"J'étais une bonne agente": la surveillante de la prison de Grasse soupçonnée de corruption se défend

Suspendue en novembre dernier pour des soupçons de corruption, Lucile Z. surveillante pénitentiaire stagiaire à la prison de Grasse (Alpes-Maritimes) s'est exprimée pour la première fois auprès de BFM Nice Côte d'Azur ce mardi 11 mars.
Alors que la sanction arrive à échéance, une demande d'exclusion de l'administration pénitentiaire a été déposée. Tandis que le parquet de Grasse a ouvert une enquête, la jeune femme de 24 ans affirme ne s'être pas reconnue dans les révélations du Parisien à ce sujet ce lundi.
Arrivée en mars 2024 à Grasse, elle estime avoir rapidement su faire ses preuves. "Ma première notation n'était pas bonne mais c'est le cas de tous les surveillants stagiaires, la fois suivante, ça s'était amélioré (...) J'étais une bonne agente", explique-t-elle.
"L'intégration s'est bien passée, les chefs disaient que je me débrouillais super bien. J'ai eu des remarques sur la façon dont je parlais aux détenus".
Une proximité avec les détenus
Parmi les multiples griefs retenus contre la jeune femme, il lui est reproché "un manque d'ascendant" sur les détenus, des familiarités comme l'usage du tutoiement ou de surnoms ou encore un temps trop important passé avec la population carcérale.
"Je m'intéressais à eux parce que j'adore ce métier mais en aucun cas je pense n'avoir franchi la limite. Je les ai toujours vouvoyés, appelé par leurs noms alors que la plupart des surveillants de Grasse tutoient les détenus", ajoute la jeune femme.
Toujours selon nos confrères du Parisien, elle est accusée d'avoir été observé en train de prendre des notes, cachée derrière la porte d'un détenu, ou d'avoir imité la signature d'un collègue pour se blanchir d'un écran cassé pendant sa garde.
De son côté, elle assure notamment que si elle prenait des notes, c'était pour se souvenir de toutes les requêtes à accomplir. "Il y a plus de 70 détenus à gérer par étage. Certains doivent sortir pour une visite médicale, d'autres pour l'école", souligne-t-elle.
Elle conteste aussi avoir fait rentrer des smartphones en détention, notamment à un détenu "particulièrement surveillé", dit "le boucher de Marseille", qui avait été envoyé à l'isolement après avoir ébouillanté un voisin de détention.
"Je n'ai jamais pu entrer en contact avec. Je demande les preuves, des images, nous sommes filmés 24h/24 en détention. Jusqu'à maintenant, rien ne m'a été montré", certifie-t-elle.
Un parcours de vie cabossé
Lucile est également revenue sur ses antécédents judiciaires. Le Parisien évoquait une conduite sans assurance en 2021, une implication en 2022 dans plusieurs jets de stupéfiants par-dessus les murs de la prison de Béthune (Pas-de-Calais), un contrôle à bord d’un véhicule faussement immatriculé en 2023, puis une conduite en état d'ivresse quelques mois plus tard.
"J'ai eu une vie très compliquée, orpheline à 17 ans, j'ai tenté de faire des études mais c'était assez compliqué au niveau financier donc je me suis mise dans l'intérim parce qu'il me fallait de l'argent", résume-t-elle
Après des contrats dans la restauration et la logistique, elle reçoit un mail de l'administration pénitentiaire qui recrute. Elle passe le concours et est reçue. "J'ai fait un parcours exceptionnel puisque j'ai terminé 35e sur 300".
Depuis son entretien en novembre dernier, la jeune femme attend d'être fixée sur son sort. La plupart de ses collègues n'ont pas repris contact avec elle. Lucile aimerait continuer à travailler dans l'administration pénitentiaire mais dans un autre établissement. "Depuis quatre mois, je me bats dans le vide, j'ai fait un recours hiérarchique avec mon syndicat et j'attends, je n'ai pas de réponse".
Un syndicat désabusé
Johann Bataillé, représentant du syndicat UFAP Unsa a réagi auprès de BFM Nice Côte d'Azur ce mardi 11 mars. "Ce sont des faits très graves. Les téléphones sont la bête noire de l'administration pénitentiaire, on sait que de nombreux téléphones rentrent dans nos prisons par de nombreux moyens, y compris la corruption des personnels pénitentiaire. Ce ne sont pas des cas isolés dans l'administration pénitentiaire. Il y a des personnes qui passent tous les ans en commission de discipline nationale pour des faits similaires".
Si le phénomène se rencontre régulièrement, le syndicaliste dénonce les difficultés à s'en prémunir. "Le garde des Sceaux a pris le dossier en main et a débloqué des fonds pour créer deux établissements pénitentiaires. Il y a un problème global sur la formation, l'effectif des personnels et le mélange de plusieurs catégories de détenus", indique-t-il.