Frappée de droits de douane exorbitants de 39%, la Suisse rentre bredouille de Washington après avoir tenté de convaincre Trump

La ministre suisse de la Justice, Karin Keller-Sutter. (Photo d'illustration) - Fabrice Coffrini - AFP
La Suisse, qui s'est réveillée sous le choc de droits de douane punitifs de 39% imposés par Donald Trump, cherche une parade à ce coup de massue qui pourrait coûter des dizaines de milliers d'emplois au petit pays alpin.
À peine rentrés tôt jeudi matin d'une mission de la dernière chance à Washington pour tenter de faire revenir les Américains sur leur décision, la présidente et ministre des Finances, Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin, le ministre de l'Économie doivent retrouver leurs cinq collègues du gouvernement fédéral pour gérer la crise.
"Le Conseil fédéral tiendra une séance extraordinaire en début d'après-midi. Il communiquera dans la foulée", précise un bref message sur le réseau social X, alors qu'aucun détail n'a filtré des entretiens de la délégation.
"Échange très amical"
À Washington, la délégation suisse a seulement pu rencontrer Marco Rubio, le chef de la diplomatie américaine et non pas Donald Trump, qui semble à la manoeuvre sur les droits de douane, dans lesquels il voit un outil pour forcer les partenaires économiques des États-Unis à faire des concessions.
À l'issue de la réunion mercredi, Karin Keller-Sutter a seulement parlé "d'un échange très amical et ouvert sur les enjeux communs". Pour l'association professionnelle des entreprises du secteur mécanique, électrique et des métaux, Swissmem, "si cette charge douanière exorbitante est maintenue, les activités d'exportation de l'industrie tech suisse vers les États-Unis sont de facto à l'agonie - surtout au vu des droits de douane nettement plus bas pour la concurrence en provenance de l'UE et du Japon".
Swissmem appelle les autorités à "continuer à négocier avec les États-Unis, même si les chances de succès semblent actuellement faibles" et estime qu'il "est urgent de prendre des mesures pour améliorer les conditions-cadres de l'ensemble de l'économie d'exportation".
L'exception suisse
La Suisse est frappée particulièrement durement par les droits de douane américains, entrés en vigueur jeudi à 04H01 GMT sur les produits en provenance de dizaines d'économies et esquissant le nouvel ordre commercial mondial voulu par Donald Trump. Les concurrents des entreprises suisses dans l'UE ne verront leurs produits taxés que de 15% de droits et ceux du Royaume-Uni de seulement 10%.
Le taux de 39% est l'un des plus élevés imposés aux pays faisant commerce avec les États-Unis et met en péril des pans entiers de l'économie helvétique très portée à l'export, notamment l'horlogerie ou les machines industrielles mais aussi le chocolat et le fromage. Ce coup de massue menace des dizaines milliers d'emplois dans le pays alpin.
Le président Trump a justifié son geste - qui a pris les autorités suisses par totale surprise alors qu'elles pensaient avoir un accord cadre bien plus favorable - par le fait que la Suisse affiche un excédent commercial de plusieurs dizaines de milliards de dollars avec les États-Unis.
Selon les relevés des douanes, les États-Unis captaient 18,6% des exportations de marchandises de la Suisse en 2024, qui y exporte surtout des médicaments, pour l'heure exemptés mais aussi menacés par le président américain.
La Suisse a fait valoir jusqu'au dernier moment le fait que la balance commerciale des services est très favorable aux Etats-Unis et rééquilibre les échanges, que ses entreprises sont parmi celles qui investissent le plus aux États-Unis, notamment en recherche et developpement, ou encore que l'essentiel des produits industriels américains ne sont pas taxés en entrant en Suisse.
Les surtaxes viennent remplacer, pour les économies concernées, celle de 10% appliquée depuis avril sur quasiment tous les produits entrant aux États-Unis. Elles se situent dans une large fourchette comprise entre 15% et 41%. L'Union européenne (UE), le Japon ou la Corée du Sud, qui comptent parmi les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, sont désormais concernés par un taux d'au moins 15%.