"Le pays va se battre jusqu'au bout": taxée à 125%, la Chine cherche ses stratégies de riposte

10% pour tous. Et douze fois plus pour la Chine. Considérée comme la "principale source des problèmes commerciaux des Etats-Unis" selon le secrétaire américain au trésor Scott Bessent, la Chine était ce jeudi matin le seul partenaire toujours visé par des droits de douane massifs, de 125%. Face à ce risque majeur pour son économie, très dépendante des exportations, la Chine montre les muscles. Et cherche à s’entourer.
Ce jeudi, même si la Chine appelait au compromis par la voix du porte-parole du ministère chinois du Commerce, elle rappelait également son intransigeance.
"Le pays va se battre jusqu'au bout", a résumé ce dernier lors d'une conférence de presse.
Et pour cause: les exportations chinoises vers les Etats-Unis s'élevaient à plus de 500 milliards l'année dernière, environ 16% du total des exportations du pays.
Escalade douanière entre la Chine et les Etats-Unis
Dans un premier temps, la Chine avait riposté aux premiers droits de douane américains par des droits de douane de 34% sur les produits américains. Ulcéré par cette riposte, le président américain avait annoncé une surtaxe, passant le taux applicable sur les produits chinois à 84%. En rétorsion, Pékin a annoncé des droits de douane équivalents sur les produits américains, soit une réplique œil pour œil, dent pout dent. Mais ce mercredi, le géant asiatique prend de plein fouet des droits de douane pharaoniques à hauteur de 125%.
Difficile de savoir à ce stade comment la Chine va concrètement répondre à cette nouvelle hausse.
"La Chine est généralement un Etat qui prend son temps, qui n'aime pas être brusqué. Là il ont répliqué de manière extrêmement brutale, comme si ils prenaient une décision non pas économique mais une réponse politique", relève Guillaume Lagane, maître de conférences à Sciences-Po sur le plateau de BFMTV.
La Chine peut notamment tirer parti de la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis de produits stratégiques chinois.
"La Chine exporte des produits stratégiques pour le tissu industriel américain, souligne Wilfrid Galand, directeur-général adjoint chez Montpensier Arbevel. Notamment ceux les plus en amont de la chaîne de valeur: terres et métaux rares. Un avantage stratégique d'autant que la Chine a une capacité de raffinage d'environ 100%, une activité très polluante dont personne ne veut. Il y a aussi l'exemple des batteries au lithium, des composants entrant dans la production de machines de précision, de la robotique, des biens de consommation, etc."
Dans une rare appréciation réaliste de la situation, le président américain a d'ailleurs déclaré mercredi: "il y aura un accord avec la Chine, il y aura un accord avec tous (les pays)". Comme en 2018 où quelques semaines après une escalade des tensions commerciales, les deux pays s'étaient retrouvé autour de la table des négociations?
D’une guerre commerciale à une guerre monétaire?
En attendant, en sous-main, la Chine répond aussi aux attaques avec les moyens à sa disposition: ses réserves en dollars. "La Chine a un pouvoir de nuisance très fort. Elle a vendu des obligations américaines en masse, ce qui a eu pour conséquence d’augmenter les taux américains", analyse Gaëtane Meslin, cheffe du service économie chez BFMTV.
Une analyse à laquelle souscrit Jean-François di Meglio, président d'Asia Centre, un think-tank spécialiste des relations internationales. "À chaque adjudication (vente de la dette américaine sur les marchés, ndlr), les Chinois sont là. Ils ont beaucoup de réserves en dollars et si ils ne viennent pas peuvent faire flamber les taux".
Selon lui, l'escalade dans la guerre commerciale "peut conduire à une guerre monétaire et à une montée en puissance du yuan dans la zone d'influence des Chinois".
La Chine se cherche des alliés
Par ailleurs, alors qu'elle est la principale visée, la Chine est soucieuse de ne pas apparaître isolée dans la guerre que lui mène Donald Trump. Ce jeudi, elle a alerté lors d'une conférence presse du grave impact de "l'imposition de droits de douanes indisciminés" sur "tous les partenaires commerciaux" menaçant de facto "la stabilité de l'ordre économique mondial". La Chine a également lancé mercredi 9 avril une procédure auprès de l'OMC pour dénoncer la coercition de l'administration Trump.
La Chine se cherche des alliés pour ne pas faire cavalier seul. Le géant asiatique a notamment annoncé reprendre les discussions avec Bruxelles. De l'autre côté du globe, si l'Australie a rejeté la main tendue de la diplomatie chinoise, refusant de faire "cause commune avec la Chine", il devrait en aller autrement des autres économies asiatiques, très dépendantes de la Chine.
"Xi Jinping va dans les prochaines semaines rendre visite au Vietnam, au Cambodge et à la Thailande pour s'assurer de la solidité de leurs liens", constate Wilfrid Galand.
"Ces pays sont l'arrière cour de la Chine et utilisent à plein les capitaux chinois, indique ce dernier. Le président chinois va leur intimer de ne pas céder sur leurs relations avec la Chine lors de leurs négociations avec les Etats-Unis." Un sujet délicat pour ces pays pour lesquels étaient initialement prévus des droits de douane très élevés.
La Chine a donc plus d'un atout dans sa manche. Principale victime des décisions américaines, elle pourrait bien les abattre sucessivement.