les producteurs bio partagent les revendications du mouvement sur le besoin d'une plus juste rémunération de leurs produits et de leur travail, ils n'ont pas du tout la même position sur les normes environnementales.
Contestées par de nombreux agriculteurs, elles ne sont pas remises en cause par les agriculteurs de la bio qui demandent de continuer à les appliquer et même d'aller au-delà, mais avec davantage d'aide et de moyens.
Vendredi dernier, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé avoir l'intention de "remettre 50 millions d'euros sur la filière bio". Une mesure bien insuffisante pour la FNAB, qui estime que cela revient à 833 euros par ferme biologique. "Ce n'est même pas le prix d'un pneu", déplorait Philippe Camburet.