Macron en meeting à Marseille: comment s'est construite sa relation avec le maire PS Benoît Payan

Emmanuel Macron et le maire de Marseille Benoît Payan début septembre 2021 lors d'une visite du chef de l'Etat dans la cité phocéenne. - Ludovic MARIN / AFP / POOL
Pour son grand meeting de l'entre-deux tours, Emmanuel Macron a choisi Marseille, qui avait placé Jean-Luc Mélenchon en tête au premier tour de l'élection présidentielle avec 31,12% des voix. C'est la troisième fois en quelques mois que le chef de l'État se rend dans la cité phocéenne, dirigée depuis décembre 2020 par l'élu du "Printemps Marseillais" Benoît Payan.
Fin 2021, Emmanuel Macron était déjà venu à deux reprises afin d'évoquer le projet "Marseille en grand" qui doit permettre d'importantes transformations, notamment sur l'éducation et les transports - des sujets défendus depuis plusieurs mois par Benoît Payan.
La relation entre le maire et le président a commencé au début de l'année 2021. L'élu socialiste, jusqu'alors premier adjoint, a repris les rênes de la commune quelques semaines plus tôt, après la démission de Michèle Rubirola, tête de liste de la coalition de gauche "Le Printemps Marseillais" aux élections municipales de mars 2020.
Une première rencontre en mars 2021
Leur première rencontre a lieu en mars 2021. Benoît Payan est reçu à l'Élysée par Emmanuel Macron pour un déjeuner. La question des écoles marseillaises est alors largement évoquée entre les deux hommes, l'édile marseillais souhaitant un plan d'aide pour leur rénovation. Selon Marsactu, il ressort de cet entretien, avec le sentiment "d'avoir été entendu".
À la suite de son déjeuner élyséen, des échanges réguliers ont lieu pendant plusieurs mois entre les équipes de la municipalité et celles du chef de l'État afin de travailler sur la future transformation de Marseille.
À son arrivée à la tête de deuxième ville de France, la majorité de Benoît Payan affirmait avoir trouvé les finances dans un très mauvais état, après 25 ans de règne de Jean-Claude Gaudin. La dette de la ville était estimée par Benoît Payan à plus d'1,5 milliard d'euros à la fin de l'année 2020.
"Marseille ne peut pas rester la grande oubliée, la spoliée des politiques (...) Nous allons chercher de l’argent partout: à Bruxelles comme à Paris", soutenait-il dans des propos rapportés par La Provence.
Le maire de la ville espérait alors s'appuyer sur le soutien de l'État pour mener à bien son nouveau projet pour Marseille, en raison l'incapacité financière de la commune à mener seule de coûteuses réformes.
"Une visite historique"
Début septembre, Emmanuel Macron se rend à Marseille pour une visite de trois jours dans la cité phocéenne, une durée exceptionnellement longue pour un déplacement présidentiel. Le premier jour, Benoît Payan l'accueille à l'Hôtel de Ville et l'accompagne au cours de plusieurs visites. Selon Le Point, Emmanuel Macron lui fait même lire le discours qu'il prévoit de prononcer dans les jardins du Pharo.
Lors d'une prise de parole le 2 septembre, le président fait plusieurs annonces promettant un grand plan financé par l'État intitulé "Marseille en grand" de plus d'un milliard d'euros, sans compter la rénovation des écoles. Les promesses concernent aussi bien la réhabilitation des logements que les transports marseillais avec l'objectif de "désenclaver" les quartiers Nord, une volonté affichée de Benoît Payan.
Ce jour-là, le maire est lui aussi au Prado pour écouter le discours du président et saluer la présence du chef de l'État à Marseille. À la tribune, il qualifie sa visite d'"historique".
"Au nom des Marseillaises et des Marseillais, je voulais vous réserver le meilleur accueil possible. Je voulais vous dire en toute sincérité, au-delà des formes protocolaires de la tradition républicaine, combien nous sommes sensibles à votre présence qui est la preuve, s'il en fallait une, de votre attachement profond pour la ville de Marseille", souligne-t-il face à Emmanuel Macron.
