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"C'est effrayant d'avoir cette date butoir": inquiets pour l'avenir de Tiktok, les influenceurs américains s'organisent

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Alors que Tiktok pourrait être interdit sur le sol américain d'ici au 19 janvier prochain, les créateurs de contenus imaginent des portes de sortie. Si certains envisagent de basculer sur Instagram et Facebook, d'autres se lancent dans de nouveaux projets.

Tic, Toc, le chronomètre tourne. Tiktok sera-t-il banni des États-Unis ou vendu à une autre entreprise? En avril dernier, le Congrès américain a voté à une large majorité une loi ouvrant la porte à une possible interdiction de Tiktok. Plus précisément, sa maison mère ByteDance, basée en Chine, serait contrainte de vendre la filiale américaine du réseau social d'ici au 19 janvier, faute de quoi la plateforme sera bannie sur le territoire.

Depuis, Tiktok a remporté un premier succès dans cette bataille. En effet, depuis ce vendredi 10 janvier, la Cour suprême des États-Unis examine la constitutionnalité du texte et pourrait donc temporairement suspendre sa mise en œuvre.

Mais pas de quoi rassurer les nombreux vidéastes qui ont fait de Tiktok leur gagne-pain. En effet, les États-Unis comptent environ 10 millions d'influenceurs qui pourraient être touchés par l'arrêt de la plateforme. Et selon Goldman Sachs, 16% des influenceurs dans le monde gagnent plus de 75% de les revenus uniquement sur la plateforme de vidéos courtes.

"Mon travail pourrait disparaître"

"C'est comme un coup de poignard dans le dos", s'exclame Noah Jay Wood auprès de Newsweek. L'influenceur américain compte plus de 7,2 millions d'abonnés sur le réseau social. "Tiktok est la base de toutes mes plateformes. Sans l'application, je n'aurais jamais pu évoluer sur Snapchat ou encore Instagram", estime celui qui pourrait perdre "plusieurs milliers d'euros" si le réseau social venait à être interdit aux États-Unis.

Un avis partagé par Chris Mowrey, suivi par 470.000 abonnés sur la plateforme.

"Pour la première fois, je me rends compte que beaucoup de ce pour quoi j'ai travaillé pourrait disparaître", s'inquiète-t-il auprès de Reuters. "Je ne pense pas qu'on ait suffisamment parlé des dommages que cela pourrait causer d'un point de vue économique aux petites entreprises et aux créateurs."

Et l'interdiction de Tiktok sur le sol américain, ne concerne pas uniquement les créateurs outre-Atlantique. Faute de public américain, certains vidéastes européens pourraient également voir leurs audiences baissées. C'est par exemple le cas de Maks Majewski.

"Une interdiction de Tiktok aurait un impact énorme sur moi", explique-t-il à Newsweek. "Même si je suis originaire du Royaume-Uni, une grande partie de mes abonnés sont basés aux États-Unis. Si la loi est appliquée, ma base d'abonnée serait divisée par deux."

Diversifier ses canaux de diffusion

Mais pas de quoi inquiéter les experts du secteur, qui restent optimistes. "À court terme, certains créateurs subiraient une légère baisse des revenus liés aux partenariats, car les marques réévaluent leurs stratégies de marketing d'influence et de création", concède Harry Gestetner, cofondateur de Fanfix. "Cependant, à plus long terme, la plupart de ces revenus publicitaires seront simplement transférés vers d'autres plateformes comme Instagram."

Selon un rapport de First Insight, 40% des créateurs de contenus interrogés ont indiqué qu'ils se tourneraient vers Facebook. Plus d'un tiers a cité Instagram comme leur meilleure option. Toujours selon le rapport, 67 % des influenceurs ont déjà préparé des plans d'urgence en cas d'interdiction de Tiktok. C'est par exemple le cas du vidéaste Joseph Arujo.

"C'est effrayant d'avoir cette date butoir", maugrée le tiktokeur suivi par 830.000 abonnés auprès de Business Insider. "J'évalue mes options et je pense que je vais me tourner vers d'autres plateformes pour diversifier mes moyens de communication."

