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Défense

Frappée par des droits de douane de 39%, la Suisse tente d'amadouer les États-Unis avec de nouvelles commandes d'armes

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La Suisse pourrait acquérir davantage de matériels militaires américains dans une tentative de faire baisser les 39% de droits de douane appliqués par les États-Unis.

L'équation est simple : de l'armement contre une baisse des droits de douane. Le ministre suisse de la Défense, Martin Pfister, a déclaré dimanche qu'il était "ouvert" à l'idée de passer de nouvelles commandes d'armes auprès des États-Unis afin de tenter de réduire les droits de douane exorbitants imposés par Washington. Berne cherche à engager de nouvelles discussions avec les États-Unis, après qu'une mission de dernière minute dans la capitale américaine n'a pas réussi à empêcher l'application d'un droit de douane de 39%, qualifié de "scénario catastrophe" par les entreprises helvétiques.

"Les achats militaires sont importants pour les relations avec les États-Unis", a déclaré Martin Pfister à l'agence de presse suisse Keystone-ATS. "Il faut cependant d'abord trouver un chemin de discussion avec les Américains" pour tenter de faire progresser les relations dans leur ensemble, a-t-il ajouté.

Le président américain Donald Trump a pris la Suisse au dépourvu en annonçant que ce riche pays alpin serait frappé par des droits de douane parmi les plus élevés de ceux qu'il a imposés au monde entier, et qui sont entrés en vigueur jeudi 7 août.

Ces droits de douane mettent en péril des secteurs entiers de l'économie suisse, fortement axée sur les exportations, notamment l'horlogerie et les machines industrielles, mais aussi le chocolat et le fromage. Les entreprises suisses craignent que leurs concurrents dans d'autres économies riches ne bénéficient d'un avantage, l'Union européenne et le Japon ayant négocié un droit de douane de 15% et la Grande-Bretagne ayant obtenu un taux de seulement 10%.

Confirmation du contrat F-35

La Suisse a fait valoir que les États-Unis bénéficient d'un excédent commercial important dans le domaine des services et que la plupart des produits industriels américains entrent en Suisse sans droits de douane. Martin Pfister a souligné que le gouvernement avait décidé de ne pas remettre en cause le contrat actuel de la Suisse portant sur l'achat de 36 nouveaux avions de combat Lockheed Martin F-35A. "Reste à régler la question du prix fixe", a-t-il ajouté.

Alors que la présidente de la Confédération suisse Karin Keller-Sutter s'est rendue à Washington pour parvenir à un accord sur les droits de douane, en vain, le directeur général de l'armement Urs Loher était "en visite de travail" au même moment sur le site de production du F-35, à Forth Worth, au Texas. Il y a rencontré des représentants du constructeur Lockheed Martin, "pour un échange professionnel", indique armasuisse, l'office fédéral de l'armement.

"Des thématiques se sont rapportées aux engagements d'affaires compensatoires", indique Armasuisse dans un communiqué. "Cette visite visait à approfondir le dialogue en cours (…) et à concrétiser encore davantage la collaboration entretenue pour le projet", précise le communiqué d'Armasuisse.

La Suisse et les États-Unis discutent le prix final des F-35A achetés pour remplacer une flotte vieillissante de F/A-18 Hornet. L'Agence américaine de coopération en matière de sécurité et de défense souhaite que la Suisse prenne en charge des coûts supplémentaires, mais Berne affirme qu'elle s'en tient au prix convenu, soit un peu plus de 6 milliards de francs suisses (6,4 milliards d'euros). L'avion de combat F-35A, déjà utilisé par l'armée de l'air américaine et plusieurs pays européens, a été choisi en juin 2021 à la place de l'Eurofighter, du F/A-18 Super Hornet de Boeing et du Rafale de Dassault Aviation.

Les livraisons de 5 systèmes de défense anti-missile Patriot décalée

La Suisse a par ailleurs passé commande pour cinq systèmes de défense anti-missile Patriot en 2022, qui devaient initialement être livrés entre 2026 et 2028. Cependant, suite à l'annonce de Washington, qui a finalement décidé de fournir des Patriot à l'Ukraine – via des contrats passés par d'autres pays européens – les livraisons à la Suisse se retrouvent décalées à une échéance encore non connue.

"Il est pour l'heure impossible de déterminer la durée des retards et d'estimer s'il y aura d'autres répercussions pour la Suisse", avait déclaré le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports en juillet, après avoir été informé de la décision américaine.

Helen Chachaty avec AFP