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Une pollution "grave et sérieuse": des taux anormalement élevés de perfluorés relevés au sud de Lyon

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Mise en lumière par une enquête journalistique, cette contamination pourrait concerner jusqu'à 200.000 personnes. Certaines substances chimiques émises par les industries sont cancérigènes, d'autres exposent à des problèmes hormonaux.

L'air, l'eau, les sols... autour de la commune de Pierre-Bénite, tous ces éléments concentrent des taux anormalement élevés de polluants invisibles, dits "éternels": les substances perfluoroalkylées (PFAS), plus connues sous le nom de perfluorés. Des traces ont également été repérées dans le lait maternel d'habitantes de la métropole de Lyon.

Selon une enquête réalisée par l'équipe de l'émission Vert de Rage, dont une première version sera diffusée jeudi sur France 2, deux usines de la vallée de la chimie sont impliquées dans ce qui apparaît comme un scandale écologique et sanitaire d'ampleur: la multinationale Arkema et Daikin.

"Contamination grave et sérieuse"

Mis en alerte sur l'existence de ce produit chimique par le film américain Dark Waters, ainsi que par des cas de contamination en Belgique ou aux Pays-Bas, Martin Boudot, journaliste d'investigation, s'est penché sur la question en France, appuyé par un scientifique hollandais, spécialiste des perfluorés, à qui il a soumis les résultats de ses prélèvements réalisés autour du Rhône.

Jacob de Boer "parle d'une contamination grave et sérieuse", révèle Martin Boudot, invité de BFM Lyon ce mardi soir. "Il y a dans l'eau du robinet de plus de 200.000 personnes de la région lyonnaise des taux de perfluorés qui dépassent les normes européennes."

Le journaliste abonde: "Il y a aussi une différence entre l'eau du Rhône en amont et l'eau du Rhône en aval du site de Pierre-Bénite. On est 36.000 fois au-dessus du taux de perfluorés entre l'aval et l'amont. Cela montre une contamination très précise, insiste-t-il. Dans l'air, on trouve quatre à huit fois plus de perfluorés que les valeurs de référence de l'ONU".

Des enfants exposés

L'intéressé s'arrête sur l'exemple d'un terrain de football foulé par des enfants, où des taux de perfluorés 86 fois supérieurs aux standards ont été identifiés. "Ce stade, il faut le fermer. Il faut faire quelque chose très vite. Il y a un danger imminent", alerte le scientifique hollandais ayant analysé les prélèvements.

Dans les chaussures de sport, dans les K-way, dans les panneaux photovoltaïques: les perfluorés, "on les trouve partout dans notre quotidien". Ils sont utilisés pour leurs propriétés imperméabilisantes, ignifuges, antiadhésives, rappelle Martin Boudot. Or "ils sont considérés, la plupart, comme toxiques".

"Ils attaquent le foie, le rein. Certains sont cancérigènes, d'autres ont des effets de perturbateurs hormonaux", énumère-t-il. Dans le cas de Pierre-Bénite, "il faut encore qu'on mesure les risques".

Considérant cette dangerosité, l'Union européenne a déjà décidé de placer des perfluorés sur une liste noire. Dès 2023, les pays membres pourront progressivement en interdire l'utilisation. En France, cette norme est encore loin d'être appliquée.

Sonnette d'alarme

C'est pourquoi Martin Boudot a tiré la sonnette d'alarme auprès du ministère de l'Environnement, l'enjoignant à agir.

"Ils ont diligenté tout de suite une enquête. Il y a déjà eu deux contrôles sur le site industriel de Pierre-Bénite, il y en aura d'autres à venir, certainement une enquête administrative", anticipe-t-il.

Le journaliste a également présenté son enquête ce mardi soir au cours d'une réunion publique. Par la voie d'un communiqué, la métropole de Lyon se dit "préoccupée". Bruno Bernard, président de la métropole lyonnaise, affirme que "la lutte contre le fléau sanitaire des pollutions industrielles doit avant tout passer par l'élargissement des normes et des réglementations nationales et européennes et un renforcement des contrôles que nous appelons de nos vœux de façon urgente".

"Les services de l’État prennent très au sérieux les risques liés aux rejets des industriels qu’ils contrôlent, et n'ont de cesse de les faire diminuer, a pour sa part mis en avant la préfecture du Rhône.

Les services de l'État prévoient à ce titre de "mettre en place très prochainement une surveillance approfondie des rejets de perfluorés. Sur la base de cette surveillance, dont les résultats pourront être comparés à ceux de l’étude présentée lors de la réunion publique de ce (mardi) soir, l’inspection des installations classées se rendra auprès de chaque exploitant et s’attachera à encadrer les rejets des substances concernées".

"Accélérer les choses"

Les syndicats des eaux du Rhône ont également été avertis. Selon Martin Boudot, ils sont "tombés des nues". "Dans quelque temps, ils vont devoir appliquer cette norme sur les perfluorés. Ils la dépassent aujourd'hui. Ils sont vent debout contre l'industrie et l'industriel qui est mis en cause dans cette enquête".

Et Martin Boudot de préciser: "Ils vous disent que ça va être des coûts supplémentaires. C'est-à-dire que c'est l'utilisateur qui au final va payer plus cher pour une pollution causée par des industriels. C'est un scandale économique".

Contactée par le journaliste d'investigation, Arkema soutient que les polluants détectés résultent d'"anciens procédés industriels" auxquels l'entreprise n'a plus recours. La multinationale prévoit de ne plus "du tout" utiliser de produits chimiques de ce genre "à l'horizon 2024.

Estimant que la France est "clairement en retard" sur la question des perfluorés, Martin Boudot espère que son enquête permettra "d'accélérer les choses" face à une menace si "diffuse".

Florian Bouhot Journaliste BFM Régions