"C'est de pire en pire": le collectif Jamais sans toit alerte sur la présence d'enfants à la rue à Lyon

En ce début du mois d'octobre, les températures sont loin d'avoir chuté dans la métropole de Lyon. Selon les prévisions de Météo-France, elle ne devraient pas fléchir avant la fin de la semaine.
Mais pour le collectif Jamais sans toit, le compte à rebours avant l'arrivée du froid est déjà enclenché. En prévision du changement de météo, l'association de lutte contre le sans-abrisme est parvenue à installer des familles à la rue dans des écoles de l'agglomération.
"En général, c'était plutôt au mois de novembre. Là, il y a déjà cinq établissements qui sont occupés à Lyon", alerte Raphaël Vulliez, porte-parole de Jamais sans toit, invité de BFM Lyon ce mardi 10 octobre à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre le sans-abrisme.
À Lyon, l'école Gilbert-Dru en fait partie, de même que l'école Mazenod et l'école Audrey-Hepburn, depuis lundi soir. Idem concernant le collège Maurice-Leroux, à Villeurbanne. "Ça fait déjà une trentaine d'enfants qui sont hébergés dans les écoles", comptabilise Raphaël Vulliez.
229 enfants sans domicile dans la métropole
Si les occupations d'écoles ont commencé si tôt, c'est parce que la demande va "crescendo", selon lui. "Au dernier décompte, c'était 229 enfants à la rue dans la métropole de Lyon, dont 21 bébés". S'ajoutent à ce triste bilan "une cinquantaine de femmes isolées et aussi quelques femmes enceintes", déplore Raphaël Vulliez.
"Si on compare par rapport à l'année précédente, c'est trois fois plus qu'à la même date", poursuit-il. "Sur la ville de Lyon, on est à 125 enfants à la rue. C'est à peu près quatre fois plus que l'an dernier."
Comment expliquer une dégradation de la situation? Raphaël Vulliez prend en considération "un tas de facteurs". "Il y a déjà l'effet rebond de la période Covid, où le mot d'ordre c'était rester chez vous. Et là, pour le coup, il y avait beaucoup de moyens qui étaient mis en œuvre pour loger tout le monde", développe l'intéressé.
Cette période a été suivie de "remises à la rue, contrairement aux années précédentes". Comme le rappelle Raphaël Vulliez, elle a aussi été marquée par des évacuations de campement, comme celui de la place de Milan. Le squat Pyramide, dans le 7e arrondissement de Lyon, fait quant à lui l'objet d'un sursis. Selon le décompte du porte-parole de Jamais sans toit, 250 personnes y sont entassées, "dont beaucoup de familles".
La "crise inflationniste" du moment n'arrange rien. Et "bientôt, il va y avoir les effets de la loi Kasbarian-Bergé, qui au lieu de s'attaquer à la pauvreté, criminalise les personnes en impayés de loyer et les squatteurs". Le texte a été adopté en deuxième lecture par le Sénat le 14 juin.
La promesse d'Olivier Klein
Il y a environ un an, le ministre du Logement d'alors, Olivier Klein, avait pourtant assuré qu'aucun enfant ne dormirait dans la rue l'hiver dernier. Or "juste avant Noël, il y avait 292 enfants qui dormaient dehors", rétorque Raphaël Vulliez. "Ce chiffre a très peu baissé."
La donne est similaire à l'échelle nationale. "À la veille de la rentrée scolaire, nous avons fait une conférence de presse au siège de la Fondation Abbé Pierre, avec l'Unicef, la FCPE et la Fédération des acteurs de solidarité. Ils ont un baromètre: les appels au 115. C'était 2000 enfants. C'est déjà 20% de plus que l'an passé et ce chiffre est encore en train de monter, puisqu'on est à plus de 2500, dont 692 bébés." "Rien ne change": tel est le constat que Jamais sans toit dresse aujourd'hui.
Début septembre, Élisabeth Borne a elle-même reconnu sur RTL une situation "très choquante", justifiant son maintien d'un parc d'hébergement d'une capacité de 203.000 places. "C'est évidemment une décision importante, mais ce ne sera pas suffisant", nuance Raphaël Vulliez. "Il faut créer des places d'urgence, contrairement à ce que dit madame la préfète."
Une préfète, Fabienne Buccio, à qui l'intéressé reproche le choix des mots, et notamment l'expression "fluidifier le système" pour lutter contre le sans-abrisme. "Elle parle quand même de personnes en chair et en os. Je trouve ça assez déshumanisant. Ce serait l'idée que c'est mal géré par les associations. Ce n'est pas le cas", insiste-t-il.
L'État attaqué en justice
Si Grégory Doucet s'est lui aussi engagé à offrir un toit à chaque enfant scolarisé à Lyon, c'est bel et bien à l'État que revient la compétence de l'hébergement d'urgence.
Le maire de Lyon estime que ce dernier a failli à cette mission. C'est pourquoi, aux côtés d'autres maires, il a annoncé dans Libération son intention d'entamer une procédure en justice visant à faire reconnaître des manquements.
"L'État est responsable", confirme Raphaël Vulliez. Pour autant, l'homme estime que ce dernier s'abritera derrière la jurisprudence, "qui consiste à dire que l'État a des obligations de moyens et pas de résultats", dans le cas d'un hypothétique procès.
Travailler en "bonne intelligence"
En attendant, les mairies, selon Raphaël Vulliez, pourraient s'investir davantage. Par exemple en mettant à disposition du "patrimoine municipal". Ce qu'ont d'ores et déjà fait différentes villes: "la ville de Rennes, c'est 950 places"; "la ville de Villeurbanne c'est 300".
Quant à la ville de Lyon, "on ne sait pas encore combien", répond le porte-parole de Jamais sans toit. "On a demandé une audience à monsieur Doucet. Il a encore musclé un petit peu son plan zéro enfant à la rue. Il peut aussi réquisitionner puisqu'il a des pouvoirs de police. Pour l'instant, il s'y est refusé."
Aujourd'hui, l'associatif estime que les pouvoirs publics ont tendance à "se reposer sur les citoyennes et les citoyens". Pas moins de 32 écoles ont été occupées dans le grand Lyon l'an passé.
"On a eu l'impression de faire office de dispositif officieux, avec 900 nuits de solidarité", résume-t-il. Et cela a un coût: "en termes financiers, au 4 mai, on s'était arrêté à 57.000 euros dépensés rien qu'en nuitées d'hôtel. Je pense qu'on est à 70.000 euros et c'est deux fois plus que l'année scolaire précédente".
Malgré le tableau noir qu'il dépeint, Raphaël Vulliez ne perd pas espoir. "Rien ne résiste au travail et il y a des pays comme l'Allemagne où il y a zéro enfant à la rue. Donc je pense que c'est tout à fait possible."
Cela requiert, selon lui, que les différents acteurs coopèrent "en bonne intelligence", en s'appuyant sur l'"expertise de terrain" des associations.