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Economie et Social

Européennes: que proposent les principales listes sur le plan économique?

Le drapeau européen

Le drapeau européen - GEORGES GOBET / AFP

Fiscalité, emploi, concurrence... À l'approche du scrutin, tour d'horizon du programme économique des principales listes françaises.

Le sprint final est lancé pour les 34 listes. Dimanche soir, 79 candidats français seront élus pour aller siéger à Strasbourg et Bruxelles. À en croire les dernières enquêtes d’opinion, le nombre de listes susceptibles d’envoyer des députés dans les couloirs du Parlement européen se comptent sur les doigts d'une main.

L’occasion de se pencher sur leurs programmes et spécifiquement sur les mesures économiques fortes prévues par chacune pour l’Union européenne. Si certains projets diffèrent radicalement d’une liste à l’autre, quelques promesses se retrouvent dans plusieurs programmes. Tour d’horizon.

Fiscalité

Taxe carbone

S’il y a un point sur lequel s'accordent de nombreuses listes, c’est la nécessité d'instaurer une fiscalité écologique. Quand Les Républicains (LR) et Debout la France parlent d’introduction de "droits de douane anti-pollution" sur les produits importés, Europe Ecologie-Les Verts (EELV) évoque une "taxe socio-environnementale aux frontières qui permettra de tenir compte du vrai coût des produits".

La France insoumise souhaite également mettre en place une "taxe carbone aux frontières pour favoriser les productions écologiques et de proximité". Même chose pour La République en marche et la liste Place publique-Parti socialiste. Pour préserver "nos emplois et l’environnement", le Rassemblement national (RN) promet lui aussi le rétablissement des protections douanières avec une surtaxation des "importations mondialisés anti-écologiques".

Taxe sur le transport aérien

Toujours dans le cadre de la fiscalité écologique, plusieurs listes se prononcent en faveur d’une taxe sur le kérosène. C’est le cas de LaREM, EELV, la FI, le PS et l’Alliance Jaune de Francis Lalanne.

  • Taxe sur les transactions financières

Les cinq listes précédemment citées ainsi que Générations plaident pour une taxe sur les transactions financières à des niveaux différents. Également favorable à cette mesure, l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI), souhaite qu’elle permette de financer la suppression des contributions nationales au budget européen.

Taxe GAFA

Entrée en vigueur cette année en France, la taxe sur les géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon) mérite d’être élargie à l’ensemble de l’Union européenne pour EELV, le PS, LaRem, l’UDI, selon des modalités qui peuvent différer d’une liste à l’autre. Pour Les Républicains la mise en place d'une "taxe d’égalisation des géants extra-européens du numérique" doit servir à "financer l’investissement public européen dans la recherche et l’innovation".

Harmonisation de l’impôt sur les sociétés

Ils sont tout aussi nombreux à se prononcer en faveur d’une "harmonisation de l’impôt sur les sociétés". La liste LaREM emmenée par Nathalie Loiseau y est favorable et rappelle qu’il est de "9% en Hongrie et de 31% en France". Le Parti communiste représenté par Ian Brossat parle, lui, d’une "harmonisation par le haut", comme Générations. Les listes FI et PS réclament quant à elles l’instauration d’un taux d’imposition minimum sur les sociétés qui serait de 20% pour la liste de Raphaël Glucksmann.

L’UDI y est également favorable mais veut aller "au-delà de la simple harmonisation des taux" en définissant un taux minimum et maximum pour l’ensemble de la fiscalité des entreprises, y compris les impôts de production.

Bien que le Rassemblement national s’oppose globalement aux alignements fiscaux, il veut un "serpent fiscal" européen qui limiterait la concurrence fiscale entre États membres. La liste portée par Jordan Bardella envisage par ailleurs de baisser la contribution de la France au budget de l’UE pour baisser les impôts des Français ainsi que des PME-TPE. Dans le même registre, le parti Debout la France veut "récupérer 80% des 9 milliards (NDR: le solde net s'est limité à 2,7 milliards en 2017) que les Français versent en excédent à l’UE pour baisser les impôts des ménages". Il propose en complément de "conditionner l’accès au marché commun européen à un harmonisation sociale, fiscale et au respect de la loyauté commerciale entre partenaires européens".

ISF européen

Le Parti socialiste et Générations plaident tous deux en faveur d’un "ISF européen". Le premier réclame par ailleurs une TVA 0% sur les produits de première nécessité tandis que le parti de Benoît Hamon défend l’idée d’une "taxe robot" "là où des intelligences artificielles et les robots remplacent des êtres humains".

