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"J'ai eu 24 pains au chocolat": sur Tiktok, les "unboxing" de paniers "Too Good To Go" cartonnent

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Sur Tiktok, les ouvertures de paniers Too Good To Go séduisent de plus en plus de consommateurs à la recherche d'astuces pour économiser. Les influenceurs misent sur ces nouveaux formats, au risque de prôner l'hyperconsommation pour obtenir des vues.

"Ce Too Good To Go m'a coûté 3.99 euros et je suis allé au Fournil de Guillaume. Et je peux vous dire que le paquet est bien lourd", lance Louis Czn sur Tiktok. En vidéo, le créateur de contenu déballe petit à petit son butin à ses 480.000 abonnés. Au menu ce soir-là, quatre sandwichs, deux énormes parts de flan au chocolat, un éclair à la pistache, une demi-baguette briochée et une ficelle aux olives. Rien que ça.

Car Louis est un habitué de ces ouvertures de paniers surprises. Chaque jour depuis bientôt un an, il emmène sa communauté sur Tiktok en magasin pour récupérer son Too Good To Go. Il donne ensuite le prix du panier et retourne chez lui déguster face caméra le contenu surprise du paquet. Le tout, en donnant son avis sur la qualité des mets.

Un renouveau de la tendance "unboxing"

Et ça cartonne. Les vidéos de Louis cumulent en moyenne 500.000 vues. Certaines dépassent le million de visionnages. Sur Tiktok, le hashtag #toogoodtogo dépasse les 55.000 utilisations.

Car depuis quelques mois, une nouvelle tendance a envahi l'application de vidéos courtes: celle de l’ouverture de paniers anti-gaspi provenant, pour beaucoup, de Too Good To Go. Cette application met en relation les consommateurs et les commerçants pour proposer des invendus à prix cassés en vue de réduire le gaspillage alimentaire.

Rien de très surprenant pour Stéphanie Laporte, fondatrice de l'agence social média OTTA. "Les vidéos unboxing existent depuis une dizaine d'années sur les réseaux sociaux, et notamment Youtube", analyse l'experte. Il s'agit de contenus très faciles à produire, et particulièrement populaires sur les réseaux.

Le côté "mystère" du contenu des vidéos unboxing incite les spectateurs à regarder la vidéo. Les vues s'enchaînent, et le taux de rétention est important.

Résultat, "les vidéos sont favorisées par l'algorithme de Tiktok qui met ces contenus en avant dans le fil d'actualité", poursuit Stéphanie Laporte. Ce qui pousse les vidéastes à produire davantage de contenus similaires.

Des "bons plans" pour économiser de l'argent

"Mais ce qui change avec les vidéos unboxing classiques, c'est le côté 'bonnes affaires'", ajoute-t-elle. En effet, l'argument économique est particulièrement mis en avant par les influenceurs.

"Avec les crises et l'inflation, les bons plans pour se faire plaisir, tout en faisant attention à son porte-monnaie cartonnent sur la plateforme", souligne Stéphanie Laporte.

Les créateurs de contenu dénichent ainsi pour leur communauté "les paniers les plus rentables" ou les "Too Good To Go les moins chers de la ville" et proposent des astuces pour sélectionner à coup sûr un panier bien rempli au meilleur prix.

Certains n'hésitent pas à déconseiller des commerces lorsque le contenu est décevant. "J'ai acheté un panier à 4 euros, d'une valeur de 15 euros à U express", indique la vidéaste @loo.sii. Au programme: 4 paquets de salade, deux fromages et une soupe. Elle recalcule alors le prix réel du panier. "Tous les articles coûtent 26 euros. Bon, mais le prix des produits avaient déjà été réduits. Donc le vrai total c'est 11,11 euros. Je suis un peu déçu", raconte-t-elle en vidéo.

Publicité gratuite pour les commerçants

Ou au contraire, à mettre en avant les commerces qui proposent les paniers au meilleur rapport qualité-prix. "J’ai payé 15 balles pour un panier à 50, j’ai eu un panier à 110 balles. C’était chez Sushi Shop", conseille de son côté un utilisateur. "Chez Ibis, j'ai eu 24 pains au chocolat et deux madeleines. Je suis choquée j'ai payé ça 2 euros", sourit une créatrice de contenus.

Un atout de taille pour ces établissements qui gagnent en visibilité auprès des jeunes et des mères de famille, particulièrement friandes de ce type de contenu. Le tout, sans débourser un centime en communication. L'atelier Huré, Paul Saint-Michel et le Monop' du Luxembourg sont ainsi particulièrement mis en avant dans les vidéos de Louis.

Les meilleures adresses pour prendre un Too Good To Go sur Paris selon Louis Cznvjxc.
Les meilleures adresses pour prendre un Too Good To Go sur Paris selon Louis Cznvjxc. © capture d'écran

"Nous sommes ravis que des utilisateurs partagent leur expérience Too Good To Go sur les réseaux sociaux", s'enthousiasme de son côté Too Good To Go qui voit dans cette tendance de nombreux avantages. "Cela donne de la visibilité à l'entreprise (...) et met la lumière sur les partenaires à nos côtés qui agissent au quotidien pour réduire le gaspillage alimentaire."

"Ca peut tourner à l'addiction"

Le problème, c'est que ces vidéos "bons plans" tournent à la frénésie. Certains vidéastes multiplient ces nouveaux formats simplement pour obtenir des vues. La Tiktokeuse @yas_mlz04, a ainsi acheté sept paniers anti-gaspi en un jour. Soit l'équivalent de sept repas pour une seule personne. En vidéo, la créatrice de contenu explique ne pas apprécier tous les éléments de son panier, qui risque donc de finir à la poubelle.

"Le danger, c'est que l'amusement et la course aux likes prennent le pas sur l'aspect anti-gaspi", alerte Stéphanie Laporte.

"C'est un peu comme les sites de ventes privées. Les consommateurs, poussés par les influenceurs et le côté 'loterie' des paniers, achètent des repas dont ils n'avaient pas besoin", observe l'experte. "Ça peut pousser à la surconsommation, et même devenir une addiction."

Des schémas de consommation abusive, bien loin de la lutte contre le gaspillage alimentaire prôné par l'application Too Good To Go. "Nous sommes convaincus que nos utilisateurs utilisent notre application pour préserver leur pouvoir d’achat tout en faisant un bon geste pour la planète et qu’ils sont de plus en plus sensibles à l’anti gaspi", rétorque ainsi l'entreprise.

L'application se targue d’avoir "sauvé" en un an plus de 100 millions de repas dans le monde dans son rapport d’impact de 2023. Mais ça, s'est sans compter la frénésie de l'achat sur les réseaux, et les 61 paniers commandés par Louis au mois d'octobre, soit plus de deux repas par jour.

Salomé Ferraris