Munitions: pour aider Kiev, les armées européennes devront continuer à puiser dans leurs stocks

En France, pour les obus de 155, les forges pyrénéennes constituent le premier maillon de cette chaîne, complétée ensuite par la poudrière d'Eurenco à Bergerac (Dordogne, charge explosive) et l'usine Nexter - Lionel Bonaventure
La Commission européenne a présenté mercredi un instrument financier doté de 500 millions d'euros pour renforcer la capacité de production de munitions de l'Union européenne afin d'aider l'Ukraine face à l'offensive russe. Le but est de co-financer les investissements industriels pour augmenter la production des 15 entreprises produisant dans onze états membres.
Selon Thierry Breton, ces industriels "n'ont pas l'envergure pour répondre à la fois aux besoins de l'Ukraine et ceux de nos États membres".
"Elles doivent désormais passer en mode économie de guerre. Ils n'y sont pas encore", s'inquiète Thierry Breton.
Il espère que ce plan sera adopté par les États membres d'ici fin juin. Il souhaite que dans un an, la capacité de production soit d'un million de munitions par an. Il s'agit de continuer à fournir des obus de 155 mm aux forces ukrainiennes, ceux nécessaires entre autres pour les canons Caesar. Mais aussi pour reconstituer les stocks stratégiques des pays européens dont certains sont proches de la rupture.
En mars, devant la commission défense de l'Assemblée nationale, Sébastien Lecornu, ministre des Armées a a rappelé les commandes passées parmi lequelles 5000 munitions de 155 mm, 200 missiles antichars à moyenne portée (MMP) et une centaine de missiles Mistral.
Tensions en Europe, aux Etats-Unis
L'objectif de Thierry Breton est ambitieux. En attendant d'y parvenir, il va falloir soutenir l'Ukraine à très court terme et "continuer à donner de nos stocks", prévient le commissaire européen. Combien de temps les pays membres pourront répondre aux besoins de Kiev?
Selon les estimations des États membres, l’Ukraine utilise entre 60.000 et 210.000 obus par mois, tandis que la Russie en tire dix fois plus. Depuis l'appel lancé le 9 février par le président Zelensky, les pays de l'UE ont livré à l'Ukraine près de 40.000 obus et plus d'un millier de missiles pour leurs armes de défense anti-aériennes et anti-chars. Mais ces données correspondent seulement aux demandes de remboursement soumises par les Etats membres. Elles ne reflètent pas la réalité des fournitures couvertes par le secret défense.
En février, une réunion des ministres de la défense de l'Otan, le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg, soulevait déjà le problème.
"Le rythme actuel d'utilisation de munitions par l'Ukraine est beaucoup plus élevé que notre rythme actuel de production", prévenait Jens Stoltenberg.
Même les États-Unis s'inquiètent de ses stocks et de sa capacité à produire plus et plus vite. Le général Mark Milley, chef d'état-major américain, estimait en mars que "l'incroyable niveau de consommation de munitions" est une "grande leçon" du conflit en Ukraine, qui reste une "guerre régionale limitée". "Nous avons encore du travail pour s'assurer que nos (...) stocks soient prêts", notait l’officier en évoquant l'éventualité d'autres conflits.
...et du côté Russe
Cette tension sur les stocks de munitions pose également problème côté russe dont l'artillerie tire entre 600.000 et 1 ,8 million d'obus par mois, soit dix fois plus que les Ukrainiens. L'Etat Major russe donne priorité à son armée régulière au détriment du groupe Wagner.
Vendredi, Evguéni Prigojine, patron du groupe paramilitaire russe, a menacé de retirer à partir du 10 mai ses combattants de la ville de Bakhmout à cause d'un manque de munitions évaué à 70%.
"Nous allions prendre la ville de Bakhmout avant le 9 mai. Lorsqu'ils ont vu cela, les bureaucrates militaires ont stoppé les livraisons" de munitions, accuse l'homme d'affaires Evguéni Prigojine dans une vidéo publiée par son service de presse.