Lutte contre l’évasion fiscale

La lutte contre l’évasion fiscale représente depuis des années un des défis majeurs de l’Union européenne qui peine pourtant à s’accorder sur ce sujet. Cette thématique figure dans la plupart des programmes des listes françaises. Sans donner davantage de détails, LaRem promet de "durcir les sanctions contre les paradis fiscaux". De son côté, EELV veut interdire l’accès aux marchés publics et financiers européens aux opérateurs disposant d’activités dans les paradis fiscaux. Générations et la France insoumise ont prévu quant à eux de revoir et d’élargir la liste noire des pays considérés comme paradis fiscaux.

La liste de Manon Aubry tient aussi à la mise en place de l’impôt universel pour les particuliers afin que "chaque ressortissant paie des impôts dans son pays d’accueil, mais s’il en paie moins que dans le pays d’origine, il s’acquitte de la différence auprès du Trésor public du pays d’origine". Une mesure semblable à celle préconisée par le Parti communiste qui consiste à mener une "lutte effective contre l’évasion fiscale" avec la mise en place de la territorialisation de l’impôt et le prélèvement à la source pour les entreprises.

Pour sa part, Nicolas Dupont-Aignan et son parti Debout la France promet de "baisser les impôts des Français d’au moins 50 milliards d’euros par an en récupérant les ressources détournées par les fraudes à la TVA et la fraude fiscale de certaines multinationales organisées par des règles européennes absurdes".

Financement de la transition écologique

Les différents partis rivalisent d’ingéniosité et de générosité pour financer la transition écologique. À commencer par le Parti socialiste qui souhaite créer un budget européen pour le climat et la biodiversité de 500 milliards d’euros sur les cinq prochaines années ainsi qu’une banque européenne pour le climat et la biodiversité avec 400 milliards d’euros de prêts et de subventions mobilisés en moyenne chaque année.

La liste Générations de Benoît Hamon qui veut "donner l’argent européen au climat" envisage un Green New Deal qui permettra de financer 500 milliards d’euros, dégagés grâce à la mobilisation des banques centrales, d’investissements dans les économies d’énergie, le logement et la rénovation thermique, les énergies renouvelables, etc.

LaRem vise pour sa part au moins 1000 milliards d’euros d’investissement dans la transition écologique d’ici 2024 grâce là-encore à la création d’une banque du climat. Un organisme également voulu par EELV qui évoque un plan d’investissement pour le climat et la biodiversité de 100 milliards d’euros par an.

La France insoumise prévoit de supprimer les subventions aux énergies fossiles et engager un plan d’investissement public dans les économies d’énergies et les énergies renouvelables, sans préciser de montant. Elle souhaite par ailleurs "mettre fin à la toute-puissance de la BCE" en modifiant ses missions pour l’obliger à financer notamment l’emploi et la transition écologique.

Les Républicains proposent un "Plan européen pour le climat" qui favoriserait notamment les prêts à taux zéro de la Banque européenne d’investissement aux États membres, aux collectivités, aux entreprises et aux particuliers. Enfin, l’UDI mise sur la création d’un livret E (comme "Environnement" et "Europe") qui, sur le modèle du livret A, financerait les grands projets environnementaux de l’Europe.

Emploi et harmonisation sociale

Travail détaché

Sujet régulièrement abordé par la classe politique française, la directive des travailleurs détachés fait l’objet d’une proposition dans la majorité des programmes. Quand LaREM prône un "acte II de la réforme du travail détaché", LR souhaite une "révision de la directive" et l’UDI une "réforme" avec des cotisations des travailleurs dans le pays d’activité afin de contrebalancer les différences entre États membres. Générations propose pour sa part une "taxe sur les différentiels de cotisations sociales sur le travail détaché". La France insoumise, le PC, le Rassemblement national et Debout la France sont quant à eux favorables à l’abrogation de la directive sur le travail détaché.

Harmonisation sociale

Pour limiter la concurrence par les bas salaires, les candidats aux européennes avancent plusieurs pistes. La France insoumise recommande une "harmonisation sociale par le haut" avec un SMIC dans chaque pays européen à 75% du salaire médian. Le Parti socialiste fixe le seuil du salaire minimum à 65% du salaire moyen. Générations, EELV et LaREM se prononcent eux aussi en faveur de l’instauration d’un salaire minimum.

Certaines listes vont encore plus loin, à l’image de la France insoumise qui veut aussi réduire la durée maximale de travail, instaurer un salaire maximum européen pour plafonner les écarts de rémunérations de 1 à 20 entre les salariés les mieux et les moins bien payés et étendre le congé parental. Cette dernière proposition figure également dans le programme du Parti socialiste.