Même constat du côté de Lauren Schiller. La créatrice de contenu qui compte près de 33.000 abonnés sur la plateforme souhaite réaliser "à court terme des réels sur Instagram". Elle devrait ensuite chercher à "réaliser des vidéos plus longues sur Youtube" et à les publier sur le blog de sa marque de vêtements.

Repenser sa façon de filmer

Car il ne suffit pas de transférer ses vidéos Tiktok sur Instagram. Pour espérer attirer les internautes, les créateurs de contenus doivent s'adapter aux différentes plateformes.

"Le contenu qui fonctionne bien sur Tiktok n'est pas aussi populaire sur Instagram", confirme Bridget Brown auprès de The Independent. "Pour que ça fonctionne, je vais certainement devoir repenser la façon dont je filme et la durée des vidéos que je publie", insiste la créatrice de contenus suivie par 240.000 abonnés sur Tiktok.

La majorité des vidéastes envisagent donc de se tourner vers de nouveaux formats, comme les courts-métrages ou encore les podcasts vidéo. Deux formats qui intéressent tout particulièrement les marques. "Les podcasts sont très axés sur les chiffres, donc les partenariats autour de ce format pourraient remplacer les collaborations sur Tiktok", avance Jess Hunichen, cofondatrice de l'agence Shine Talent Group.

Camille Viviana (270.000 abonnés) gagne "un salaire à six chiffres" grâce à la plateforme de vidéos courtes. Mais son activité est beaucoup moins rentable sur les autres réseaux sociaux. La trentenaire voudrait donc que le "rapport s'inverse". "Les courts-métrages Youtube font clairement partie de mes options afin de diversifier mes revenus et devenir moins dépendre de Tiktok", assure-t-elle à Nerdwallet.

Comme d'autres influenceurs, la créatrice s'est lancée dans une activité parallèle aux réseaux sociaux. Pour elle, il s'agit d'une friperie en ligne. "Si Tiktok est banni, j'aurais plus de temps libre. Je pourrais consacrer plus de temps et d'énergie à Augusta Vintage, ma boutique." Un moyen pour la vidéaste de ne plus dépendre d'un réseau social, des likes et des algorithmes, donc.

"Instagram n'est pas aussi viral"

En prévision de l'interdiction, certains vidéastes ont déjà opéré des premiers changements. "Je me concentre sur la création de contenus sur d'autres canaux", précise ainsi Nadya Okamoto à PYMNTS. Celle qui est suivie par plus de 4 millions d'abonnés sur Tiktok passait "90% de son temps" sur la plateforme. Elle a récemment réduit ce temps de moitié, consacrant plus d'énergie à publier sur "Instagram, Youtube ou encore Snapchat."

Roxy Coue, une créatrice de contenus suivie par 200.000 abonnés sur Tiktok, a commencé à publier du contenu sur Instagram et Linkedin depuis quelques mois. "J'encourage aussi mon public sur Tiktok à me suivre sur mes autres plateformes", annonce-t-elle fièrement à Digiday.

Une stratégie de diversification qui commence déjà à porter ses fruits. La vidéaste est passée "d'environ 4.000 abonnés au début de l'année, à 148.000 sur Instagram". Sur Linkedin, sa communauté caracole à plus de 4.000 internautes, contre 1.5000 auparavant.

Mais tous les créateurs ne sont pas si enthousiastes. "Mes revenus viennent surtout des vues et des placements de produits. Si Tiktok est banni, ma seule option serait de migrer vers une autre plateforme", souligne Maks Majewski. "Mais Tiktok est l'endroit qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui."

"Toutes les plateformes ne sont pas aussi conviviales et virales", ajoute l'influenceur gaming suivi par 3 millions d'abonnés. "Sur Instagram, les tendances mettent du temps à démarrer. Sur Tiktok, tu peux buzzer du jour au lendemain."
Salomé Ferraris