Alpes-de-Haute-Provence: les urgences de Manosque et Digne-les-Bains régulées par le Samu pendant trois mois

Faute de personnel, les urgences de Manosque ont annoncé leur fermeture du 7 au 13 janvier. - BFM DICI
Avant d'aller aux urgences à Manosque ou à Digne-les-Bains, il faudra désormais appeler le 15. Personne ne vous accueillera avant d'avoir appelé le Samu. Il s'agit d'une régulation temporaire de trois mois prise par arrêté par l'Agence Régionale de Santé du département sur demande des médecins urgentistes du territoire.
À Digne-les-Bains, les 19 médecins urgentistes ont signé un communiqué envoyé le 26 avril. Dans celui-ci, les soignants demandent une régulation obligatoire des patients se présentant aux urgences.
"La prise d’un arrêté de régulation H24 et 7j sur 7 sur l’ensemble des services d’accueil des urgences du département pour une période de deux ans. L’objectif clair de cette mesure est d’adapter le flux de patients aux capacités des effectifs médicaux en poste sur les différents services d’urgence, et de permettre ainsi leur réouverture h24", indiquent-ils.
"Le temps de travail de 2,7 médecins"
L'arrêté a été pris par l'ARS des Alpes-de-Haute-Provence pour une période de trois mois. Une mesure essentielle pour le service des urgences de Digne-les-Bains, le seul service d’urgences resté ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 depuis deux ans.
Des équipes, qui pour, rester ouverts, ont enchaîné les heures supplémentaires. "Ainsi pour le seul mois de mars, notre équipe médicale aura assuré la continuité des soins urgents en effectuant en heures supplémentaires le temps de travail de 2,7 médecins équivalents temps pleins. Depuis des mois ce temps additionnel est en moyenne de 20% par médecin dans notre service", peut-on lire dans le communiqué.
Pour Hugues Breton, médecin urgentiste, délégué syndical de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) pour le département, il faut faire vite.
"On n'a plus le temps. Hier soir (1er mai, NDLR), les trois services d'urgence du département, étaient fermés. On pourra utiliser tous les détours de communications que l'on veut, il n'y avait qu'un seul médecin urgentiste à Sisteron, à Digne-les-Bains, à Manosque. À 23 heures, à Manosque, il y avait trois urgences vitales en même temps. On ne peut pas tenir comme ça", explique-t-il.
"J'ai attendu hier jusqu'à 20 heures d'avoir des directives précises pour réguler le département correctement", poursuit le médecin. "Ça a été un cauchemar. Pas pour nous, je pense aux usagers qui risquent des complications dont le pronostic vital ou fonctionnel est grevé parce qu'on a attendu 40 minutes, parce que le médecin était sur une autre urgence et qu'il ne peut pas être à deux endroits en même temps, mais 40 minutes c'est énorme".
Un appel à la responsabilité
Pour ce médecin, l'arrêté de régulation ne suffit pas, il faut que d'autres mesures soient aussi prises. "Cette régulation a pour but de maîtriser le nombre de personnes qui arrivent au sein d'un service d'urgence. On n'est plus assez nombreux pour gérer tout le monde en laissant les portes ouvertes. Il doit permettre de créer des conditions tenables pour les effectifs qui restent en termes de médecins, mais aussi pour accueillir des internes, pour les former et bénéficier de leur aide", explique Hugues Breton.
Il poursuit: "il faut qu'ils soient accueillis dans un cadre vivable. Les médecins hors Union européenne, il faut trouver un moyen de les rémunérer décemment sous réserve d'une période d'essai et que les chefs de service décident qu'ils soient compétents. Il faut reconstruire les effectifs pour donner du souffle aux médecins déjà présents dans les services. Seul, cet arrêté de régulation ne nous apporte que peu de choses".
Ce à quoi répond le directeur de l'ARS des Alpes-de-Haute-Provence, Bertrand Biju-Duval. "Ce sont des mesures déjà proposées dans le plan Braun. Ce ne sont pas des propositions nouvelles, l'arrêté a été pris, il ne tient qu'à eux de mobiliser des médecins généralistes. L'ARS les soutient et nous les aidons dès que nous le pouvons", assure-t-il.
"Pour les internes, il faut entrer en négociation avec les hôpitaux de Marseille. Grâce à l'ARS, deux internes sont venus à Digne-les-Bains, alors qu'avant l'hôpital n'avait pas d'internes. La régulation des urgences vient en soutien des urgentistes et va permettre de mieux réorienter les patients. Il faudra aussi renforcer la coopération entre les différents hôpitaux du département."
"Ça va devenir catastrophique"
Concernant les autres demandes du communiqué, il y a celle de former des médecins généralistes à la médecine d'urgence, d'informer très largement la population, la demande de quatre postes d'internes à Manosque et Digne-les-Bains de manière ferme et celle d'une démarche de recrutement sérieuse de médecins PADHUE.
Pour Hugues Breton, "il y a un refus de dire ce qu'il se passe et la réalité va nous rattraper beaucoup trop vite". Une vision des choses que partagent les habitants comme François, habitant de Mallemoisson. "Déjà qu'on est en manque de médecin évident, si on ne peut plus se rabattre sur les urgences, ça va devenir catastrophique".
"Je les comprends les pauvres, ils doivent faire des heures abominables, mais il faut aussi penser aux patients, c'est de plus en plus compliqué sur Digne-les-Bains pour se soigner et les gens ne restent pas ici", assure Virginie, Dignoise, inquiète elle aussi pour la suite.
"C'est toujours pareil, plus ça va et moins on a de façons de se faire soigner", nous avoue Patrice avant de prendre la route. Comme les habitants, les élus, comme le maire de Manosque, considèrent aussi que cette situation n'est pas acceptable pour la population.