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L'Europe peut-elle se permettre un embargo sur le pétrole russe?

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Le patron de TotalEnergies s'est engagé à ne plus acheter de pétrole russe d'ici la fin de l'année tandis qu'un embargo européen pourrait être décidé en fin de semaine. Pourtant, la Russie reste le premier fournisseur de l'UE.

L'Union européenne va-t-elle imposer, sur le modèle des Etats-Unis, un embargo sur le pétrole russe? Les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 Etats-membres se réunissent jeudi et vendredi pour un Conseil Européen centré évidemment sur la question ukrainienne. Chose rare: le président américain Joe Biden sera en Europe.

Parmi les nouvelles sanctions possibles, un éventuel embargo, non pas sur le gaz russe, mais sur le pétrole russe. La question, un peu moins conflictuelle que la question gazière, reste néanmoins un sujet sensible pour l'Europe.

Selon Eurostat, la Russie reste le principal exportateur de pétrole en Europe avec environ le quart de la consommation européenne (25,5% en 2020). Dans les détails, certains pays sont plus exposés que d'autres: l'Allemagne et la Pologne totalisent à elles seules entre 20 et 40% des importations. Mais ce sont surtout les Pays-Bas les plus exposés: plus de 20% du pétrole russe est destiné à Amsterdam.

La part du gaz et du pétrole russe en Europe (colonnes de droite)
La part du gaz et du pétrole russe en Europe (colonnes de droite) © Eurostat

Sans surprise, les Etats-membres restent donc largement divisés sur la question d'un embargo sur le pétrole russe.

Pourtant, la situation n'est pas la même que pour le gaz. D'abord parce que la dépendance est moindre (l'Europe importe 40% de son gaz depuis la Russie), ensuite parce que les sources d'approvisionnement sont plus nombreuses.

Rédiriger le pétrole

Le gaz passe principalement par des gazoducs et dans une moindre mesure par des tankers, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Augmenter sensiblement les importations de GNL pose des problèmes techniques: non seulement il faut augmenter les transports mais il faut ensuite des installations en Europe pour regazifier le GNL.

Pour le pétrole, c'est un peu plus simple. Sur RTL ce mercredi, le patron de TotalEnergies a expliqué pourquoi il pouvait annoncer la fin de son approvisionnement en pétrole russe d'ici la fin de l'année. "Pour nous, la question était de savoir si nous pouvions le remplacer, ce pétrole russe" a-t-il souligné. Et c'est finalement en redirigeant vers l'Europe les hydrocarbures saoudiens destinés à l'Asie que le groupe français a trouvé la solution.

Flambée des prix

Contre coup évident d'un éventuel embargo, les prix du baril pourraient atteindre de nouveaux records alors que le brent flirte déjà avec les 120 dollars ce mercredi. Moscou assure d'ailleurs que le cours pourrait doubler à plus de 300 dollars…

"Il est absolument évident que sans les hydrocarbures russes, si des sanctions sont imposées, les marchés du gaz et du pétrole s'effondreront" a averti mercredi Alexandre Novak, vice-Premier ministre russe chargé de l'Energie.

Sur France Inter, le président de l'Assemblée nationale - et président du comité de campagne d'Emmanuel Macron - Richard Ferrand a tranché le débat: "Nous ne sommes pas prêts parce que ce n'est pas possible".

Alors quelles sont les alternatives au pétrole russe? Le Moyen-Orient bien sûr et notamment l'Arabie saoudite et les Emirats arabes Unis qui vont augmenter leur production d'ici 2030. Mais cela ne pourra pas compenser un embargo immédiat des hydrocarbures russes. Les pays-membres de l'Opep+ (dont la Russie) doivent se réunir le 31 mars prochain pour statuer sur la question. En attendant, un embargo européen serait forcément une grosse prise de risque...

Thomas Leroy Journaliste BFM Business