Arrivée de la Renfe en France: pourquoi lancer une offre concurrente au TGV reste compliqué

Un nouveau concurrent de la SNCF au départ. Ce jeudi 13 juillet, l'opérateur espagnol Renfe fait rouler ses premiers trains à grande vitesse (les AVE pour Alta Velocidad Española) entre Lyon et Barcelone puis entre Marseille et Madrid avant, si tout se passe bien, d'attaquer la liaison Paris-Lyon.
C'est donc le deuxième concurrent direct de la SNCF au niveau national après l'italien Trenitalia qui opère depuis 2021 l'axe Paris-Lyon-Milan avec ses fameuses Flèches rouges.
C'est une bonne nouvelle pour le consommateur car la concurrence entraîne mécaniquement une baisse des prix (on l'a observée sur Paris-Lyon) et une bonne nouvelle pour l'environnement puisque plus il y a d'offre, plus les gens prennent le train.
Concurrence timide
Pourtant, c'est une concurrence encore timide alors que le marché est ouvert depuis fin 2020. La complexité d'accès, la réglementation et les coûts d'exploitation ont tendance à refroidir les acteurs du rail européens.
L'arrivée de la Renfe a d'ailleurs été longue et difficile. L'opérateur, qui est l'équivalent de la SNCF en Espagne, aura mis presque deux ans à boucler son projet après avoir souvent lutté contre la compagnie française et l'administration.
Car une chose est claire: de nombreux freins découragent les nouveaux entrants, des freins qui protègent la SNCF. Un constat fait par le régulateur des transports, l'ART.
L'homologation du matériel roulant constitue pour un nouvel entrant qui possède déjà ses trains à grande vitesse, à l'image de Trenitalia ou de la Renfe, une première épreuve de taille.
Il faut donc adapter techniquement les rames. En 2021, l'agrément que la Renfe a déposé auprès de la SNCF a ainsi été retoqué en raison "d'interférences électromagnétiques" que provoqueraient ses rames, pourtant conçues sur le même modèle que le TGV, sur le rail français. De quoi retarder son projet de plus d'un an.
L'affaire a même tourné à la crise diplomatique entre Paris et Madrid. Selon Mediapart, la ministre des transports espagnole de l'époque s'est fendue de deux courriers, l'un à Jean-Baptiste Djebbari, alors ministre français des Transports, le second à la Commissaire européenne au transport, Adina Vălean, où elle déplore "le manque de visibilité" du processus d’autorisation.
Les péages parmi les plus chers d'Europe
Toujours sur le volet technique, chaque nouvel opérateur doit équiper ses trains du boîtier de contrôle de vitesse KVB, une pièce essentielle dans le cadre de la sécurité ferroviaire. Manque de chance, Alstom ne le fabrique plus et le stock est détenu... par la SNCF qui les loue au prix fort.
Il faut ensuite réserver ses droits de passage (les fameux "sillons", dans le langage technique de la SNCF), ce qui n'est pas une mince affaire.
Mais la plus grande difficulté, celle qui est dénoncée à la fois par le régulateur français et les acteurs étrangers, c'est le coût d'accès, les péages que tout opérateur doit payer à SNCF Réseau, filiale à 100% de la SNCF pour exploiter une LGV (ligne à grande vitesse). Ils font partie des plus chers d'Europe, notamment sur Paris-Lyon.
Ces redevances représentent près de 90% des revenus de SNCF Réseau, contre 50% en moyenne chez les autres gestionnaires d'infrastructure européens.
Si Trenitalia a entraîné les prix à la baisse, c'est en partie grâce à un rabais obtenu sur ces péages, ce qu'on appelle un "tarif différencié". L'italien a obtenu ce tarif pour deux années et négocie actuellement afin de le prolonger encore un an. Mais une chose est sûre, à partir de la 4e année d'exploitation, Trenitalia devra payer le prix fort.
Des augmentations de coûts à venir
Mais pour la Renfe, pas de rabais, car l'espagnol ne crée pas un nouveau service mais reprend en fait celui qu'il proposait conjointement avec la SNCF. L'opérateur pourra-t-il alors maintenir ses tarifs agressifs? Rien n'est moins sûr.
Ces conditions refroidissent les opérateurs européens tentés d'attaquer le marché français. D'autant plus que SNCF Réseau va appliquer une hausse généralisée de 7% sur les péages l'an prochain qui touchera tous les opérateurs. "Une hausse indispensable pour financer les opérations de maintenance", justifie la filiale de la SNCF. Sans oublier la hausse possible du prix de l'électricité.
Et si les plus grands d'Europe hésitent à cause de ces difficultés, que dire des acteurs locaux de petites tailles qui envisagent de se frotter à la SNCF. Les projets en cours sont tous retardés les uns après les autres, à cause de ces écueils mais aussi parce que les projets ont du mal à être financés et que le matériel roulant est une ressource difficile à obtenir.