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Cerveaux, logisticiens... Le rôle des complices de Mohamed Amra se dessine: les informations de BFMTV

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Sept nouveaux suspects ont été mis en examen, ce vendredi 28 février, à Paris, dans l'enquête sur l’évasion du narcotrafiquant, portant à dix-huit le nombre de complices présumés poursuivis à ce stade. Ces personnes sont soupçonnées, à des degrés divers, d'avoir participé aux projets d'évasion de "La Mouche", dont celle qui a fini tragiquement à Incarville le 14 mai 2024 avec la mort de deux agents pénitentiaires, Arnaud Garcia et Fabrice Moello.

Alors que 18 personnes ont été mises en examen jeudi et vendredi dans le volet des complicités dont Mohamed Amra a pu bénéficier, l'organisation de l'évasion et des tentatives d'évasion antérieures de l'ex-fugitif se précise pour les enquêteurs. Parmi ces suspects, des proches et des amis d’enfance du narcotrafiquant, chacun avec des rôles bien définis.

• Le commando

Il y a d'abord le commando qui a attaqué le convoi pénitentiaire le 14 mai 2024 et exécuté froidement Arnaud Garcia et Fabrice Moello. Le premier a été tué à bout touchant et n'a même pas eu le temps de s'extraire de la voiture à l'arrière du convoi dans laquelle il se trouvait. Le deuxième sortait du véhicule de tête quand il a été tué. Des exécutions, alors même que Mohamed Amra, dès le début de l’attaque, assurait à plusieurs reprises à l’un des surveillants pénitentiaires qu'il ne lui serait fait aucun mal.

À ce jour, on ignore s'il y a un ou plusieurs tireurs responsables des deux décès. Combien de personnes font partie de ce commando? Cinq silhouettes apparaissent en tout cas sur la vidéosurveillance du péage, avec la possibilité que d’autres personnes se trouvent hors du champ des caméras ou cachées dans des voitures. Selon des sources concordantes, plusieurs personnes interpellées sont bien suspectées d’avoir eu un rôle actif au sein du commando.

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Parmi elles: Fernando D., un homme de 32 ans. Les enquêteurs pensent le reconnaître à sa démarche particulière sur les images de vidéosurveillance. Après l'attaque, il a fui en Espagne où il a été interpellé le week-end dernier.

Il y a aussi Alan G., 28 ans, au domicile duquel des vêtements, une cagoule et des chaussures similaires à ceux utilisés par l'un des assaillants ont été retrouvés lors d'une perquisition. Les affaires étaient dans un sac poubelle. Les policiers ont repéré des traces de sang sur le bas du pantalon. D'autres sont soupçonnés car les enquêteurs les ont aperçus dans le cadre de surveillances. Notamment dans des véhicules qui ont servi à l'attaque ou à sa préparation.

La procureure de Paris, interrogée dans l’émission Ç à Vous sur France 5, assurait qu'une "partie des suspects" des meurtres avaient été interpellés, sous-entendant qu'ils ne l'étaient pas tous. Il pourrait donc y avoir prochainement d'autres interpellations dans cette affaire. Au moins un des suspects est d'ailleurs décédé dans un accident de voiture en novembre dernier.

• Les guetteurs

Parmi les complices présumés placés en détention provisoire, deux semblent avoir eu un rôle déterminant dans le repérage. En effet, deux hommes, appartenant à la même famille, prénommés Joël et Alexandre, ont été repérés le 14 mai 2024, le jour de l'attaque, dans un bar nommé "Les initiés", situé juste en face du tribunal judiciaire de Rouen.

Habillés de noir et porteurs de capuche, ils se sont installés à la terrasse du restaurant avant l'arrivée du convoi pénitentiaire qui amenait Mohamed Amra au tribunal ce jour-là, ce dernier devant être auditionné par un juge. Ils sont restés jusqu'à ce que le convoi reparte.

Ils sont soupçonnés d'être ceux qui ont pu alerter des membres du commando que le convoi pénitentiaire repartait avec Mohamed Amra à son bord. Lors de leur enquête, les policiers ont récupéré notamment les bouteilles de jus de fruit consommées par les deux hommes. Les empreintes digitales restées dessus sont celles d'Alexandre G.B., soupçonné d'avoir activement participé à l'évasion.

