"Une pharmacie sur trois aujourd'hui en péril": pourquoi les pharmaciens font grève ce samedi

La colère des pharmaciens ne faiblit pas. Après les grèves de gardes illimitées initiées début juillet, de nombreuses pharmacies n'ouvriront pas leurs portes au public ce samedi 16 août. Lancée par les syndicats, la mobilisation devrait être largement suivie, jusqu'à 90% dans certains départements.
Il faut dire que les pharmaciens sont particulièrement inquiets pour l'avenir de leur profession, de plus en plus d'officines ayant mis la clé sous la porte ces dernières années."Dans les 15 dernières années, 4.000 officines ont fermé (...) on a eu 260 fermetures l'an dernier, 140 depuis le début de l'année. Une pharmacie ferme chaque jour sur le territoire", a alerté Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, au micro de France Inter jeudi.
Selon les chiffres communiqués par l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), "une pharmacie sur trois est aujourd'hui en péril" et "6.000 communes pourraient perdre leur officine".
Coup de rabot des ristournes sur les médicaments génériques
À ces inquiétudes qui ne datent pas d'hier, s'ajoutent des décisions récentes, prises par le gouvernement, qui suscitent l'incompréhension des pharmaciens.
Début août notamment, après avoir repoussé l'échéance à plusieurs reprises le temps d'arrondir les angles avec les syndicats, les ministères de la Santé et de l'Économie ont entériné, par un arrêté publié au Journal officiel, le coup de rabot redouté sur les ristournes commerciales appliquées aux médicaments génériques. À partir du 1er septembre, les remises accordées par les laboratoires aux officines seront plafonées à 30% maximum, contre 40% actuellement. Et ces plafonds seront progressivement abaissés pour atteindre 20% au 1er juillet 2027.
Ces baisses de plafonds représentent un manque à gagner important, de l'ordre de "300 millions d'euros en année pleine" selon les chiffres avancés par Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), auprès de BFM Business. Conséquence, les pharmacies qui n'ont pas atteint une certaine taille critique, notamment dans les villages, pourraient ne pas tenir le coup.
"Cette décision (...) va conduire à la fermetures de centaines, voire de milliers d'officines", craint Philippe Besset.
En réduisant les plafonds des remises commerciales sur les génériques, le gouvernement ferait surtout un geste aux laboratoires pharmaceutiques selon les syndicats de pharmaciens. Dans un contexte marqué par les pénuries de médicaments, les industriels font régulièrement pression sur les autorités sanitaires, dénonçant des prix trop bas décidés en France par le comité économique des produits de santé (CEPS), une instance rattachée au ministère de la Santé et de l'accès aux soins.
Il n'empêche : le choix de raboter les plafonds des ristournes commerciales sur les génériques, qui profitent aux officines, demeure "incompréhensible" selon Philippe Besset, puisque "cela ne rapporte aucun argent à l'Assurance maladie".
Refus de collecter les franchises médicales
Les syndicats de pharmaciens sont aussi furieusement remontés contre les économies budgétaires prévues par le gouvernement. Le plan de redressement des finances publiques présenté par François Bayrou le 15 juillet prévoit en effet 43,8 milliards d'euros d'économies dès 2026, dont 5,5 milliards dans le domaine de la santé.
Et pour y parvenir, il est déjà prévu de doubler les franchises médicales et participations forfaitaires, ces petites sommes aujourd'hui discrètement déduites de vos remboursements de médicaments et consultations médicales par l'Assurance maladie. Une mesure dénoncée par les associations de patients mais aussi par les professionnels de santé au sens large.
"La sécurité sociale, son principe, c’est on cotise selon ses moyens et on consomme selon ses besoins. Là, c’est l’inverse, on demande de cotiser selon ses besoins, on demande aux malades de payer, ce n’est pas possible", argumente Philippe Besset.
Afin de "sortir de l'illusion du tout gratuit", comme l'ont suggéré les organisations patronales, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin souhaite ainsi que les patients payent directement les franchises sur les médicaments au comptoir des officines. Ce qui déplaît fortement aux pharmaciens qui refusent d'être "transformés en collecteur d'impôts".