Après le coup de semonce des grands patrons, les Français ne veulent plus taxer les entreprises

C’est une constante depuis juin dernier: les Français sont prêts à faire des efforts… mais surtout si ce sont les autres qui les font. Ainsi, selon le dernier baromètre de l'économie d'Odoxa* pour BFM Business, 76% d’entre eux soutiennent une augmentation des impôts pour les plus riches, mais 83% s’opposent à une augmentation des impôts pour tous.
Par ailleurs, s’ils sont globalement favorables à une réduction des dépenses, 70% ne veulent pas d’une baisse des investissements et des subventions publiques qui affecteraient les services publics dont ils bénéficient (par exemple les routes, les aides…)
Mais ces derniers mois, les lignes ont bougé sur certains points. Le changement le plus important dans l’opinion des Français concerne l'augmentation de la taxation des entreprises (de toutes tailles). Ils sont désormais plus nombreux à y être opposés qu'à y être favorables (51% contre 48%, soit une baisse de 8 points des favorables par rapport à septembre dernier).
Des menaces sur l'emploi prises au sérieux par l'opinion publique
Ce changement peut être imputé aux récentes prises de position des grands patrons français, qui ont sensibilisé à l’impact de la taxation sur la santé des entreprises et au risque de délocalisation. Certains grands patrons alertant sur la mise en péril de l’emploi en France.
Le 28 janvier, Bernard Arnault, patron de LVMH, a dénoncé la mesure d'augmentation des impôts sur les entreprises françaises, considérant qu’il s’agit d’une "taxe sur le made in France" qui "pousse à la délocalisation". Cette mesure, censée rapporter environ 8 milliards d'euros à l'Etat, aboutirait à relever d'environ 40% le taux de l'impôt sur les sociétés réalisant plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Le patron de LVMH n’est pas le seul à être monté au créneau: Guillaume Faury, le patron d’Airbus, a dénoncé "trop de charges, trop de règlements, trop de contraintes, trop de taxes". Ce sont aussi, entre autres, Patrick Pouyanné (Totalenergies), Florent Menegaux (Michelin) et Patrick Martin (patron du Medef) qui ont pris la parole. Les menaces de délocalisation des grandes entreprises font craindre pour l’emploi en France.
Ces menaces ont été vivement critiquées, par exemple par Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, qui a dénoncé "un chantage à l’emploi" des grands patrons. Elle a rappelé que le "made in France" restait "relatif" concernant le groupe de Bernard Arnault, puisque la grande majorité des salariés ne travaille pas en France.
Selon elle, les patrons n’ont "pas attendu cette annonce d’une surtaxation pour licencier et délocaliser".
Il semble que le message des grands patrons ait eu un impact sur l'opinion des Français en ce qui concerne la taxation des entreprises.
Budget 2025: une facture salée pour les entreprises
La facture est pourtant salée dans le Budget 2025 qui a été adopté aujourd'hui, puisqu'il prévoit 12 milliard d'euros de hausse d'impôts et de charges concernant les entreprises.
La surtaxe d'impôt sur les sociétés représente le plus gros morceau puisqu'elle s'élève à environ 8 milliards d'euros. L'autre point noir, cette fois-ci pour toutes les entreprises, est l'alourdissement du coût du travail ainsi qu'une hausse de la contribution des entreprises pour financer les transports (500 millions d'euros en plus pour le versement mobilité et 400 millions de taxe sur les rachats d'actions).
Le budget prévoit aussi des taxes sectorielles et ciblées: 500 millions d'euros pour l'armateur CMA-CGM (propriétaire de BFM Business), environ 500 millions d'euros avec le relèvement de la taxe sur les transactions financières, et la taxe sur les billets d'avion qui devrait rapporter entre 800 et 850 millions d'euros.
Le second changement notable dans l’opinion des Français concerne les aides sociales et le nombre de fonctionnaires. Alors qu’ils étaient très divisés sur ce point, ils sont aujourd’hui favorables à 58% à la réduction des aides sociales (+4 points depuis septembre). Ils sont aussi 59% à être pour la réduction du nombre de fonctionnaires (+5 points depuis mars).
*Sondage réalisé par Internet les 29 et 30 janvier 2025, à partir d'un échantillon de 1.005 personnes représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, niveau de diplôme et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération.