INFOGRAPHIE. Le gouvernement veut augmenter les franchises médicales: qu'allez-vous vraiment payer en plus?

Les patients vont être mis à contribution pour résorber le trou de la Sécu. D'après des projets de décrets que BFM Business s'est procuré, le gouvernement compte, non seulement doubler les plafonds annuels des franchises médicales et participations forfaitaires... Mais aussi leurs montants, ainsi que les plafonds journaliers.
Pour rappel, les franchises médicales et participations forfaitaires sont ces petites sommes, discrètement déduites par la Sécu de vos remboursements de médicaments prescrits, de vos consultations chez un médecin, un kiné ou un infirmier, ou encore des examens radiologiques, analyses de biologie médicale et de vos trajets en transports sanitaires.
Elles ne sont pas remboursées par les complémentaires santé, dans le cadre du contrat "responsable", qui correspond à 98% des offres souscrites. Autrement dit, même si vous ne les réglez pas directement au comptoir des pharmacies ou dans le cabinet de votre médecin, ces franchises et participations forfaitaires sont à votre charge. Certaines catégories de patients en sont toutefois exemptées, comme les mineurs, femmes enceintes (du 1er jour du sixième mois de grossesse jusqu'au 12e jour après l'accouchement), bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), de l'aide médicale d'État (AME) et invalides de guerre.
2 euros la boîte de médicament
Si les décrets paraissent au Journal officiel tel qu'ils ont été transmis pour avis au Conseil de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), alors la Sécu pourra, dès le 1er janvier 2026, déduire deux euros de franchise médicale au lieu d'un euro actuellement par boîte de médicaments.
Pareil pour les soins prodigués par un auxiliaire médical comme les masseurs-kinésitérapeutes ou les infirmiers: ce sera là aussi deux euros au lieu d'un euro aujourd'hui. Les franchises médicales s'appliquent aussi aux remboursements des trajets en transport saniaire: elles monteront de 4 à 8 euros par trajet.
Le doliprane risque de ne plus être remboursé par la Sécu
En portant à deux euros la franchise médicale sur les médicaments, le reste à charge des patients sera de facto plus important. D'autant plus que les prix des médicaments étant globalement bas, il n'est pas exclu que le montant de la franchise excède la somme théoriquement remboursée par la Sécurité sociale.
Prenons l'exemple du doliprane. Le prix d'une boite, honoraires compris s'élève à 2,09 euros en officine. Si ce médicament vous a été prescrit par votre médecin, il vous est remboursé à hauteur de 65% par l'Assurance maladie, soit 1,35 euro. La complémentaire santé prend en charge le reste, à savoir 35% du prix, ce qui revient à 73 centimes.
Mais la Sécu déduit une franchise de la part qu'elle est censée vous rembourser. Actuellement, elle retire un euro, elle vous rembourse donc au final seulement 35 centimes, soit à peine 16% du prix du doliprane.
Si la franchise monte à deux euros en revanche, elle excèdera le montant que l'Assurance maladie doit théoriquement prendre en charge (1,35 euro). Résultat: la Sécu retirera la somme qu'elle est censée vous rembourser. Autrement dit, on peut considérer que l'Assurance maladie ne remboursera plus le doliprane et que seule votre mutuelle prendra en charge une infime partie de son prix. Et ce cas de figure concernera bon nombre de médicaments du quotidien, dont les prix ont été plusieurs fois abaissés au fil du temps.
Jusqu'à 5 euros le reste à charge chez un médecin généraliste
S'agissant des participations forfaitaires, les projets de décrets consultés par BFM Business prévoient également de doubler leurs montants. Ainsi, l'Assurance maladie déduira au moins 4 euros, et maximum 5 euros, au lieu de 2 euros des remboursements de vos consultations chez un médecin généraliste ou spécialiste.
Ce sera pareil pour les participations forfaitaires déduites des remboursements d'examens de radiologie et d'analyses de biologie médicale.
Il est toutefois plus probable que le gouvernement opte pour une participation forfaitaire à 4 euros. Il est en effet d'usage que le code de la Sécurité sociale prévoit un minimum et un maximum pour ces sommes déduites des remboursements de consultations médicales, radios et analyses de biologie médicale. Ce qui n'est pas le cas pour les franchises évoquées plus haut, pour lesquelles un montant fixe est directement inscrit.
En revanche, s'il est bien prévu de doubler les franchises médicales à partir du 1er janvier 2026, aucune date d'entrée en vigueur n'a pour l'instant été précisée dans les projets de décrets concernant les participations forfaitaires. Il est simplement écrit que l'augmentation de leurs montants entrera en vigueur au lendemain de la publication du décret correspondant.
