"Une fiscalité mortifère": les aéroports français s'inquiètent des taxes après une année 2024 "contrastée"

C'est une situation paradoxale. Alors que le trafic aérien mondial a renoué voire dépassé l'an passé ses niveaux d'avant Covid, les aéroports français sont à la traîne.
Selon le bilan annuel de l'Union des aéroports français (UAF), 205,7 millions de passagers aériens ont transité par les aéroports l'année dernière en métropole et Outre-mer, soit une hausse de 3,6% sur un an (+7 millions de passagers commerciaux supplémentaires). Mais ce volume reste "en baisse de 4% par rapport à 2019".
"Ce n'est pas une bonne année, et c'est une année contrastée", a affirmé le président de l'UAF, Thomas Juin.
Évidemment, la situation montre des disparités. Les aéroports spécialisés dans les compagnies low cost comme Paris-Beauvais tirent leur épingle du jeu. La base française de Ryanair affiche 64,6% de passagers supplémentaires entre 2019 et 2024.
Marseille-Provence (+10%) et Paris-Orly (+4%) affichent également une croissance.
Fort recul des aéroports régionaux
En revanche, de grands aéroports régionaux comme Lyon-Saint Exupéry (-10,9% en cinq ans), Bordeaux (-14,4%), Lille-Lesquin (-18%) et Toulouse-Blagnac (-18,5%) évoluent nettement dans le rouge. "Un certain nombre d'aéroports ne se sont pas remis de la crise sanitaire", a résumé Thomas Juin.
Il faut dire que le trafic intérieur métropolitain s'est contracté de 24,8% depuis 2019 et ne donne pas de signe de reprise: il a encore reculé de 5% entre 2023 et 2024, notamment concurrencé par le train et le recul des voyages d'affaires.
Si 2024 apparaît donc comme "contrastée", 2025 ne s'ouvre pas sous les meilleurs augures, notamment à cause de l'entrée en vigueur de la hausse de la taxe sur les billets d'avion qui passe notamment à 7,4 euros contre 2,63 euros pour les vols intérieurs ou vers l'Europe.
Cette fiscalité est jugée "mortifère" par l'UAF car elle va "conduire les compagnies étrangères (notamment low cost) à arbitrer en faveur des pays qui adoptent une fiscalité plus attractive", souligne Thomas Juin.
D'autant plus que ces compagnies représentent désormais 44,1% du trafic total (+9 points) et plus de 70% du trafic total de 18 aéroports français et dépasse même 99% pour Paris-Beauvais, Carcassonne, Béziers et Nîmes.
Risque de décrochage
Ryanair avait ainsi menacé de réduire la voilure en France si la taxe était finalement adoptée. Ce jeudi, elle a annoncé la suppression au 29 mars de deux lignes qu'elle exploitait au départ d'un aéroport dans la Marne.
La disparition de ces deux lignes reliant l'aéroport de Vatry à Porto (Portugal) et Marrakech (Maroc) "aura des conséquences néfastes pour l'ensemble de notre territoire", a prévenu le département de la Marne dans un communiqué de presse.
Ces deux lignes représentaient 85% du trafic passagers de l'aéroport l'an dernier, soit 74.000 passagers sur 86.000, a précisé le département.
De son côté, Easyjet considère que la hausse du prix des billets d'avion va réduire la capacité de la classe moyenne à voyager.
Conclusion, on assiste à "un début de décrochage de la France par rapport aux pays concurrents en termes touristiques" comme l'Espagne, le Portugal et l'Italie, indique Thomas Juin.
Contrairement à la France qui a "fait le choix de la décroissance du transport aérien", ceux-ci misent "sur le transport aérien pour développer leur secteur touristique, pour développer leur économie" et affichent des croissances à deux chiffres de leur nombre de passagers aériens par rapport à 2019, a argumenté le patron de l'UAF.
Alors que le ministre chargé des Transports Philippe Tabarot s'est dit récemment "réservé" à l'idée d'inscrire dans la durée la hausse de la taxation du secteur, Thomas Juin a salué mercredi "une note d'espoir". "Mais on a tellement subi de charges ces dernières années que nous attendons des actes", a-t-il conclu.
L’UAF réclame que le projet de loi de finances 2026 "annule les hausses de fiscalité du transport aérien décidées".