Liaison "La Forêt Blanche": le maire de Vars invite Risoul à se passer de son délégataire Labellemontagne

L'eau de la station de Risoul dans les Hautes-Alpes est impropre depuis une dizaine de jours. - BFM DICI
Alors que le blocage perdure depuis désormais plusieurs mois concernant la liaison entre Vars et Risoul, Dominique Laudré ne se montre pas tendre envers Labellemontagne, en charge de l'exploitation du domaine skiable de Risoul.
"Un juste retour financier"
Pourtant peu introverti habituellement, le maire de Vars a très peu parlé depuis le début de la saison hivernale. L'édile haut-alpin a très envie de passer à un autre sujet lorsqu’on lui parle de la liaison entre Vars et Risoul, fermée depuis l’arrivée des premiers skieurs.
Cependant, les récentes sorties médiatiques de Jean-Yves Rémy, PDG de Labellemontagne, Régis Simond, maire de Risoul, ou Renaud Muselier poussent aujourd'hui le maire de Vars à sortir de sa réserve.
"Vous imaginez bien que je n’ai pas subi cette déferlante de commentaires désastreux à mon encontre et à l’encontre de Vars sur la Forêt Blanche pour aujourd’hui revenir à la case départ", annonce d’emblée Dominique Laudré.
En clair: il ne cédera pas. Mais le maire de Vars ne manque jamais de rappeler à ses interlocuteurs ce qu’il ressent comme une injustice. Pour lui, il est évident que beaucoup veulent lui prêter le mauvais rôle dans ce dossier.
"Vars ne demande rien de plus qu’un juste retour financier de ce qu’il met à disposition pour la clientèle de la Forêt Blanche", se défend-il.
Toujours pas d'accord
Si les échanges et tractations sont toujours en cours pour établir une nouvelle convention entre la SEM-Sedev et Labellemontagne, ces deux entreprises en charge des exploitations de Vars et Risoul n’arrivent pas à s’accorder sur les chiffres de la réversion, basée sur le passage des skieurs d’un domaine à l’autre au cœur de la Forêt Blanche.
Selon nos informations, Labellemontagne a proposé un plafonnement de la réversion à 650.000 € par saison. Plus 50.000 € qui viendrait s’ajouter tous les ans grâce à un effort de la commune de Risoul. Réticent à l’idée même d’un plafonnement, Dominique Laudré aurait finalement accepté le principe. Mais pas la somme.
Près de 880.000 € auraient été proposé par la Sedev. Hors taxe. Soit, dans les bonnes années, une somme d’un peu plus d’un million d’euros qui serait reversée par Labellemontagne à la Sedev de Vars. En marge de cette proposiiton, Jean-Yves Rémy en a profité, il y a deux semaines pour égratigner la gestion de la Sem-Sedev.
"Je veux bien comprendre que Vars a fait beaucoup d'investissements, peut-être, et c'est pas à moi d'en juger, un peu rapidement. Aujourd'hui, la SEM-Sedev porte une dette supérieure à 30 millions d'euros. Elle doit trouver des ressources. Elle a peut-être imaginé qu'elle puisse venir les chercher à Risoul", réagissait le patron de Labellemontagne, Jean-Yves Rémy, sur l’antenne de BFM DICI le 3 janvier dernier.
Dominique Laudré contre-attaque
Une sortie qui n’a pas manqué d’agacer Dominique Laudré. "Je rappelle que la cour des comptes nous a interpellé à une époque sur le fait que nous financions indirectement par un principe de réversion inéquitable un privé et que nous devions rapidement y remédier afin de ne pas nous tirer une balle dans le pied", répond aujourd’hui le maire de Vars. Et d’attaquer directement Jean-Yves Rémy, sans jamais le citer.
"Je constate que la commune est prête à pallier, avec l’argent du contribuable, la défaillance de son délégataire à régler son dû. Je constate que ce délégataire n’a jusqu’à présent fait aucun investissement probant pour mettre en valeur l’attractivité de sa délégation. Je constate qu’il (ndlr le délégataire) continue à dégrader sa tarification et donc sa marge bénéficiaire qui lui permettrait d’envisager des investissements. Je constate la non envie de vraiment signer un protocole d’accord avec Vars en pinaillant systématiquement sur chaque proposition qui lui est faite", réplique Dominique Laudré.
La proposition de Régis Simond écartée
Quid de la récente proposition de Régis Simond pour tenter de sortir de l’impasse ? Le 5 janvier dernier, le maire de Risoul a imaginé un nouveau forfait, capable de faciliter les futurs échanges entre Labellemontagne et la Sedev.