Un travail commun pour les écoles de Marseille
Les deux hommes se revoient un peu plus d'un mois plus tard. Mi-octobre, Emmanuel Macron revient dans la cité phocéenne afin de faire un point d'étape sur ses précédents engagements mais aussi pour évoquer la rénovation des écoles.
Juste avant ce nouveau déplacement, le maire avait présenté son grand plan pour les écoles d'un montant d'1,2 milliard d'euros, Benoît Payan attendant "le go" d'Emmanuel Macron pour lancer définitivement ce dispositif, qui prévoit la rénovation de 174 établissements vétustes de la ville.
Le 15 octobre, Benoît Payan est reçu à nouveau par le président à la préfecture en compagnie d'autres élus locaux. Un entretien qualifié de "fructueux" par les proches de l'édile marseillais. Le plan pour les écoles est finalement finalisé à la suite d'une visite de Jean Castex à Marseille. La participation de l'État passe même de 254 à 400 millions d'euros.
"Emmanuel Macron, ce n'est pas ma famille politique"
Toutefois, si Emmanuel Macron et Benoît Payan se sont entendus sur Marseille, de nettes divergences politiques existent entre les deux hommes. Bien qu'issus de la même génération - ils sont tous les deux âgés de 44 ans -, ils font aujourd'hui partie de deux bords politiques distincts.
Lors de la campagne municipale victorieuse de 2020, Benoît Payan, issu du parti socialiste, a fait partie d'une grande coalition comprenant des écologistes, des socialistes et des membres de la France insoumise. Des personnalités qui font partie aujourd'hui de sa majorité municipale.
De son côté, Emmanuel Macron a lui reçu ces derniers mois le soutien de plusieurs élus de droite de la région Sud, dont son président Renaud Muselier et la présidente de la métropole Aix-Marseille, Martine Vassal, opposée sur plusieurs sujets à Benoît Payan.
Fin août 2021, le maire de la cité phocéenne assurait catégoriquement au micro de BFMTV et RMC qu'il ne serait "jamais" ministre d'Emmanuel Macron.
"Emmanuel Macron, ce n'est pas ma famille politique, ce n'est pas l'inclinaison de ma pensée. On travaille sur Marseille, cette question ne peut pas se poser", avait-il affirmé.
Pour l'élection présidentielle, Benoît Payan avait parrainé Christiane Taubira avant le retrait de la candidature de l'ancienne garde des Sceaux, faute de parrainages suffisants. Par la suite, il ne s'était pas impliqué dans la campagne de la candidate socialiste Anne Hidalgo.
Dimanche dernier, après les résultats du premier tour de l'élection présidentielle, il a rapidement annoncé son vote pour Emmanuel Macron au second tour afin de faire "barrage à l'extrême-droite". "J’invite les Marseillaises et les Marseillais à s’élever collectivement contre les idées de haine et de rejet de l'autre qui ne peuvent présider à la destinée de notre pays", a-t-il expliqué.
"Des chicayas locaux"
Outre ces divergences politiques, sur d'autres questions locales, Benoît Payan a fait part de plusieurs désaccords avec le gouvernement. En décembre dernier, il a fustigé la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) concernant la Métropole d'Aix-Marseille qualifiant cette réforme "de farce".
"En septembre, le président de la République est venu ici dire des choses fortes sur la gouvernance de cette métropole. Trois mois plus tard, le gouvernement a reculé sur l’ensemble des points évoqués", a-t-il fustigé dans des propos rapportés par Le Monde.
Quelques semaines plus tôt, en pleine grève des éboueurs, le maire de Marseille avait regretté le manque de compétences de la municipalité en comparaison avec la métropole, qui gère le ramassage des déchets. Benoît Payan en avait alors déjà appelé au président de la République lui demandant dans une lettre "une réforme immédiate de la gouvernance locale".
Lors de son discours de septembre dernier, Emmanuel Macron avait de son côté égratigné les élus marseillais appelant à la fin des "chicayas locaux" afin de mener à bien les projets de réformes.