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Une croissance économique explosive, des prix de l'électricité en baisse de 50%... Pourquoi malgré un excellent bilan le Premier ministre espagnol pourrait être éjecté par les électeurs

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez lors d'un point presse le 5 novembre 2024

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez lors d'un point presse le 5 novembre 2024 - OSCAR DEL POZO / AFP

Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, vient d'annoncer qu'il comptait se représenter en 2027. Au cours de son mandat, son pays aura connu la croissance la plus élevée des économies avancées mais sa réélection est très incertaine. L'Espagne est notamment engluée dans une profonde crise du logement.

Pedro Sánchez compte se présenter à nouveau aux élections générales en 2027. "Je le ferai, c'est sûr", a annoncé le Premier ministre espagnol à Bloomberg, ce mercredi 24 septembre.

Il n'a pourtant plus de majorité au Parlement, si bien que son gouvernement a été contraint de reconduire le budget de 2023 deux fois de suite. Et il est en plus confronté à des scandales de corruption. Un juge a récemment requis un procès contre son épouse, Begoña Gómez, dans le cadre d'une enquête pour détournement de fonds publics.

À son crédit, Pedro Sánchez peut toutefois mettre en avant une croissance économique très dynamique. Elle s'est élevée l'an passée à 3,5%, trois plus qu'en France, nettemment plus que la moyenne européenne (0,8%). Les projections pour la quatrième économie de la zone euro restent optimistes, selon le gouvernement espagnol, qui a relevé à 2,7 % ses prévisions de croissance du PIB en 2025.

"En 2024, l'Espagne a été l'économie avancée qui a le plus crû dans le monde et, selon les prévisions pour cette année 2025, on s'attend à ce que cela reste le cas", s'est félicité le ministre de l'Économie Carlos Cuerpo.

Pour expliquer ce succès, Pedro Sánchez pointe notamment le développement des énergies renouvelables. "Grâce aux énergies vertes, nous avons réduit les prix de l'électricité de 50% depuis 2017. Cela nous permet de gagner en compétitivité", remarque le Premier ministre dans Bloomberg. Le pays a également su attirer les investissements, notamment dans l'industrie, alors que le rebond du tourisme a fait repartir l'économie après la pandémie de Covid-19.

Le chef de file des socialistes espagnols est même montré en exemple par la gauche française, qui rappelle qu'il a nettement augmenté le salaire minimum. En 2019, le gouvernement a décidé d'une hausse de 22%. Globalement, depuis 2015, le Smic espagnol a pris 82%, contre 24% en France sur la même période, même s'il faut avoir en tête qu'il se situe à 400 euros de moins que dans l'Hexagone. Versé en Espagne sur 14 mois, il est de 1184 euros brut (soit 1381 euros brut sur 12 mois, contre 1 801 euros brut en France).

Grave crise du logement

Malgré tout, Pedro Sánchez n'est pas sûr de pouvoir compter sur ces bons indicateurs. Ils ne reflètent pas totalement le ressenti de la population. La hausse du Smic ne suffit pas à résorber de profondes inégalités. Le taux de pauvreté dépasse les 20% selon une récente étude de la Drees, contre 14% en France.

De plus, les ménages espagnols subissent les affres d'une profonde crise du logement. L'offre reste insuffisante alors que le secteur de la construction ne s'est jamais vraiment remis de l'éclatement de la bulle immobilière après la crise financière de 2007-2008 et qu'il y a très peu de logements sociaux.

Les prix des loyers ont particulièrement augmenté. "Cette progression est supérieure à celle de certains voisins européens, tels que la France (9,1%) ou l’Italie (7,6%), et elle marque un tournant par rapport à la période 2012-2019, où la hausse mensuelle des loyers était limitée à 0,2 % en moyenne", relève l'OFCE (Office français des conjonctures économiques) dans une note publiée fin avril. Cette pression est particulièrement forte à Madrid et à Barcelone, où la spéculation sur les logements touristiques a atteint des sommets malgré les tentatives d'endiguement.

"À Barcelone, par exemple, jusqu’à 45 % du parc locatif est désormais dédié aux locations touristiques", rappelle l'OFCE en citant des données de la Banque d'Espagne.

Le gouvernement a lancé un plan d'ampleur en janvier, pour stimuler la construction et développer les logements sociaux. Mais ces mesures se heurte à de fortes oppositions internes, notamment du principal parti de droite (Parti populaire) qui privilégie l'accession à la propriété. Les élections générales auront lieu en août 2027.

Pierre Lann