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"Je me suis dit 'c'est fini pour moi'": roué de coups après une soirée pendant son service universel, un adolescent témoigne

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Suspecté d'avoir "balancé ses tuteurs" après une soirée dans un bungalow où ils auraient consommé des stupéfiants, Timéo, 15 ans, a été roué de coups. Deux enquêtes ont été ouvertes.

Il se souvient de cette soirée et du moment où une encadrante a commencé à "rouler un joint" dans un bungalow plein à craquer de jeunes adolescents. Au mois d'avril dernier, Timéo, 15 ans, habitant de Bondy (Seine-Saint-Denis), participe à un Service national universel (SNU). Un séjour de deux semaines dans le Pas-de-Calais, à Sangatte, avec plusieurs centaines d'autres jeunes franciliens.

Lui, l'aspirant médecin militaire, pensait y trouver un cadre et une cohésion avec ses camarades. Mais le séjour s'est soldé par une soirée marquée par une consommation de stupéfiants et une violente agression pour le jeune homme. Bien loin de la promesse du gouvernement, qui a lancé le SNU en 2019, en vantant une expérience "commune basée sur l'engagement", "la fraternité" et "les valeurs de la République".

"Il y avait beaucoup de fumée"

Ce fameux séjour se déroule du 8 au 20 avril dernier. Les adolescents sont encadrés par des tuteurs. Les premiers jours semblent se dérouler sans accroc. "Tout se passait bien, malgré une organisation qui n'était pas bien faite, avec beaucoup d'incompréhension", expose le jeune garçon. Très vite, les adolescents "s'ennuient" et cherchent à sortir le soir.

Le 16 avril, le Service national universel prend une autre tournure. Plusieurs volontaires, dont Timéo, se réunissent dans le bungalow de certains tuteurs. À l'intérieur, les adolescents et leurs encadrants consomment des stupéfiants.

"Il y avait des produits stupéfiants qui ont circulé dans la pièce et des 'puffs'. Il y avait beaucoup de fumée", précise-t-il.

Dans le bungalow, le détecteur de fumée se met à retentir. C'est la panique. "Il y en a qui sont sortis sur la départementale, d'autres qui ont couru sur la plage", indique-t-il. Plusieurs jeunes se font "attraper" par le directeur et sont interrogés le lendemain par la brigade des mineurs. À la suite de ce passage au commissariat des adolescents, trois tuteurs sont "interpellés", se souvient Timéo. Rapidement, dans le camp, une rumeur circule: le jeune homme aurait "dénoncé les tuteurs".

Le jeune homme agressé par plusieurs individus

Le jeune homme est alors pris à partie. Un de ses camarades lui intime de sortir avec lui dans la cour. Là, il est attendu et agressé par trois personnes. "Il m'emmène proche du parking, il enlève sa capuche, sort ses poings et me dit: 'On va te niquer sale poucave'", se rappelle difficilement Timéo. "Je me suis dit: 'C'est fini pour moi'", ajoute-t-il.

Ils lui reprochent "d'avoir balancé" la soirée et, donc, d'avoir participé à l'évincement des encadrants. "Je me suis pris une première patate dans l'oreille, qui m'a sonné. Je ne voyais plus rien", ajoute le jeune homme.

S'ensuit un déchaînement de violence. "Une dans l'œil, dans l'autre oreille et dans le haut du crâne", précise Timéo. "Je touche mon oreille. Je vois du sang. Je me suis dit que j'avais un trauma crânien et je me suis évanoui", ajoute-t-il.

Les blessures de Timéo à l'oreille.
Les blessures de Timéo à l'oreille. © BFMTV

Il est emmené à l'hôpital. À ce moment-là et alors que l'adolescent doit également être entendu au commissariat, sa mère, Nathalie, n'est pas prévenue par la direction du séjour.

À l'hôpital, c'est lui-même qui décroche son téléphone et prévient sa mère. Elle prend la route et arrive le lendemain dans le Pas-de-Calais pour récupérer son fils. De la direction du SNU, la mère du jeune garçon n'obtient aucune explication quant à l'agression subie par Timéo.

Elle décide de porter plainte au commissariat de Calais. Blessé, Timéo est lui examiné par l'institut médico-judiciaire, qui lui prescrit cinq jours d'ITT.

Des tuteurs avec lesquels "on était potes"

D'après Timéo, qui évoque un séjour "sans cadre", les tuteurs sont vite devenus trop proches des adolescents. "On était potes avec eux, ils étaient limite inconscients avec nous. Ils étaient dans l'euphorie", précise-t-il à BFMTV.

Selon lui, l'une des tutrices avait "18 ans". D'autres étaient "proches de 20 ans", ajoute Timéo. Des jeunes encadrants, donc, qui devaient prendre en charge des adolescents entre 15 et 17 ans. "Il y en a une qui était proche d'un garçon, limite ambiguë", relate Timéo.

"Quand j'ai vu qu'on faisait que du sport, que ce n'était pas organisé, je me suis dit: 'Qu'est ce que je fous ici?'", admet l'adolescent.

Nathalie, la mère de Timéo, a dénoncé le séjour de son fils. Elle se dit inquiète. "Quand j'apprends que le SNU devrait devenir obligatoire pour tous les jeunes... On ne peut pas laisser nos enfants dans des structures où on les met en danger", regrette-t-elle au micro de BFMTV.

Les contrats des tuteurs rompus

Contacté, le ministère de l'Éducation confirme auprès de BFMTV que deux enquêtes, une judiciaire et une administrative, sont en cours. Les contrats des tuteurs ont par ailleurs été rompus. Le directeur, lui, a démissionné. Le ministère précise qu'un jeune a été exclu de ce séjour après un passage en conseil de discipline.

Après l'agression, le SNU s'est tout de même poursuivi avec l'envoi de huit encadrants supplémentaires et les parents ont été prévenus. Interrogé sur le recrutement des tuteurs, le ministère indique qu'un sujet de "professionnalisation" est sur la table pour renforcer "l'encadrement et la formation".

Le ministère de l'Éducation indique qu'il "n'y a pas plus de problèmes lors du SNU" que "lors d'autres types d'accueil jeunes" du même âge. En 2024, 28 exclusions ont été recensées: 17 pour des séjours hors temps scolaire, 11 pour des séjours sur temps scolaires.

Martin Regley Journaliste