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Fourgon attaqué dans l'Eure: comment les transferts de détenus sont-ils sécurisés?

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Un commando a attaqué au niveau d'un péage dans l'Eure un fourgon pénitentiaire transportant un détenu. Une attaque visiblement préparée, lors de laquelle le commando a fait usage d'armes lourdes.

Un assaut impressionnant. Les deux véhicules de l'administration pénitentiaire se trouvaient à hauteur du péage d'Incarville sur l'A154 quand un commando n'a pas hésité à faire usage d'armes lourdes pour faire évader le détenu, Mohamed Amra, qui se trouvait à l'intérieur de l'un des fourgons. Le bilan est lourd: au moins deux agents ont été tués et trois autres blessés, dont deux entre la vie et la mort. Preuve de la violence de cette attaque, l'administration n'avait pas été endeuillée depuis 1992.

Le convoi effectuait le transfert d'un détenu déjà bien connu des services de police et de la justice pour ses liens notamment avec le trafic de drogue, entre le tribunal judiciaire de Rouen, en Seine-Maritime, et la maison d'arrêt d'Évreux, dans l'Eure. Un trajet d'une heure pour une soixantaine de kilomètres. "Il s'agit de l'une de nos missions quotidiennes", note Yoan Karar, secrétaire général adjoint du syndicat FO Justice.

Le parcours des extractions étudié

Chaque extraction est minutieusement préparée, avec notamment un profilage qui permet à l'administration pénitentiaire d'étudier le profil du détenu et de prendre des informations auprès du renseignement pénitentiaire. Le parcours emprunté par le convoi de l'administration pénitentiaire est lui-aussi travaillé en amont, au regard du profil du détenu. Généralement, plusieurs itinéraires sont prévus.

"Nous travaillons toujours sur plusieurs itinéraires. En cas de doute ou sur des profils particuliers, il peut y avoir un changement des itinéraires habituels", détaille Sébastien Nicolas, secrétaire national de FO Justice.

Pour exemple, le transfert de Rédoine Faïd avait été encadré par le GIGN entre la prison de Fleury-Mérogis et le tribunal de Paris, où il était jugé à l'automne dernier. Pour le cas de Salah Abdeslam, des moyens aériens avaient été déployés à chaque transfert entre la France et la Belgique. Plusieurs équipes étaient prévues, pour pouvoir rapidement se passer le relai en cas de difficultés.

Des zones de difficultés

Pour se prémunir du risque d'évasion, le détenu peut être informé au dernier moment de la date et de l'heure de son extraction. Cela est surtout possible lorsqu'il s'agit d'un transfert entre prisons. "Quand il s’agit d’une extraction judiciaire, qu’un détenu est présenté à la justice, les audiences sont publiques. L'avocat est au courant de la présentation de son client devant l’autorité judiciaire. À ce moment-là forcément, le détenu le sait, l’avocat le sait, et on ne peut pas dissimuler ni le jour, ni l’heure de ce transfert", note Sébastien Nicolas.

Le moment est sensible car en extérieur et au milieu de la population, les extractions doivent faire face aux ralentissements sur les axes de circulation, et ce même si les fourgons sont prioritaires au même titre qu'un véhicule de police ou de gendarmerie.

"Comme dans n’importe quelle situation, on évite d’arrêter le fourgon", évoque Yoan Karar. Bien que les véhicules de l'administration pénitentiaire soient dotés d'un badge de télépéage, le député PS Joachim Pueyo relève qu'une voiture peut se trouver bloquée devant le fourgon ou les complices du détenu ont pu percuter ce véhicule.

"Dès qu'il y a un ralentissement, ça cause une zone de fragilité et la barrière de péage en a été une malheureusement", déplore le syndicaliste FO.

Des agents formés

Jusqu'en 2011, les missions d'extraction revenaient aux policiers et aux gendarmes. Depuis cette date et la grogne des policiers, qui contestaient à l'époque les missions dites indues, les transferts sont assurés par des agents pénitentiaires, les Personnels d'escorte et de transfèrement (Prej). Les agents sont formés pendant six semaines, notamment à la conduite et au tir.

Dans les fourgons, ils sont équipés d'un gilet pare-balles et d'une arme de poing. "Face à des armes lourdes, les armes de poing ne font pas le poids", fait remarquer Yoann Karar. Consciente des risques encourus, l'administration pénitentiaire a d'ailleurs de moins en moins recours aux véhicules sérigraphiés afin de préserver la sécurité de ses agents.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV