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"On est vraiment au point de rupture": à Lyon, les magistrats à bout de souffle

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Le procureur et le président du tribunal judiciaire de Lyon alertent: "la justice n'est pas réparée". Ils dénoncent une justice prodiguée à la va-vite et demandent plus de moyens.

"On est vraiment au point de rupture." À Lyon, le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire alertent sur la situation de la justice. Alors que les magistrats tirent la sonnette d'alarme depuis des mois, la troisième juridiction nationale est à bout de souffle.

"Les juges rendent une décision toutes les trois minutes, chaque magistrat du parquet prend 80 décisions dans la journée quand ils sont en permanence" et sur les dossiers de violences intrafamiliales, les questions d'éloignement de l'auteur, de protection et d'orientation de la victime se décident "en dix minutes". "C'est déraisonnable", s'exclame le procureur de la République de Lyon Nicolas Jacquet.

Souffrances et délais

"Les magistrats n'ont pas le temps de nous entendre", explique Marie-Josèphe Laurent, bâtonnière au barreau de Lyon.

"C'est non seulement une source de grand désarroi, de souffrance pour les justiciables, mais c'est également une source de frustration et de manque de sens pour les magistrats", regrette-t-elle.

Les personnes confrontées au système judiciaire ont le sentiment d'être réduites au silence. Et les délais s'allongent. "On a l'obligation de prioriser donc on a priorisé cette année, les violences intrafamiliales, on a accompagné trois fois plus de victimes", explique Nicolas Jacquet sur le plateau de BFM Lyon mercredi soir.

Une justice "de qualité", mission "impossible"

Mais "la réalité, c'est que quand on se positionne et qu'on priorise, les autres dossiers prennent plus de temps", souligne-t-il. "Aujourd'hui au pénal, quand une affaire n'est pas priorisée, c'est dix mois quand on va devant un juge unique et 17 mois quand on va en collégial", regrette le magistrat.

"Ces délais ne sont plus acceptables pour nous", assène Nicolas Jacquet. "On est dans une forme de déni de justice", estime-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Lyon, Michael Janas, abonde: "nos missions exigent une justice de qualité", or "ça devient impossible".

Pour les deux hommes, une seule solution: plus de moyens. "On demande au ministère de renforcer nos effectifs et de nous donner plus de marge de manœuvre: plus de juges, plus de procureurs, plus de greffiers", énumère le président du Tribunal de Lyon, Michaël Janas.

"Le compte n'y est pas"

En France, le budget de la justice s'élève à 70 euros par habitant, contre 131 euros en Allemagne. Et les conséquences se font sentir. Secoué par la grève massive des magistrats et greffiers le 15 décembre dernier, l'exécutif met en avant son bilan et une hausse du budget de 8%.

Le tribunal de Lyon a bénéficié de 26 nouvelles personnes au greffe. "Heureusement qu'on a eu ces renforts-là, sinon on se serait déjà effondrés!", s'exclame Michael Janas sur le plateau de BFM Lyon.

40 postes sont toujours vacants au sein du tribunal de Lyon. "La justice n'est pas réparée", prévient le président du tribunal judiciaire. Et malgré le satisfecit du gouvernement, il l'assure: "le compte n'y est pas".

Diane Regny