Municipales 2026 à Lille: après la démission de Martine Aubry, la guerre de succession est lancée

Arnaud Deslandes, assis à droite, lors de la conférence de presse donnée par Martine Aubry, Lille, le 6 mars 2025. - FRANCOIS LO PRESTI © 2019 AFP
La bataille pour la mairie de Lille en 2026 est déjà lancée et s'annonce ouverte: à quelques jours de la fin de l'ère Martine Aubry, la gauche est divisée. Le centre et la droite, de leur côté, rêvent de conquérir ce fief socialiste.
"Le temps est venu de passer la main à une nouvelle génération. Je le fais avec une très grande sérénité, même si le coeur est pincé", a déclaré jeudi la maire de Lille lors d'une conférence de presse très attendue. En poste depuis 24 ans, elle a affirmé partir "sans regret", fière d'avoir fait "grandir" Lille.
Un potentiel duel Vicot-Deslandes au PS
Transition écologique, rénovation des bâtiments publics, création d'espaces verts, culture... Au moment d'annoncer sa démission, Martine Aubry a mis en avant un bilan important et une action politique qui a permis "une transformation de la ville en profondeur".
Après des mois de suspense, l'ancienne ministre socialiste, qui démissionnera officiellement mi-mars, a désigné son premier adjoint Arnaud Deslandes pour lui succéder.
Agé de 42 ans, ce fidèle parmi les fidèles de Martine Aubry a fait toute sa carrière dans son ombre depuis 2005. Elle "est un maire d'exception", lui succéder impose "beaucoup d'humilité", a-t-il estimé jeudi.
Cette passation anticipée vise à donner de la visibilité à M. Deslandes et l'opportunité d'incarner le pouvoir avant les élections municipales de mars 2026, une stratégie classique.
Mais la gauche lilloise se présente en ordre dispersé. Au sein même du PS, Roger Vicot, député du Nord et ex-maire de Lomme, laboure déjà le terrain. En septembre 2023, il a été le premier socialiste à afficher son ambition pour le beffroi de Lille, "une démarche solitaire" qui a irrité Martine Aubry.
Le candidat socialiste pour 2026 sera désigné dans l'année par la section locale du PS.
"Nous soutiendrons Arnaud Deslandes", a affirmé la maire sortante.
"C'est une élection à haut risque, rien n'est joué. Le PS doit présenter une liste de gauche solide et unie", selon le politologue lillois Pierre Mathiot.
LFI et EELV croient en leurs chances
En 2020, Martine Aubry avait arraché son quatrième mandat de justesse avec seulement 227 voix d'avance sur l'écologiste Stéphane Baly, son ancien allié, mais loin devant la macroniste Violette Spillebout.
Cette fois encore, "il n'y aura pas d'accord à gauche" au premier tour, assure Stéphane Baly, qui a officialisé sa candidature pour EELV, rejetant des accords "sur un coin de table".
A 52 ans, cet enseignant en école d'ingénieur prône un "nouveau souffle" pour Lille et défend une "écologie municipale" qui, selon lui, a fait ses preuves depuis la vague verte de 2020, citant Lyon et Strasbourg comme exemple.
Parmi ses priorités: le projet d'aménagement de Saint-Sauveur, grande friche urbaine au coeur d'un bras de fer entre écologistes et socialistes. "Il faut tout reprendre à zéro", martèle-t-il.
Martine Aubry a souvent été critiquée pour ne pas avoir préparé sa succession. "C'est difficile affectivement, il faut tourner la page de l'engagement de toute une vie", confie une personnalité de la gauche lilloise.
Chez La France Insoumise, aucun candidat n'a été désigné pour l'heure, mais le mouvement se dit "optimiste", porté par ses bons scores à Lille aux élections nationales ces dernières années. Pour le député nordiste LFI Aurélien Le Coq, "la clé du scrutin sera la mobilisation de la jeunesse et des quartiers populaires".
Spillebout, Delemer ou Valet en embuscade
Face à cette gauche fragmentée, la droite et le centre espèrent peser. Déjà en campagne, Violette Spillebout, ex-proche de Martine Aubry, veut séduire un électorat lassé de la "baronnie socialiste". "Les deux derniers mandats ont été des mandats de trop, parce qu'on a vu un pouvoir qui s'est isolé, recroquevillé sur lui-même", dénonce-t-elle.
Les Républicains misent sur le discret Louis Delemer, trentenaire issu du conseil départemental, candidat du centre et de la droite. Il fustige une municipalité "sans idée, sans projet, sans vision" et met en avant la sécurité: "Il faut sortir des dogmes", plaide-t-il, préconisant l'armement de la police municipale et l'intensification de la vidéosurveillance.
Côté Rassemblement national, qui avait recueilli 6,85% à Lille en 2020, aucun candidat officiel n'a été encore désigné. Selon une source interne, l'eurodéputé Matthieu Valet est une "option".
Pour Pierre Mathiot, "si les socialistes devaient perdre Lille, ce serait probablement au profit d'une autre formation de gauche", écologistes en tête.
Mais avec au moins six listes attendues, le premier tour s'annonce très éclaté, sans qu'aucun candidat ne prenne une avance décisive. Une dispersion qui, quel que soit le vainqueur, pourrait compliquer "la gouvernabilité de la ville", prédit le politologue.