"Elle ne produit pas de vraies richesses": après deux ans à 4% de croissance, l'économie russe toute entière tournée vers la guerre commence à décliner

En dépit des coups de clairons réguliers du Kremlin, "l’économie russe est déclinante", selon Adina Revol, ancienne porte-parole de la Commission européenne en France, interrogée ce mardi 10 juin sur BFM Business.
"Elle dépend plus que jamais de l'effort de guerre et de ses entrées d'énergies fossiles. Une économie transformée en économie de guerre ne produit pas de vraies richesses. Les indicateurs sont dans le rouge", estime Adina Revol, également enseignante à Sciences Po.
Concrètement, l'inflation ralentit en Russie mais elle se situe à un niveau très élevé, à 9,8% sur un an en juin, selon la Banque centrale (BCR). Les prix des produits alimentaires ont particulièrement grimpé, en particulier des pommes de terre, un aliment de base dans le pays.
Les données de vente au détail indiquent que les prix des pommes de terre ont triplé dans les supermarchés par rapport à l'année dernière, atteignant un niveau historique de 85,4 roubles (1,05 dollar) par kilogramme en mai, selon le quotidien Kommersant cité par l’agence Reuters. Les importations, principalement en provenance d'Egypte, ne parviennent pas à compenser l'impact des pénuries causées par la mauvaise récolte de l'année dernière.
L'inflation est également alimentée par les pénuries de main d'oeuvre qui tirent à la hausse les salaires sans que les économistes ne constatent de hausse de la productivité.
Cette faiblesse ne devrait pas se résoudre à moyen terme alors que des centaines de milliers d'hommes ont été envoyés au front et qu'un million de personnes aurait fui le pays pour éviter la conscription selon certaines estimations.
Pénalisée par la baisse des prix du pétrole
En conséquence, les taux directeurs de la Banque centrale russe sont très élevés même si le taux de dépôt a été légèrement revu à la baisse la semaine dernière à 20% (contre 21% précedemment).
Cela reste le niveau le plus haut depuis deux décennies et la période ayant suivi la chute de l'URSS. Cela tend à freiner les perspectives de croissance alors que le PIB avait plutôt bien résisté jusqu'ici (+4,1% l'an passé et 3,6% en 2023). Ces taux d'emprunt extrêmement élevés sont un frein évident à l'investissement en Russie.
La croissance économique de la Russie était jusqu'ici alimentée par les dépenses liées à la guerre en Ukraine, qui dure depuis trois ans, et est considérée comme en surchauffe, avec ce taux d'inflation très élevé.
Les statistiques russes ne précisent pas si la production est destinée à des fins militaires, mais l'agence statistique a déclaré que la production de produits métalliques finis avait augmenté de 35% et la production d'optique et d'électronique de 29%.
Une manne qui s'assèche
Néanmoins, la surchauffe semble toucher à son terme. La croissance du PIB est tombée à 0,8% en glissement annuel en février, contre 3% en janvier, le chiffre le plus bas depuis mars 2023. Le ministère de l'Économie prévoit une croissance de 2,5% en 2025, contre une prévision de la banque centrale de 1 à 2%.
L'économie russe devrait de plus être pénalisée par la baisse des cours du pétrole (-18% sur un an, à 67 dollars le baril de Brent). Cette situation risque de peser sur l'équilibre budgétaire russe alors que les revenus des hydrocarbures représentent un tiers des recettes fiscales en Russie.
Jusqu'ici, le déficit était en partie couvert par le fonds souverain russe (RDIF). Or, cette manne semble "s'assécher puisque les réserves sont utilisées pour l'effort de guerre", comme l'a noté Adina Revol sur le plateau de BFM Business.
Les volumes d'actifs liquides de ce fonds ont chuté de 108 milliards d'euros début 2022 à 36 milliards de dollars début 2025, selon une dépêche de l'agence Reuters.