• Les cerveaux

Qui a organisé cette évasion? Au début, une rumeur évoquait la possibilité que Mohamed Amra ait été enlevé par des rivaux. Hypothèse étudiée par les enquêteurs, vu le nombre important d’ennemis connus à Mohamed Amra. Mais cette piste a été définitivement écartée. Il apparaît assez clairement dans l'enquête que ce dernier n'était pas surpris de cette attaque, voire même qu'il l'avait organisée.

Ainsi, les surveillants pénitentiaires du convoi rapportent que Mohamed Amra semble, dès les premiers instants de l'attaque, parfaitement comprendre ce qu'il se passe. Dès que la voiture du commando percute le fourgon, il promet aux agents que les assaillants ne leur feront aucun mal. Il sort sans hésiter du camion et détache lui-même ses menottes grâce aux clefs qu'il est parvenu à récupérer à un surveillant.

Par ailleurs, dans les différentes cellules occupées par Mohamed Amra, de nombreux téléphones ont été retrouvés. Leur exploitation par les enquêteurs semble démontrer qu’ils ont été utilisés pour organiser l’évasion.

Un autre nom émerge aussi dans la procédure: Jean-Charles P., un homme bien intégré dans le grand banditisme et qui ne cache pas être un proche de Mohamed Amra. Celui qui n’a pas été interpellé mais extrait de la prison dans laquelle il se trouvait pour être placé en garde à vue, s’en est même vanté auprès des policiers qui ont précédemment fouillé sa cellule dans le cadre de l'enquête sur l'évasion. Il apparaît que lui et Mohamed Amra ont beaucoup échangé, notamment pendant la cavale de ce dernier, au sujet par exemple d'activités illicites, comme du trafic de stupéfiants.

Mais quelle est l'implication de Jean-Charles P.? Cet homme de 29 ans, déjà incarcéré au moment de l'évasion, membre de l'organisation criminelle Black Manjak Family, est suspecté d'être le "mentor" de Mohamed Amra. L'homme à la carrure massive, le regard dur, n'a pas bronché lorsque, le 27 février, la juge des libertés et de la détention lui a annoncé qu'il allait à l'isolement. Il s'est même permis un signe de main en partant, comme pour saluer les journalistes dans la salle.

• Les logisticiens

Ils sont nombreux, âgés d’une vingtaine à une trentaine d’années, avec des niveaux d’implication différents. Lors de leur passage devant le juge des libertés et de la détention, certains d’entre eux sont apparus effondrés, abattus, lorsque le magistrat leur a signifié leur placement en détention provisoire. Quand d’autres, au contraire, semblaient plus habitués à l’exercice.

Les enquêteurs s'intéressent à ceux qui sont suspectés d’avoir volé les voitures impliquées dans l'évasion ou installé de fausses plaques d’immatriculation. Il y a ceux aussi que les enquêteurs soupçonnent d'avoir réalisé des achats pour les autres tentatives d'évasion imputées à Mohamed Amra, où ce dernier comptait notamment s'enfuir en sciant les barreaux de sa fenêtre de prison. Ainsi, certains des logisticiens sont suspectés d’avoir acheté différents objets comme des scies à métaux, des coupes barreaux, une meuleuse, du scotch et même des tubes pour masquer le barreau manquant...

Les enquêteurs mettent d'ailleurs en cause des proches d'amis d'enfance de Mohamed Amra. Ils pensent qu'ils sont allés, sur ordre de ce dernier, récupérer une échelle télescopique achetée sur un célèbre site de petites annonces. Parmi les nombreuses personnes identifiées, l'un d'eux fut par exemple retrouvé par les enquêteurs car son véhicule était aperçu sur le parking des magasins de bricolage où ont été achetés les outils.

Enfin, il y a aussi des logisticiens au rôle plus périphérique, dont les enquêteurs ignorent à ce stade s'ils savaient ce qui se préparait. C'est le cas par exemple d’une copine d'Alan G., un des membres présumés du commando. Une jeune femme suspectée d’avoir loué des voitures que ce dernier a pu utiliser lors des opérations. Savait-elle qu'elle contribuait à l'organisation d'une évasion? Elle a en tout cas été laissée libre sous contrôle judiciaire.

Maxime Brandstaetter et Matthias Tesson