"J'aurais tendance à dire aux deux délégataires, est ce que la solution ce ne serait pas de définitivement mettre un terme à ce qu'on avait comme système avant, avec un forfait unique pour la Forêt Blanche, mais plutôt de se diriger vers un forfait station de Risoul ce qui existe aujourd'hui, et station de Vars qui existe aujourd'hui, et mettre un forfait commun qui serait libre d'achat par les clients, comme ça se fait dans beaucoup de domaines français", suggèrait le maire de Risoul sur BFM DICI.
Une nouvelle grille forfaitaire qui permettrait de déterminer plus facilement les personnes qui prennent la liaison et ce que chaque skieur coûte à chaque station. Cela faciliterait ainsi le calcul du montant de la réversion et mettrait potentiellement fin aux divergences entre Vars et Risoul.
Une fausse bonne idée pour Dominique Laudré. "Je pense que cette proposition qui, il y a longtemps, faisait partie de la tarification n’a pas donné satisfaction. Donc, faisons confiance en nos anciens qui l’ont, à raison, supprimé pour ne pas reproduire la même erreur. Ce n’est à mon avis qu’un palliatif pour sortir au plus vite d’une situation qui, je le vois, pénalise fortement Risoul. Je comprends le maire et son conseil qui cherchent des solutions. Le problème n’étant pas Vars mais le délégataire, peut-être faut-il travailler en ce sens ?", s’interroge le maire de Vars.
L'exemple d'Orcières-Merlette
Et Dominique Laudré de lancer un véritable pavé dans la marre en soumettant une idée radicale : que Risoul se passe de son délégataire. "Sachez que le conseil municipal de Vars et les Varscincs sont totalement ouverts à bâtir avec les élus de Risoul et sa population si elle le désire, une nouvelle conception ambitieuse et gagnante pour tous de l’avenir de nos territoires à travers la Forêt Blanche. Ce que nous faisons à Vars depuis cinq ans peut être dupliqué sur Risoul sans aucun problème avec juste l’envie et la volonté de le réaliser. Cette situation actuelle pourrait être pourquoi pas, le bon moment comme l’a fait Orcières de prendre notre avenir commun en main".
Une référence directe à la récente volonté de la station d’Orcières-Merlette de se passer des services de Labellemontagne. Après 19 ans de gestion par la société de Jean-Yves Rémy, le conseil municipal d’Orcières a décidé de confier l’exploitation de son domaine à la Semilom, filiale de la société d'économie mixte de loisirs de la station. A Orcières, la délégation de service public prenait fin le 31 octobre 2022.
A Risoul, cette même délégation qui lie la commune à Labellemontagne court encore jusqu’en 2036. Dénoncer une telle convention ne pourrait se faire qu’en échange d’une indemnisation colossale de la commune vers l’entreprise qui exploite le domaine. A moins que Risoul n’arrive à prouver que Labellemontagne ne respecte pas les clauses du contrat signé par les deux parties. Si l’idée a pu être évoquée par quelques élus de Risoul, il semble que personne n’ait vraiment envie, Régis Simond le premier, de se lancer dans une telle bataille.
Des assises de la Montagne sans la Forêt Blanche?
N’en déplaise à Dominique Laudré, la Sedev devrait encore composer plusieurs années avec Labellemontagne pour trouver une issue favorable à l’ouverture de la liaison. Les discussions ne sont pas rompues. Mais les échanges sont tendus. L’image de la Forêt Blanche est écornée. Et les finances des deux stations pourraient en prendre un sacré coup. Dès aujourd’hui. Et demain.
"Je ne veux plus parler au maire de Vars ni à l’opérateur de Risoul, qui est la source du problème et du conflit. Je leur ai bien dit: tant qu’ils ne trouveront pas de solution, ils n’auront plus accès à l’argent public de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur", a déclaré le président Renaud Muselier vendredi à l’occasion de ses vœux à la presse. Au total, ce sont "pour les deux stations pas loin d'un millions d'euros" de subventions en moins dans les caisses.
Le 8 mars prochain, Renaud Muselier et la Région organiseront les assises de la montagne. Avec ou sans la Forêt Blanche ? "Je continue de dire que cette situation pourrait se dénouer très facilement si systématiquement nos interlocuteurs ne cherchaient pas à revenir par tous les moyens à une réversion qui leur serait favorable sans tenir compte de la réalité des faits" conclut Dominique Laudré.
Jean-Yves Rémy, Régis Simond et tous les acteurs de la Forêt Blanche sont prévenus. Le maire de Vars n’entend rien céder et s’apprête à rendre coups pour coût.