Parti socialiste qui réclame aussi un minimum vieillesse européen. De son côté, Benoît Hamon et sa liste Générations reprend l’une de ses propositions phares de la campagne présidentielle en misant sur un revenu universel européen. Il souhaite lui aussi réduire la durée du travail en la limitant à 35 heures par semaine et 35 jours de congés pour tous les travailleurs en Europe.

La liste de Lutte ouvrière veut quant à elle fixer le SMIC à 1800 euros net par mois pour les salaires et les pensions et une augmentation minimale de 300 euros pour tous les salaires. Enfin, le RN s’engage à refuser les alignements sociaux qui "ne peuvent se faire qu’au détriment des Français".

Chômage

Pour renforcer la lutte contre le chômage, quelques listes proposent des mesures fortes à l’échelle européenne. C’est le cas de Lutte ouvrière qui demande l’interdiction des licenciements. Dans son programme, le Rassemblement national propose plutôt d’inscrire la lutte contre le chômage dans le mandat de la BCE.

Son principal concurrent, La République en marche, prône l’instauration d’une "garantie zéro chômage" pour que personne ne renonce à une formation ou à des études pour des raisons financières grâce à une aide allant jusqu’à 15.000 euros pour ceux qui souhaitent se former.

À gauche, Générations plaide pour une assurance-chômage européenne et le PS pour un "bouclier emploi" qui "soutiendra les systèmes nationaux d’assurance-chômage en temps de crise et permettra de maintenir les salariés dans l’emploi par exemple en réduisant leur temps de travail, de former dans l’entreprise plutôt que de licencier quand l’activité baisse".

Politique industrielle et commerciale 

Libéralisme ou protectionnisme. Ce sont souvent ces deux doctrines économiques qui s’opposent lorsque l’on parle d’Europe. Il revient ensuite à chaque liste de fixer son curseur. Si La République en marche fait partie du premier camp, la liste de Nathalie Loiseau veut mettre un terme d’ici 2030 à l’importation de produits non durables contribuant à la déforestation et entend refuser de signer de nouveaux accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent pas l’Accord de Paris sur le climat.

Après l’échec de la fusion Alstom-Siemens, la liste soutenue par Emmanuel Macron dit vouloir revoir les règles européennes en matière de concurrence. Même volonté chez Les Républicains qui entendent "transformer radicalement la politique européenne de concurrence". Ces derniers proposent en outre de renforcer l’économie circulaire en valorisant les filières de recyclage, mettre en place une double préférence européenne et française en matière d’entreprises et d’emplois et créer un droit permettant de réserver 50% de nos marchés publics aux entreprises locales.

Pour Debout la France, ce seuil doit être porté à 75%. La France insoumise dit également vouloir donner la priorité aux "productions locales" dans les appels d’offres pour la commande publique et compte refuser tout nouvel accord de libre-échange. Une position partagée par Générations. Le Parti communiste veut, lui, aller jusqu’à révoquer les accords existants et prévoit d’interdire les délocalisations dès lors qu’un site est bénéficiaire et les délocalisations intracommunautaires. De manière générale, la liste dirigée par Ian Brossat dit vouloir mener une "stratégie industrielle écologiquement soutenable". Chez les Verts, on avance l’idée d’un traité environnemental pour promouvoir le protectionnisme vert et faire de l’écologie la priorité de l’Europe.

Sans surprise, le Rassemblement national se prononce pour la "fin du dogme de la libre-concurrence" et veut lui aussi donner la priorité aux entreprises françaises dans la commande publique. Le parti de Marine Le Pen s’engage à "stopper la concurrence déloyale et instaurer le juste-échange" en favorisant le localisme en détaxant les circuits courts et en surtaxant les importations mondialisées anti-écologiques.

Sortie de l’Union européenne

Parmi les listes principales, deux font de la sortie de l’Union européenne leur proposition phare. Il s’agit de la liste des Patriotes emmenée par Florian Philippot et de la liste Union Populaire Républicaine (UPR) de François Asselineau. Pour la première, "l’Union européenne ne se change pas de l’intérieur car il faudrait l’unanimité des États membres". Même son de cloche pour la seconde qui rappelle que "chaque pays a ses ‘lignes rouges’ qui lui interdisent d’accepter le moindre compromis".

Autrement dit, ces deux parties estiment que la France doit retrouver "son indépendance" pour pouvoir agir sur la fiscalité des entreprises, les délocalisation, l’évasion fiscale, etc.

Paul Louis