En tout cas, votre reste à charge à l'issue d'une consultation médicale sera forcément plus élevé. Prenons l'exemle d'un rendez-vous chez votre médecin généraliste. Ce dernier vous facture 30 euros la consultation, qui est prise en charge à 70% par l'Assurance maladie (21 euros) et 30% par la complémentaire santé (9 euros).
Actuellement, la Sécu retire 2 euros de sa prise en charge, ce qui fait qu'elle ne vous rembourse en réalité que 19 euros. En augmentant la participation forfaitaire à 4 euros, voire 5 euros la Sécu ne vous remboursera plus que 17 ou 16 euros. Là où votre reste à charge s'élève actuellement à 2 euros, il montera donc à 4 euros minimum, 5 euros maximum. Et ce sera pareil pour les consultations chez un médecin spécialiste, mais c'est sans compter les dépassements d'honoraires qui ne sont pas toujours couverts par les mutuelles.
Jusqu'à 16 euros par jour, 200 euros par an
Pour autant, les franchises médicales et participations forfaitaires ne peuvent pas être déduites des remboursements indéfiniment. La réglementation actuelle prévoit notamment des plafonds journaliers qui s'échelonnent de 4 à 8 euros par jour actuellement.
Si les médicaments ne sont pas concernés, un plafond journalier de 4 euros s'applique aux consultations chez un kiné ou un infirmier. Les participations forfaitaires et franchses médicales sont plafonnées à 8 euros par jour pour les consultations chez un médecin, les examens de radiologie, analyses de biologie médicales et trajets en transports sanitaires. Au-delà de ces montants, l'Assurance maladie ne déduit donc plus de franchises et participations forfaitaires de vos remboursements.
D'après l'un des projets de décrets que BFM Business a consulté, le gouvernement envisage de doubler à 8 euros le plafond journalier des franchises déduites des remboursements des soins prodigués par un auxiliaire médical (kiné, infirmier, etc), et à 16 euros par jour le plafond des franchises médicales déduites des prises en charges des transports sanitaires.
Il ne serait, a priori, pas question de doubler le plafond journalier des participations forfaitaires sur les consultations chez un médecin, les radios et analyses de sang.
Enfin, des plafonds annuels sont aussi prévus. Ils correspondent au cumul des franchises médicales déduites d'une part, et au cumul des participations forfaitaires d'autre part.
Actuellement, les franchises médicales et participations forfaitaires sont respectivement plafonnées à 50 euros par an, soit 100 euros par an au total.
Cela signifie par exemple que passé 50 euros de franchises, la boîte de doliprane évoquée précédemment est bien remboursée 1,35 euro par la Sécu, et non pas seulement 35 centimes. Et donc, avec le complément apporté par la mutuelle, vous n'aurez plus de reste à charge pour ce médicament.
Pour autant, comme François Bayrou l'avait annoncé lors de la présentation de son plan de redressement des finances publiques le 15 juillet dernier, un des projets de décret consulté par BFM Business prévoit aussi de doubler les plafonds annuels des franchises médicales et participations forfaitaires. Il faudra donc avoir payé 100 euros de franchises sur les médicaments, transports sanitaires et consultations chez un kiné ou un infirmier, et 100 euros de participations forfaitaires sur les rendez-vous chez un médecin, les radios et analyses médicales pour ne plus voir vos remboursements rognés par la Sécu. Soit 200 euros par an au total.
700 millions ou 2 milliards d'euros d'économies?
D'après les chiffrages communiqués par la Direction de la Sécurité sociale (DSS) à une source proche du dossier, les économies attendues du doublement des franchises et participations forfaitaires et de leurs plafonds s'élèveraient à 700 millions d'euros en année pleine.
Mais les Échos avancent un montant bien plus élevé: pas moins de 2 milliards d'euros en une année. "Je ne sais pas si c'est 2 milliards, moi j'avais 700 millions d'euros", a souligné ce vendredi 8 août Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa et membre du Conseil de la Cnam au micro de RMC.
Qui plus est, les montants et plafonds journaliers des franchises médicales et participations forfaitaires avaient déjà doublé en 2024. Et à cette époque, la DSS avait estimé à 800 millions d'euros le potentiel d'économies de ces hausses. Pour le numéro 2 de l'Unsa, réitérer ces mesures à peine plus d'un an après ne serait qu'un "coup de canif dans la solidarité pour punir les malades".