750% d'augmentation de la facture électrique: Trenitalia serre les dents, le fret craint de sombrer
Le couperet est tombé. SNCF Réseau a confirmé une hausse très importante du prix de l'énergie facturé à ses clients, à savoir les opérateurs ferroviaires. C'est du jamais-vu puisque ces tarifs vont passer de 56 euros en 2021 à 473,5 euros du mégawattheure cette année, soit un bond de 745%. De quoi complètement bouleverser le modèle économique de ces acteurs.
Pour ces derniers, c'est l'heure des arbitrages. Pour SNCF Voyageurs (l'entité qui fait rouler les trains), grâce à une bonne couverture en électricité (avec des achats anticipés), la facture énergétique bondit de "seulement" 13%.
L'opérateur a choisi d'augmenter ses prix mais de manière modérée: +5% en moyenne depuis le début de l'année, et va durcir le 7 février les conditions d'échange et de remboursement des billets.
Trenitalia: le choix de rogner sur les marges
Chez Trenitalia, présent sur le marché de la grande vitesse en France depuis maintenant deux ans entre Paris, Lyon et Milan, pas question au contraire d'augmenter les prix alors que la compagnie cherche à gagner des parts de marché et remplir ses trains. L'opérateur italien serre les dents et va donc rogner sur ses marges.
"Effectivement, la crise énergétique est un point délicat qui concerne tout le secteur ferroviaire. On espère qu’il y aura des aides qui permettront de soulager tout le secteur ferroviaire impacté par cette crise énergétique" commente le président de Trenitalia France, Roberto Rinaudo, qui était l'invité de BFM Business ce jeudi 2 février.
"Nous avons décidé de garder les mêmes prix parce que notre objectif est de remplir nos trains, de contribuer à améliorer le système de mobilité, à garantir une croissance du marché ferroviaire qui pour nous est primordiale. Donc nous avons fait le choix de garder exactement les mêmes prix" poursuit le dirigeant.
Reste à savoir si le modèle tiendra avec des tarifs très agressifs, une flambée de ses coûts, des péages (pour avoir le droit de rouler sur les rails français) jugés onéreux et un remplissage à améliorer.
En décembre dernier, Trenitalia concédait un taux d'occupation sur le tronçon Paris-Lyon de seulement 50% tandis que la clientèle affaire, cruciale, n'est pas encore totalement au rendez-vous (20% du total des voyageurs, 20% des clients voyageant aussi à la fois pour les loisirs et pour le travail).
"Insoutenable" pour le fret
Comme à la SNCF, la quête d'économies sera la règle avec par exemple l'éco-conduite des trains (profiter des pentes sur le parcours mais il faudra former les conducteurs), ou encore l'éco-stationnement (couper le courant à quai).
Du côté des acteurs du transport ferré de marchandises (fret) c'est un peu la panique. Le secteur, déjà très fragile, ne voit pas bien comment il pourrait supporter sans aides une telle hausse de la facture d'électricité (qui passe pour ces opérateurs de 112 à 473 euros le mégawattheure).
L'Alliance 4F qui réunit tous les acteurs de la filière en France estime que les entreprises "ne disposent d’aucune visibilité sur les aides qu’elles demandent pour faire face à l’explosion des prix de l’électricité dont le caractère insoutenable met en péril la poursuite de leur activité - surtout pour les plus petites d’entre elles".
Et de prévenir: "la question de la continuité de l’activité se pose pour plusieurs des entreprises du secteur. Sans réponse adaptée, la dynamique enregistrée entre 2020 et 2021 du report modal sera gravement remise en cause".
Un plafonnement à 180 euros le mégawattheure
Le lobby dénonce surtout le silence du gouvernement alors que le fret ferroviaire est au coeur de la transition écologique dans le transport de marchandises. Le secteur a deux demandes: un plafonnement du prix de l’électricité à hauteur de 180 euros par mégawattheure et l’aménagement du dispositif existant d’aide aux péages afin que l’Etat prenne à sa charge l’intégralité des péages de fret facturés par SNCF Réseau aux opérateurs.
Le danger mis en avant par la filière ne concerne pas que les acteurs ferroviaires puisque c'est toute la chaîne logistique qui est touchée par effet domino, "y compris les transporteurs routiers utilisateurs du transport combiné rail-route, qui risquent de subir une hausse de coût allant de 15 à 20%".
"La route n’ayant pas la capacité d’absorber l’ensemble du volume de marchandises circulant sur le rail, toute la chaîne logistique d’approvisionnement française est donc affectée par cette hausse des coûts du transport ferroviaire de marchandises" poursuit 4F qui parle de situation potentiellement "dramatique".
"C’est un pilier de la transition énergétique de notre pays qui est directement et gravement menacé (…) tout l’équilibre économique du ferroviaire est fragilisé alors que le secteur routier est massivement aidé. C’est absurde!", se désole Alexandre Gallo, président de l’Afra, l’Association française du rail cité par La Vie du Rail.
Rappelons que la loi Climat du 22 août 2021 prévoit le doublement de la part modale du fret ferroviaire pour atteindre 18% en 2030. Elle était en 2021 de 10,7%.