"Un dysfonctionnement global": une commission parlementaire épingle la protection de l'enfance dans le Nord

"Un dysfonctionnement global, une très grande souffrance et des situations d’urgence", a alerté ce mardi 8 avril, Isabelle Santiago, rapporteure (PS) de la commission d'enquête parlementaire sur l'aide sociale à l'enfance dans le Nord.
Les députés se sont particulièrement intéressés à ce département parce qu'il est celui qui accueille le plus d'enfants placés en France, environ 22.000.
Au cours des auditions, professionnels et élus ont décrit les difficultés rencontrées par le conseil départemental du Nord pour accueillir dignement et conformément à la loi ces mineurs particulièrement vulnérables.
Des placements non exécutés
La juge Cécile Mamelin, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats a déploré, par exemple, devant les députés un nombre important de décisions de justice non exécutées. "80 mesures étaient en attente d’exécution en avril 2024, dont 57 sur le pôle de Roubaix-Tourcoing", indique-t-elle.
Entendu par la commission, Christian Poiret, président du conseil départemental du Nord a admis que 190 mineurs étaient "non placés" faute de pouvoir fournir des solutions d'accueil.
"L’objectif est de placer plus vite les enfants plus jeunes, ce qui se fait au détriment bien sûr des plus grands qu’on ne peut pas placer. (...) Donc nous plaçons, comme je l’ai dit, surtout ceux qui ont moins de douze ans", a-t-il expliqué.
80.000 euros par enfant
Pour le président du conseil départemental, chaque enfant placé coût à la collectivité 80.000 euros. Christian Poiret dit ne pas avoir les ressources financières nécessaires pour dégager les 16 millions d'euros qui permettraient d'assurer un placement pour les 190 enfants sur le carreau.
"Le département du Nord consacre déjà 693 millions d’euros à la protection de l’enfance, ce qui est plus que le budget alloué au RSA, lequel s’élève à 620 millions pour 90.000 allocataires", a-t-il expliqué.
La commission d'enquête parlementaire a relevé, par ailleurs, des défaillances en matière d'accompagnement citant par exemple les 240 mineurs relevant des maisons de solidarité de Roubaix‑Tourcoing ne bénéficiant d’aucun suivi par un référent de l’aide sociale à l'enfance.
Des recrutements difficiles
Les travailleurs sociaux du département doivent gérer une trentaine à une quarantaine de dossiers individuels. Arnaud Buchon, directeur général adjoint à l'enfance du département du Nord indique que "dès qu’un service comptant dix travailleurs sociaux dépasse durablement les 300 enfants suivis, nous créons un poste supplémentaire".
Il reconnaît cependant des difficultés chroniques de recrutement dans certains secteurs, notamment à Roubaix-Tourcoing où les besoins sont criants.
Enfin, les modalités de placement erratiques de ces enfants et adolescents ont également été dénoncées. Par manque de solutions d'hébergement, de très jeunes mineurs se sont retrouvés à l'hôtel alors que la loi le prohibe. L'État avait déjà rappelé le département à l'ordre au printemps 2024.
Retour sur l'affaire de Châteauroux
L'affaire dite de Châteauroux avec de nombreux faits de maltraitance et travaux forcés sur des mineurs placés du Nord dans des familles d'accueil non agrémentées a été évoquée par la commission. Les dirigeants de l'association ont été condamnés tandis que le département n'était pas poursuivi.
"La collectivité a, depuis lors, centralisé le traitement des alertes pour assurer un meilleur regroupement des informations. Le département du Nord souhaite demander la mise en place d’un accès à un fichier national recensant la validité de l’agrément des lieux d’accueil sur l’ensemble du territoire français", a expliqué Christian Poiret face à la commission.
Une plainte a depuis été déposée contre le conseil départemental du Nord en décembre.
Un appel à la mobilisation est lancé par le collectif des 400.000, qui lutte pour la protection de l'enfance, à Lille, le 15 mai prochain.
Sur cette question du système de protection de l'enfance au plan national, les parlementaires exhortent les autorités à "agir vite" pour éviter davantage de drames. Pour mémoire, cette commission d'enquête de l'Assemblée nationale a été lancée au printemps 2024, quelques mois après le suicide de Lily, une adolescente de 15 ans placée dans un hôtel.