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Union européenne

"Être gentil n'a rien apporté": l’UE doit s’attaquer "à ce qui fait le plus mal" à Trump, selon l'ancien chef économiste du FMI

Olivier Blanchard a été le chef économiste du FMI entre 2008 et 2015.

Olivier Blanchard a été le chef économiste du FMI entre 2008 et 2015. - Eric PIERMONT

"L'objectif est d'amener les États-Unis à revenir à une position raisonnable", estime l'économiste Olivier Blanchard, en appelant l'UE à riposter de manière "intelligente" après l'annonce par Donald Trump de droits de douane de 30%.

L'Union européenne ne devrait pas se laisser faire selon Olivier Blanchard, l'ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), alors que Donald Trump a averti samedi 12 juillet qu'il comptait imposer des droits de douane de 30% sur les importations du bloc à partir du 1er août (contre 2,5% en moyenne avant son retour au pouvoir).

"Des représailles intelligentes sont essentielles, même si elles conduisent à des situations économiques et géopolitiques dangereuses à court terme", a réagi sur X Olivier Blanchard, l'une des macroéconomistes les plus réputés.

"L'objectif (de la riposte, ndlr) n'est pas d'aboutir à des droits de douane élevés des deux côtés, mais d'amener les États-Unis à revenir à une position raisonnable", a poursuivi l'économiste, considérant "qu'être gentil, renoncer à la taxe numérique, n'a rien apporté à l'Europe".

Le Canada s'est également vu imposer en fin de semaine des tarifs douaniers très élevés (35%), y compris après avoir renoncé à instaurer une taxe sur les services numériques qui fâchait la Maison Blanche.

Olivier Blanchard suggère donc que l'UE associe à sa réponse d'autres pays concernés comme le "Japon, le Canada, le Brésil et quiconque souhaite y participer" pour gagner en efficacité.

"Les représailles intelligentes signifient quelque chose de très différent du tarif uniforme américain: cela signifie s’attaquer, produit par produit, à ce qui fait le plus mal (politiquement ou économiquement) et qui fait le moins mal à l’UE", a-t-il détaillé.

L'UE se prépare

Concrètement, l'UE pourrait relever elle aussi ses tarifs douaniers sur les importations américaines.

Une première liste de droits de rétorsion sur des produits américains d'une valeur d'environ 21 milliards d'euros a été prévue. Suspendues depuis plusieurs semaines, ces taxes devaient entrer en vigueur mardi 15 juillet à minuit, mais leur suspension sera prolongée jusqu'au début du mois d'août.

"Les États-Unis nous ont envoyé une lettre avec des mesures qui entreraient en vigueur sauf s'il y a une solution négociée, c'est pourquoi nous prolongerons également la suspension de nos contre-mesures jusqu'au début du mois d'août", a déclaré Ursula von der Leyen ce dimanche 13 juillet.

La présidente de la Commission a toutefois indiqué que l'UE continuerait à se préparer à instaurer des contre-mesures si les négociations n'aboutissaient pas. Selon Bloomberg, l'UE a planché sur une autre liste de produits américains pouvant faire l'objet de droits de douane supplémentaires.

"Tactique de négociation"

Tout l'enjeu sera de mettre d'accord les États-membres alors que le président américain a menacé l'UE d'augmenter encore les taxes si elle venait à riposter. Pour l'heure, la France et l'Allemagne semblent plutôt être sur la même longueur d'onde.

Emmanuel Macron a appelé l'UE à mobiliser "tous les instruments à sa disposition, dont l'instrument anti-coercition si aucun accord n'est trouvé d'ici le 1er août".

De son côté, le ministre allemand des Finances indique lui aussi que des mesures "doivent continuer à être préparées" dans l'hypothèse d'une absence d'accord. "Notre main reste tendue, mais nous n'accepterons pas n'importe quoi," a déclaré Lars Klingbeil dans le journal Sueddeutsche Zeitung.

Plusieurs responsables européens ont qualifié l'annonce du président américain de "tactique de négociation". Bruxelles et Washington tentent depuis de longues semaines de parvenir à un accord commercial pour éviter l'imposition unilatérale de barrières douanières élevées par les États-Unis.

La Commission européenne, qui négocie avec le gouvernement américain au nom de l'UE, a indiqué samedi qu'elle entendait poursuivre ces tractations.

Jusqu'ici, Bruxelles tentait d'obtenir un premier accord prévoyant un tarif douanier se situant autour de 10% et bataillait pour obtenir des allègements dans des secteurs importants comme l'aéronautique et l'automobile. Malgré le coup de semonce de Donald Trump, les discussions devraient se poursuivre d'ici le 1er août.

Pierre Lann