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Tunnel sous la Manche: Virgin confirme ses ambitions pour concurrencer Eurostar mais la route sera encore longue

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La firme de Richard Branson estime que "la route est mûre pour le changement" et évalue actuellement l'offre de trains neufs. Mais l'entreprise est consciente qu'il faudra des années avant de pouvoir se lancer. Explications.

Plusieurs fois évoquée, la concurrence ferroviaire dans le Tunnel sous la Manche va-t-elle devenir une réalité?

Depuis toujours, seul Eurostar, filiale de la SNCF, fait circuler des passagers dans ses trains à grande vitesse entre Rotterdam, Bruxelles, Paris et Londres. Mais Getlink, le gestionnaire du tunnel, fait tout pour attirer de nouveaux acteurs notamment en modernisant certains éléments techniques du tunnel pour y faire passer plus de trains.

L'un d'entre eux pourrait être lancé par Sir Richard Branson, le créateur de la mythique marque Virgin. Après des premières rumeurs fin 2023, l'entreprise a confirmé ses ambitions suite à un article du Daily Telegraph.

"L’établissement d’un nouvel opérateur transmanche est une entreprise gigantesque, mais la route est mûre pour le changement", indique un porte-parole au quotidien.

"Nous pensons que Virgin est la marque idéale pour ouvrir une nouvelle ère dans les voyages transmanche, compte tenu de son expérience primée dans l’industrie ferroviaire et de son aptitude à bouleverser les secteurs d’activité", poursuit-il.

Un investissement dépassant le milliard d'euros

L'article du Telegraph évoque une perspective d'achat de 12 rames neuves pour 600 millions d'euros. Virgin évaluerait actuellement les propositions d'Alstom, Hitachi, Talgo et de Siemens. L'objectif serait de passer commande cette année. Le montant total de l'investissement pour Virgin dépasserait le milliard d'euros.

Ces informations n'ont pas été confirmées par la firme qui préfère temporiser. Elle indique au site spécialisé RailTech qu'elle ne s’engageait pas à lancer un service "tout de suite".

"Bien que Virgin ne s’engage pas encore à lancer un service, nous sommes ravis des progrès réalisés jusqu’à présent. Il est trop tôt pour confirmer d’autres détails sur le service à ce stade. Pour l’instant, notre objectif est d’introduire de la concurrence sur cette ligne, ce qui profitera à tous les passagers à long terme", explique-t-on.

Il faut dire que les contraintes sont très nombreuses. Les délais de livraison pour obtenir des trains à grande vitesse neufs sont déjà très longs, les carnets de commandes des industriels étant remplis comme jamais.

Mais les rames qui ont vocation à emprunter le Tunnel sous la Manche sont spécifiques, car elles doivent répondre à des nombreuses normes et obtenir des certificats de sécurité dédiés. Elles doivent également pouvoir circuler dans plusieurs pays à la fois, ce qui implique d'autres certificats. On est donc là sur de la fabrication sur mesure et sur des délais de certification bien plus longs que pour des TGV classiques.

L'article du Daily Telegraph évoque un lancement d'ici à 2029, ce qui paraît assez irréaliste.

Des contraintes spécifiques et nombreuses

Il faudra également régler le problème de la maintenance des rames: un seul dépôt situé à l'est de Londres est utilisé par Eurostar et il serait déjà fort occupé. Tout comme celui de l'organisation très complexe des contrôles de sécurité des passagers en gare alors que la place manque à Londres Saint Pancras et à la gare du Nord de Paris.

Rappelons qu'un autre acteur s'est également positionné.

Evolyn, ce consortium piloté par Mobico (ex-British National Express), un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire, a annoncé en 2023 avoir commandé à Alstom 12 trains à grande vitesse afin de lancer d'ici à 2026 un service commercial.

"Après trois ans de développement, l’accord d’acquisition des 12 trains, avec une option d'extension à 16, marque la concrétisation du projet, avec l’objectif de commencer à fonctionner en 2025", pouvait-on lire dans un communiqué.

Dans un communiqué publié 24 heures après l'annonce d'Evolyn, Alstom démentait néanmoins toute commande et même tout contrat.

"Alstom et Evolyn ont conclu un accord de courte durée pour démarrer un travail préparatoire d’ingénierie du système de train, avec l’objectif de poursuivre ce travail dans l’hypothèse où les deux entreprises signeraient un contrat pour l’achat et la livraison d'un certain nombre de trains, à condition qu'Evolyn soit en mesure d'assurer le financement du projet" pouvait-on lire.

Contacté ce mercredi, Alstom indique que le dossier n'a pas évolué depuis.

Depuis le lancement de la ligne en 1994, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de concurrencer Eurostar, dont la compagnie allemande Deutsche Bahn il y a dix ans, mais aucun de ces projets ne s'est concrétisé à ce jour. L'espagnol Renfe a également affiché des ambitions.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business