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Loi PLM: pourquoi Paris, Lyon et Marseille ont un mode de scrutin différent aux municipales?

Une électrice glisse son bulletin dans une urne du Touquet pour le premier tour des législatives, le 12 juin 2022

Une électrice glisse son bulletin dans une urne du Touquet pour le premier tour des législatives, le 12 juin 2022 - Ludovic MARIN - AFP

Depuis 1982, les électeurs parisiens, marseillais et lyonnais élisent leurs conseils d'arrondissement et non directement leurs maires. Une loi instaurée par Gaston Defferre pour décentraliser les pouvoirs locaux dans les trois plus grandes villes de France.

Un suffrage universel indirect propre aux trois plus grandes villes de France. Depuis décembre 1982, les électeurs de Paris, Marseille et Lyon n'élisent pas directement le conseil municipal central et maire lors des élections municipales, mais leur conseil et maire d'arrondissement. Une loi qu'Emmanuel Macron veut réformer "en profondeur" afin de passer à un suffrage direct, a-t-il annoncé lors de sa conférence de presse mardi 16 janvier.

"La seule chose que je veux pour Paris, c'est qu'un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant à Paris qu'à Amiens à Besançon ou ailleurs", a déclaré Emmanuel Macron.

Pourtant, ce système électoral a été initialement instauré par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gaston Defferre, également maire de Marseille à ce moment-là, dans une volonté de décentraliser les pouvoirs locaux.

"C'était la création des fameux arrondissements, avec chaque arrondissement qui envoie des conseillers municipaux pondérés par le nombre d'habitants par arrondissement", raconte Lionel Royer-Perreaut, député des Bouches-du-Rhône, au micro de BFM Marseille Provence.

Les 20, 16 et neuf arrondissements respectifs des villes de Paris, Marseille et Lyon deviennent alors des structures administratives aux élus locaux. Afin d'avoir une politique ciblée et la plus locale possible, le gouvernement a décidé l'élection de conseils d'arrondissements (ou de secteurs, qui regroupent plusieurs arrondissements comme à Marseille) au suffrage direct. C'est ensuite à eux d'élire le conseil municipal de la ville.

Si les mairies d'arrondissements ne sont pas des institutions de plein exercice, elles permettent à la mairie centrale de déléguer sa politique et, en théorie, de mieux représenter sa population. Les budgets attribués à chaque secteur sont ainsi répartis "en tenant compte des caractéristiques propres des arrondissements et, notamment, de la composition socio-professionnelle de leur population", note l'article 29 de la loi dit PLM.

"Une forme d'anachronisme"

Dans les faits, les réfractaires de la loi PLM, comme Lionel Royer-Perreaut, dénoncent aujourd'hui une loi bricolée, qui a permis au ministre qui la portait de pouvoir rester en poste en tant que maire.

"L'esprit est très simple, c'est d'essayer de réparer une forme d'anachronisme puisque la loi électorale PLM a été créée par Gaston Defferre et elle était taillée sur mesure pour lui permettre de conserver Marseille", insiste le député.

"Ça nous a conduit à des situations assez ubuesques, notamment en 1983: Jean-Claude Gaudin avait obtenu plus de voix que Gaston Defferre et pourtant c'est Gaston Defferre qui avait été élu."

Des anomalie électorales qui continuent encore aujourd'hui, souligne le député. "Aux dernières élections municipales, on a bien vu que le Printemps marseillais était arrivé nettement en tête, et pour autant il n'y a pas de majorité absolue qui s'était dégagée au sein du conseil municipal."

Mohamed Laqhila, aussi député des Bouches-du-Rhône, a lui-même déposé une proposition de loi demandant l'abrogation de la loi PLM en décembre 2023. Il estime que la loi est également obsolète. "On se demande pourquoi est-ce qu'on va élire le maire de Toulouse différemment de celui de Lyon", alors qu'il y a "30.000 habitants de différence".

Un "tripatouillage électoral" dénoncé à Paris

Le président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale et député de Paris Sylvain Maillard ainsi que le député de Paris Benjamin Haddad proposent ainsi de revenir à un suffrage direct: un électeur pour une voix. Une proposition qui n'est pas nouvelle et fait débat depuis déjà plusieurs années.

Les partisans du suffrage direct estiment que l'abrogation de la loi PLM permettrait une restaurer la confiance des électeurs dans les processus démocratiques et d'apporter, tout simplement, une équité dans le vote. Si ce principe-là est rarement retoqué, certains élus restent réfractaires à un changement.

La gauche parisienne dénonce notamment une stratégie politique de la majorité présidentielle afin de s'emparer de la capitale, gouvernée par la gauche depuis 2001. D'autant plus qu'Emmanuel Macron remet le débat sur la table juste après la nomination d'une figure de la droite parisienne, Rachida Dati, au ministère de la Culture, d'ores et déjà pressentie pour représenter le camp de la majorité présidentielle lors des élections municipales de 2026. La ministre a confirmé sa candidature ce mercredi 17 janvier.

Charles Mergey, premier secrétaire fédéral adjoint du Parti socialiste à Paris estime que le maillage électoral par arrondissement est "juste et adapté": "Changer ça, c'est évidemment du tripatouillage électoral."

Le nouveau rôle des conseils d'arrondissements, dans l'hypothèse où la proposition de loi est adoptée, sera donc étudié de près. Certains espèrent que cela sera l'occasion de leur donner plus de compétences de proximité.

La proposition de loi, qui devait arriver à l'Assemblée nationale fin 2023, sera soumise dans les trois prochains mois à la Chambre basse, l'objectif étant de la faire appliquer avant les prochaines élections municipales de 2026.

Juliette Moreau Alvarez