Marseille: Gaudin condamné à 6 mois de prison avec sursis dans l'affaire des heures supplémentaires à la mairie

Jean-Claude Gaudin - AFP
L'ancien maire de droite de Marseille Jean-Claude Gaudin a été condamné ce mardi à Paris à six mois de prison avec sursis pour avoir tardé à mettre un terme à un système généralisé d'heures supplémentaires indument accordées aux agents municipaux, sans travail effectif.
Avec son directeur de cabinet, quatre autres anciens responsables de l'administration et l'ex-directeur du Samu social, il était poursuivi pour "détournement de fonds publics par négligence", dans le cadre d'une enquête du Parquet national financier (PNF) entamée en 2017, après une première enquête du parquet de Marseille.
La justice leur reproche de ne pas avoir pris de mesures (badgeuses, service de contrôle, etc.), pendant de nombreuses années, pour mettre un terme à des pratiques généralisées au sein d'une quinzaine de services municipaux, d'heures supplémentaires accordées mensuellement, sans travail effectif réalisé, en violation du droit du travail, alors même le temps de travail était déjà dérogatoire.
"Oui, j'ai été négligent et je ne me suis pas intéressé assez au fonctionnement interne des choses", a déclaré l'ancien maire de droite de Marseille (1995-2020), en visioconférence, lors d'une audience de plaider-coupable devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Manque à gagner de 10 millions d'euros
Les investigations ont d'abord concerné le Samu social, puis se sont élargies à d'autres services municipaux (bibliothèques, musée, service du parc automobile, direction du gardiennage, etc.) de cette ville de quelque 870.000 habitants, qui emploie environ 12.000 agents.
Dans un rapport de 2013, la chambre régionale des comptes évaluait le manque à gagner dû à ce système à 10 millions d'euros par an pour le budget municipal, soit 280 équivalents temps plein.
"La cohésion sociale m'est toujours apparue importante. Quand vous avez des grèves, ça coute encore plus cher aux finances de la ville", a pointé l'ancien maire, âgé de 82 ans, également condamné à payer 10.000 euros d'amende.
Pour justifier la peine proposée par le PNF, le procureur, Quentin Dandoy, a rappelé le "contexte" qui "préexistait" à l'arrivée de Jean-Claude Gaudin, et souligné qu'aucun des prévenus n'a bénéficié d'un enrichissement personnel.
"Dès la mandature de Gaston Defferre (1953-1986), un pacte a été scellé entre la municipalité et un syndicat", a-t-il retracé, insistant sur la politique "clientéliste" mise en place, avec le "recrutement d'un nombre d'agents important avec une rémunération ne correspondant pas au travail réalisé".
Un système "su de tous"
"La gestion du temps de travail au sein de la ville, c'était su de tous", a-t-il insisté.
Le PNF s'est notamment appuyé sur trois rapports, publics, de la chambre régionale des comptes (entre 2006 et la fin des années 2010), qui épinglaient la gestion du temps de travail des agents et leur rémunération.
L'enquête s'est bornée à la période 2013-2018 en raison de la prescription d'une part, et des premières "mesures qui ont traduit une volonté de faire évoluer les choses" adoptées par le conseil municipal en 2018 d'autre part.
Le PNF avait initialement cité les prévenus à comparaître devant le tribunal correctionnel en procès classique. Mais les mis en cause ont ensuite obtenu une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui repose sur un accord entre le parquet et l'auteur d'une infraction, qui reconnaît sa culpabilité. À l'issue de l'audience, la juge Bénédicte de Perthuis a homologué la peine.
"La peine paraît adaptée compte tenu du contexte de la problématique sensible" du temps de travail "au sein des collectivités en général et à Marseille en particulier", a-t-elle estimé.
"Si je me sens meurtri, je conserve néanmoins la conviction d'avoir bien travaillé pour Marseille et les Marseillais, qui m'ont élu et réélu à quatre reprises, avec des collaborateurs qui se sont toujours investis sans relâche à leur service. Mais j'assume", a réagi après le délibéré Jean-Claude Gaudin sur sa page Facebook.
L'avocat de la ville a demandé 1 euro symbolique à chacun des mis en cause, et quelques milliers d'euros à l'ancien directeur du Samu social, poursuivi pour détournement de fonds publics.