Apple, Nvidia, Tesla: les géants de la tech malmenés par les nouvelles taxes douanières de Trump

Les Sept magnifiques vacillent sous le poids des tensions commerciales - AFP
Après un premier trimestre difficile pour les géants de la tech américaine, malmenés par le séisme provoqué par la start-up chinoise Deepseek dans l’IA, et des doutes persistants sur leur capacité à maintenir leur avance technologique, les "Sept magnifiques" se retrouvent à nouveau sous pression après les annonces des nouvelles taxes douanières de Donald Trump.
Depuis le jeudi 3 avril, ces sept poids lourds de la tech, cotées, dont les performances ont été exceptionnelles ces dernières années, subissent une nette correction sur les marchés. Apple a vu son action reculer de près de 14%, Meta de 5,54%, Nvidia de 3%, Tesla de 2,21%, Amazon de 3%, Alphabet et Microsoft de près de 2%.
Rappelons que la valorisation des entreprises tech repose avant tout sur leur capacité à générer une croissance future alimentée par l’innovation, les investissements lourds en infrastructure et les déploiements internationaux.
Un "Everest à grimper"
Mais dans ce nouveau contexte, les plans de CapEx (Capital Expenditure), ces investissements dans les infrastructures et les services de tech, risquent d’être réduits. La demande est menacée, et l’incertitude freine les grands contrats, notamment dans l’IA et le cloud, deux piliers de croissance pour des groupes comme Microsoft, Nvidia, ou Amazon.
"Cette politique tarifaire provoque un climat de peur et d'incompréhension sans précédant en 25 ans, qui risque de faire reculer le secteur technologique américain d'une décennie", explique Daniel Ives, analyste chez Wedbush.
L’objectif de cette stratégie menée par Donald Trump est de forcer une relocalisation industrielle aux États-Unis, en rendant les importations asiatiques moins compétitives. Mais dans les faits, la main-d’œuvre y est plus coûteuse, la propriété intellectuelle est largement concentrée en Asie, et il faudrait, selon l’analyste, entre quatre et cinq ans pour bâtir des infrastructures viables sur le sol américain.
En clair, réorganiser une industrie entière dans l’urgence est une tâche titanesque, un "Everest à grimper", selon Ives. Ce qui est difficilement compatible avec les cycles courts d’innovation de la tech. L’administration Trump assume cette "douleur à court terme" au nom d’un redressement industriel national, mais le coût économique et stratégique, notamment en matière d’IA, pourrait, donc, se mesurer sur une décennie entière.
Tesla, Apple et Nvidia fortement touchés
Dépendante de la Chine pour l’assemblage de ses composants, Tesla risque de subir les conséquences des nouvelles taxes douanières imposées à l’Empire du milieu. Pourtant moins exposée que ses consurrents, Daniel Ives souligne que l’entreprise "tire une quantité considérable de ses pièces de Chine", ce qui risque d’alourdir ses coûts de production aux États-Unis.
Mais c’est surtout pour son image de marque peu flatteuse que le géant de l’automobile risque de voir son succès décliner en Chine et en Europe, la figure politique d’Elon Musk, bras droit de Donald Trump influençant négativement les consommateurs. Selon les estimations de Ives, Tesla aurait "détruit" au moins 10% de sa future clientèle à l’échelle mondiale, et plus de 20% en Europe.
Avec près de 90% de ses iPhones produits et assemblés en Chine, Apple est également très exposée aux taxes douanières. Résultat: en cas de taxation prolongée, le prix des appareils électroniques pourrait bondir de 40 à 50%, transformant un iPhone de 1.000 dollars en produit à 3.500 dollars, selon les estimations de Wedbush.
La demande, déjà fragilisée par des craintes de récession, pourrait s’effondrer. En bout de chaîne, cela affecterait à la fois les marges d’Apple et le volume de téléphones vendus, les consommateurs se tournant vers des modèles moins chers ou renouvelant moins fréquemment leurs appareils.
Autre victime potentielle des taxes douanière imposées par Trump: Nvidia, le géant des puces nécessaires à la construction des grands modèles d’IA (Intelligence Artificielle). Se fournissant auprès de TSMC pour concevoir ses processeurs graphiques (GPU), l’entreprise pourrait faire face à l’augmentation de 32% des droits de douane sur les importations taïwanaises.
Précisions que selon les documents fournis par la Maison Blanche, les semi-conducteurs ne figurent pas, pour l’instant, dans la liste des produits directement ciblés par les mesures tarifaires réciproques. Mais est-ce que les produits de Nvidia rentrent très précisément dans ces exemptions?
D’après The Verge, média spécialisé dans l’actualité technologique, "à Washington, pourtant, personne ne semble réellement savoir où en sont les choses". Le média précise que la formulation volontairement large de la déclaration d’urgence nationale signée par Donald Trump, ouvrirait la porte à des restrictions élargies, qui pourraient, à tout moment inclure des composants comme les processeurs graphiques.
L’Europe prête à "attaquer les services numériques"
Par ailleurs, les géants de la tech pourraient souffrir des mesures de riposte. Dans un climat commercial très tendu, l’Union européenne pourrait cibler les Gafam. Jeudi dernier, Paris et Berlin ont appelé à frapper les services numériques américains, en réponse aux mesures de Washington. Sophie Primas, porte-parole du gouvernement français, a affirmé que l’UE était "prête à la guerre commerciale", précisant que "les services numériques" étaient dans le viseur.
Après une première salve attendue mi-avril sur l’acier et l’aluminium, une deuxième vague de mesures, visant potentiellement les grandes plateformes numériques, serait en cours de négociation pour la fin du mois.
Pour les Sept magnifiques, déjà fragilisés par les tensions avec la Chine, une taxation européenne viendrait alourdir leurs coûts d’exploitation à l’international, ralentir leur développement dans un marché stratégique et accroître la pression réglementaire.
La Chine, grande gagnante de la guerre tarifaire?
Alors que Donald Trump risque de malmener l’avance technologique américaine, la Chine pourrait en sortir renforcée. Pour Pékin, la guerre commerciale pourrait offrir une opportunité de stimuler son industrie tech locale, en consolidant l’élan d’acteurs comme BYD, Huawei, Alibaba ou Tencent.
Pour Daniel Ives, "la Chine gagne" la guerre commerciale lancée par Donald Trump qui pourrait "anéantir un avenir radieux" pour la tech américaine.
Ce lundi, la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC) a rencontré plusieurs entreprises privées pour anticiper l’impact des taxes américaines. "Les entreprises sont confiantes pour surmonter les difficultés", a assuré son président Zheng Shanjie, promettant un soutien actif à l’innovation locale.
Résultat: dans cette guerre économique, ce sont peut-être les consommateurs chinois qui décideront de l’issue, en se tournant davantage vers BYD, Nio ou Xpeng, pendant que l’Occident cherche encore à redessiner ses chaînes de valeur.