Seine-Maritime: à Quiberville, l'érosion et le risque de submersion poussent le camping à déménager

De couleur brune et blanche, les pierres entassées forment un amas éclairé par la lumière du soleil. En ce 3 avril, elles viennent de se désolidariser d'une falaise désormais défigurée située juste derrière. C'est le dernier éboulement en date observé à Quiberville-sur-Mer, petite station balnéaire située à une petite demi-heure de Dieppe (Seine-Maritime).
Les épisodes de ce type ne sont plus rares sur le littoral normand, en proie à la montée des eaux et à l'érosion. À Quiberville-sur-Mer, les effets du changement climatique se manifestent donc par un recul du trait de côte et par des fissures, sortes de coups de griffe sur la digue.
La localité, réputée pour sa longue plage de galets, est dès lors exposée au risque de submersion marine. Lors d'une tempête en 1999, la Saâne, la rivière locale, est sortie de son lit. Les inondations ont balayé le camping municipal, niché à 50 mètres du bord de mer.
"Plus de 100 caravanes complètement détruites"
Jean-François Bloc, maire (Les Centristes) de Quiberville-sur-Mer, était déjà en poste à l'époque. "On avait une élévation du niveau. Nous avions de l'eau jusqu'ici", retrace-t-il au micro de BFM Normandie, sa main à hauteur d'épaule.
"Il y a eu plus de 100 caravanes qui ont été complètement détruites. Le camping a été ravagé. Tout cela, on venait de le construire en 1995. On a été obligés de refaire tous les intérieurs, les Placo, tout ça." Après les inondations, l'évacuation de l'eau reste la mission la plus complexe.
Pour se prémunir de revivre les événements de 1999, Jean-François Bloc décide de connecter la Saâne à la mer via un estuaire d'une dizaine de mètres. Mais plus les années passent, plus l'édile comprend qu'une décision plus radicale s'impose: relocaliser le camping.
À 700 mètres de distance
Le Domaine Saâne-et-Mer est basé 700 mètres en retrait du précédent emplacement. Il a ouvert le 1er août et n'a que peu connu les rayons du soleil pour le moment. Jean-François Bloc n'en est pas moins fier: "Je peux affirmer que cette approche constitue une première au plan national", clame-t-il auprès de Ouest-France.
"On a mis le temps, bien sûr, puisqu'il a fallu faire des acquisitions, modifier le PLU (Plan local d'urbanisme, NDLR), trouver les financements", prolonge-t-il à notre micro.
Bâti à flanc de colline, le nouveau village-vacances s'étire sur six hectares. À terme, il proposera 70 emplacements pour les camping-cars et caravanes, 30 pour les tentes et 27 logements en dur.
Il a fallu mettre la main à la poche pour le voir sortir de terre. 8,6 millions d'euros ont été déboursés au total. Deux tiers de cette somme ont été alloués par l'Union européenne.

"Renaturer"
La concrétisation du nouveau projet scelle le sort du site historique. "L'autre camping municipal va faire l'objet d'une fermeture définitive le 30 septembre pour, justement, redonner à la biodiversité toute sa place", loue Jean-François Bloc.
Le centriste le promet: "On va renaturer l'endroit et on va supprimer les bâtiments qui étaient dans la vallée pour redonner au conservatoire du littoral un terrain vierge".
À nos confrères, le maire explicite l'intérêt environnemental de cette démarche: "La Manche pourra remonter lors des grandes marées. Les poissons migrateurs également, tandis que les bovins qui paissent dans la vallée auront laissé la place à des moutons sur 60 hectares d’une biodiversité renouvelée, le tout visible depuis le nouveau camping".
Selon le dernier rapport du Giec, rendu en mars dernier, le niveau des eaux pourrait grimper de 1,10 mètre d’ici à 2100. De quoi accentuer encore un peu plus l’érosion des côtes et la pénétration du sel dans les nappes souterraines d’eau douce, tout en rendant les inondations plus probables. À l'échelle du monde, 680 millions de personnes vivant dans les zones côtières de basse altitude sont menacées.