Tramways, trains: "alternative crédible à Alstom", comment l'espagnol CAF tire son épingle du jeu en France

Un tramway Urbos du constructeur espagnol CAF - CAF
L'espagnol CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) creuse tranquillement son sillon en France dans le marché des tramways citadins et des trains conventionnels. Et si Alstom reste l'acteur ultra-dominant sur le territoire, l'industriel devient clairement un challenger crédible.
En mars dernier, il a été choisi par la ville de Tours pour lui fournir 19 nouveaux tramways destinés à une nouvelle ligne. Auparavant, il a remporté des contrats majeurs à Montpellier (223 millions d'euros) et Marseille (57 millions) pour la fourniture de tramways. Sans oublier le contrat pour la rénovation des trains du RER A (2020) et les nouveaux trains du RER B (avec Alstom).
L'entreprise a également été choisie par SNCF Voyageurs pour les nouveaux trains Intercités Paris-Toulouse, Paris-Clermont Ferrand (700 millions d'euros) et Bordeaux-Marseille (650 millions) baptisés Oxygène.
Le groupe s'appuie notamment sur son usine de Bagnères de Bigorre (Hautes-Pyrénées) où le nombre de salariés est passé de 90 à 223 et où il a investi 10 millions d'euros depuis sa reprise en 2008.
10 millions d'euros investis dans l'usine de Bagnères de Bigorre
"C'est le résultat d'une grande persévérance", résume Alain Picard, directeur général de CAF France. "Nous sommes à l'écoute des clients, grâce à une vraie proximité avec les municipalités, on s'adapte à leurs demandes, nos trams sont beaux, aux bons coûts et ils arrivent à temps", poursuit le responsable.
Le groupe met en avant la forte personnalisation du matériel "à moindre coût" et une approche technologique qui s'appuie sur du matériel alimenté par des batteries fruit de "15 ans d'expérience".
Si la ville le souhaite, le constructeur a dans son catalogue des tramways qui ne nécessitent pas l'installation de caténaires, ces poteaux qui soutiennent un câble électrique qui alimente le tramway.
Pour CAF, cette approche est la plus pertinente pour les grandes villes congestionnées, et le groupe estime même "qu'il n'y pas d'avenir pour les infrastructures avec caténaires", relevant qu'"Alstom est un peu en retard sur nous" dans ce domaine.
Si les contrats dans les tramways s'enchaînent, CAF est conscient que ce marché est "très saisonnier". "En réalité, les décisions sont liées aux élections municipales, là on entre dans une phase plus calme", précise Laurent Caseau, directeur commercial.
"Mais cela reste un marché dynamique, notamment avec les contrats de renouvellement du matériel déployé dans les années 1990/2000 comme à Lille, Dijon, Caen, Lyon... à partir de 2026 après les élections municipales", poursuit le responsable qui rappelle que la durée de vie moyenne d'un tramway est de 30 ans.
Croisade
D'où la volonté de CAF de se positionner sur les appels d'offres ferroviaires. Si l'industriel ne fabrique pas de trains à grande vitesse, il mise sur l'appétence des régions pour de nouvelles rames régionales (TER) et sur les appels d'offres de l'Etat pour des rames conventionnelles Intercités de jour et de nuit.
"On va répondre à tous les appels d'offres", souligne Alain Picard. CAF a dans son catalogue les rames Oxygène et entend les faire connaître tout comme ses trains régionaux à un ou deux niveaux, notamment pour les futurs services express régionaux et les ouvertures à la concurrence.
"Notre croisade, c'est de dire qu'une offre alternative est là. On a la capacité à faire sur ces marchés où le ticket d'entrée est assez faible", poursuit-il même si CAF est comme Alstom victime de retards de livraison, notamment concernant les rames du RER B et les trains Oxygène.
"Ça va dépoter"
Pour autant, il ne pourra pas jouer sur tous les tableaux. Le constructeur ne sait pas encore s'il répondra à l'appel d'offres de l'Etat pour des nouvelles voitures couchettes pour les trains de nuit.
"Cela va dépendre des conditions, notamment s'il y a trop de voitures différentes à produire. On ne peut pas faire de petites séries. Donc on va voir, peut-être...", explique Laurent Caseau qui confirme ici la frilosité des industriels face à ce marché et donc la pénurie de matériel .
"Et on ne sera pas sur la grande vitesse, la place est prise, c'est hors de portée", tranche le directeur général.
Ainsi, si CAF se pose en "alternative crédible" à Alstom, il n'a pas pour objectif de le détrôner.
"C'est illusoire de penser qu'on pourrait les doubler, mais tous ces contrats gagnés prouvent qu'on est dans le game", souligne Alain Picard. "Aujourd'hui, on monte en cadence, donc on est à un tramway à peu près par mois. On va passer, à la rentrée, à trois, quatre tramways par mois. Et là, ça va dépoter".