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Calvados: privée de subventions, une association ne peut plus accompagner les élèves déficients auditifs

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La fin de subventions jusque-là versées par la région et le département menace l'apprentissage de 18 jeunes du Calvados, normalement accompagnés par des professionnels.

Une situation encore loin d'être réglée, à quelques jours seulement de la rentrée scolaire. L'Association des parents d'enfants déficients auditifs du Calvados (APEDAC) qui permettait jusque-là l'accompagnement d'élèves sourds et malentendants, s'est vue retirer ses subventions par la région Normandie et le département.

Mais sans ses subventions, l'association ne peut financer l'accompagnement des élèves par des professionnels formés à la Langue française Parlée Complétée (LfPC), un code manuel qui permet la perception des mots oraux grâce à des signes de la main près du visage.

Sans cet accompagnement, les jeunes déficients auditifs ont alors tendance à décrocher rapidement. "Des fois, le soir, on regarde les cahiers de la journée, et on se rend compte qu'il y a des phrases qui ne veulent rien dire, complètement incohérentes", explique Muriel, dont le fils Ewan est élève de première et est accompagné depuis des années par une codeuse en LfPC. "Donc l'enfant ne peut pas apprendre ces phrases-là, puisque ça ne veut rien dire."

Des solutions inadéquates?

Informée en octobre dernier de la fin prochaine des subventions de la région et du département, l'APEDAC avait alors demandé au rectorat de Caen et aux services départementaux de l'Éducation nationale du Calvados un budget dédié à l'accompagnement des enfants sourds et malentendants pour la rentrée 2024. Une pétition avait notamment été lancée, recueillant plus de 34.000 signatures.

De son côté, les services de l'Éducation nationale avaient proposé de reprendre les codeurs de l'association en qualité d'Accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Une solution refusée par l'association.

"La proposition a été refusée à l'unanimité par l’ensemble des codeurs, puisqu’elle représente une dévalorisation de leur niveau d’études et de fait une baisse de leur rémunération", explique l'APEDAC dans un communiqué publié le 23 août.

Sans perspective et avec la fin des subventions effective depuis le mois de juin, l'association créée en 1991 a ainsi dû se séparer de ses codeurs. "L’association a dû se résoudre à licencier ses 9 employés dont 7 codeurs, mettant en péril à court terme l’apprentissage des 18 enfants sourds accompagnés en classe (de la maternelle au lycée)."

Une formation pour les AESH

La solution proposée par le rectorat de Caen a finalement été de former des AESH en une vingtaine d'heures à la Langue française Parlée Complétée. Mais cette solution n'en est pas vraiment une pour l'APEDAC, qui dénonce le fait de ne pas avoir été informée de cette décision, mais souligne surtout l'insuffisance de cette formation, jugée trop courte.

"C'est pas vraiment la meilleure solution, puisque vingt heures, c'est vraiment le minimum au niveau de l'apprentissage", rappelle Agnès Valette, présidente de l'APEDAC. "Il faut minimum un an de pratique, et on parle bien de pratique quotidienne, pour pouvoir avoir une certaine dextérité."

"Vu qu'ils ont eu très peu de temps pour pouvoir apprendre le code, là, on va vraiment le ressentir", regrette Jeanne, élève malentendante de terminale. "On va se retrouver vraiment du jour au lendemain avec quelqu'un qu'on ne connaît pas, et qui ne nous connaît pas."

Les élèves eux-mêmes inquiets

Car ces enfants ont été suivis pendant des années par les mêmes codeurs, des professionnels qui ont appris à identifier les particularités de chaque élève.

"Personnellement, je préfère avoir une codeuse (...) qui est là depuis très longtemps, parce qu'elle me connaît et elle connaît toutes mes faiblesses, qu'avoir une nouvelle codeuse qui ne me connaît pas", confie Ewan, élève de première.

D'autant plus que les AESH ne sont techniquement pas habilités à endosser la fonction de codeur, rappelle l'APEDAC dans son communiqué. La loi établit ainsi que les AESH, bien que pouvant avoir un rôle dans l'accompagnement des élèves sourds et malentendants, n'ont pas "un rôle d'interprète en LSF [Langue des signes française] ou de codeur en LfPC".

L'APEDAC a bien demandé au rectorat de trouver une solution plus adaptée, mais celui-ci reste pour le moment sur ses positions. Contactés par BFM Normandie, les services académiques n'ont pas répondu à nos sollicitations.

L'APEDAC annonce ainsi avoir déposé une demande de référé-suspension auprès du tribunal administratif.

Aubert Guinamard avec Laurène Rocheteau