Calais: les associations dénoncent un accueil des réfugiés inégalitaire, la mairie se défend
Dons de vêtements ou de denrées alimentaires, accueil temporaire... Les gestes de solidarité se multiplient ces derniers jours pour aider les réfugiés ukrainiens. Ces derniers, poussés à l'exode à cause de la guerre menée par la Russie dans leur pays, sont de plus en plus nombreux à rejoindre la France et notamment le Nord-Pas-de-Calais.
Car la région est une passerelle pour se rendre en Angleterre. Depuis le 28 février, 517 Ukrainiens ont tenté de se rendre au Royaume-Uni pour y rejoindre leur famille, selon un communiqué de la préfecture du Pas-de-Calais, publié ce dimanche. 250 d'entre eux, dépourvus de visas, ont été refoulés par les autorités britanniques.
"Cette situation n'est pas réaliste car elle contraint ces personnes, déjà épuisées par leur long et pénible voyage à se rendre à Paris ou Bruxelles, auprès des ambassades pour y effectuer leur démarche de visas", explique la préfecture.
Les associations montent au créneau
En attendant, les "recalés" ont été reccueillis par la ville de Calais au sein de l'auberge de jeunesse. Une prise en charge officielle de la mairie qui contraste avec l'accueil d'ordinaire réservé aux exilés. Les associations d'aide aux migrants regrettent que toutes les personnes qui fuient la guerre, n'ait pas le droit au même accueil.
"C'est des choses que les associations réclament depuis des années pour toutes les personnes étrangères sans papiers en France, qui demandent l'asile et à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés. On nous répond que c'est juridiquement impossible", confie à BFM Grand Littoral Marie Chappelle, coordinatrice Utopia 56 à Grande-Synthe.
Sur Twitter, l'association s'étonne de voir que des places ont été débloquées en quelques jours pour les Ukrainiens "alors que les associations demandent depuis des années un hébergement pour les personnes bloquées à la frontière". Une forme de deux poids, deux mesures qui prouve selon l'association que des moyens peuvent bien être mobilisés.
"Pour toutes ces personnes en exil, d'Ukraine ou d'ailleurs, d'Afghanistan, Érythrée, Soudan, dormant sur les trottoirs et campements de Calais, Grande-Synthe, Paris, Rennes... la situation ukrainienne le prouve: il est possible de décider d'accueillir dignement", estime Uopia56.
Les élus s'interrogent
Des accusations d'inégalité de traitement qui interrogent certains élus d'opposition. Jean-Philippe Lannoy, conseiller municipal de Calais, salue la subvention annoncée pour venir en aide aux Ukrainiens et l'ouverture de l'auberge de jeunesse. "Formidable! Mais que fait-on des Afghans, Érythréens et j'en passe qui sont déjà présents? On les laisse dans la boue?", s'interroge sur Twitter le co-animateur des Insoumis du Calaisis.
Pour Natacha Bouchart, ce qui distingue les Ukrainiens et les migrants déjà présents à Calais, c'est avant tout leur statut.
"Le statut des migrants qui sont à Calais ce sont des publics qui sont en situation irrégulière alors que le statut des Ukrainiens est un statut de personnes en situation régulière, qui demandent de façon régulière leur passage en Angleterre", annonce la maire LR.
Pour Natacha Bouchart, c'est au gouvernement britannique d'accepter ou non ces publics, "ce n'est pas au maire de Calais". "Les associations confondent le périmètre de compétence du maire de Calais et le périmètre de compétence du ministre de l'Intérieur", juge l'élue.
Le gouvernement critique la gestion du Royaume-Uni
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français a critiqué samedi une "réponse totalement inadaptée" du Royaume-Uni à l'égard des réfugiés ukrainiens bloqués à Calais et a demandé au pays d'assouplir les conditions d'octroi de visas aux réfugiés ukrainiens.
De son côté le gouvernement britannique a déclaré ce dimanche qu'il ne pouvait pas "simplement" ouvrir les portes du Royaume-Uni car sinon "nous n'avantagerons pas les personnes que nous devons avantager, les véritables réfugiés, mais je pense que nous minerons aussi le soutien populaire", a déclaré le ministre de la Justice, Dominic Raab, sur la BBC. "Nous devons veiller à agir pour ceux qui ont besoin de notre soutien", a-t-il ajouté.
Néanmoins le dialogue n'est pas rompu entre les deux pays. Une "sorte de consulat" anglais a ouvert la semaine dernière à Calais pour les ressortissants ukrainiens. "On a trois personnes de l'UK BF (agence responsable des opérations de contrôle frontalier dans les ports aériens, maritimes et ferroviaires du Royaume-Uni), qui sont arrivés ce week-end et qui sont en charge de traiter ces dossiers", explique Natacha Bouchart.