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TOUT COMPRENDRE - Ces entreprises qui se livrent une guerre des étoiles pour créer un Internet spatial

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Après l'ADSL, la fibre optique et la 5G dont les réseaux transitent par des câbles terrestres ou maritimes, l'Internet de demain arrivera de l'espace grâce à des satellites. Explications.

L'Internet du futur est en phase de décollage. Plutôt que dérouler des millions de kilomètres de cables sous terre ou au fond des océans, l'accès au réseau se fera en envoyant des fusées dans l'espace chargées de dizaines de satellites.

Cet Internet spatial a pour but d'offrir des meilleures connexions que celles de la 5G ou de la fibre optique, mais aussi de combler les zones blanches, ces endroits privés d'Internet, sur l'ensemble du globe. Ce défi a été relevé par quelques géants de la tech, Elon Musk, Jeff Bezos ou Richard Branson avec l'appui de géants mondiaux de l'industrie spatiale.

Actuellement, cette technologie est balbutiante. Seulement 43 millions de personnes sont connectées par satellites soit 1% de la population connectée. Mais dans quelques années, ils seront des milliards.

• L'Internet spatial, qu'est-ce que c'est?

L'Internet spatial, c'est de l'Internet, à ceci près que les données transitent depuis des petits satellites en orbite basse. Jusque-là, le trafic se fait avec un réseau de câbles des câbles terrestre ou sous-marins. Il y en a plus d'un million de kilomètres qui assure 95% du trafic mondial.

Le déploiement de ce réseau est à la fois coûteux et complexe. D'ailleurs, la planète est truffée de zones blanches qui privent des populations entières d'accès au réseau. Dans ces endroits, même en France, il n'y a et n'y aura jamais ni fibre, ni 5G.

Avec le spatial, plus de câbles à déployer en traversant les mers et les territoires difficiles d'accès. Ils sont remplacés par des constellations composées de dizaines de milliers de petits satellites en orbite basse, soit 2000 kilomètres maximum de la surface de la terre pour réduire la latence, soit le temps que mettra une donnée pour faire un aller-retour entre la Terre et l'espace.

Par contre, la qualité du réseau "spatial" dépend des conditions météorologiques. La pluie, la neige ou un ciel très nuageux aura des incidences sur le débit, contrairement aux réseaux par câbles. Mais aussi, les satellites sont soumis aux orages magnétiques produits par des éruptions solaires. En février, une quarantaine de satellites ont ainsi été touchés et se sont désintégrés en entrant dans l'atmosphère.

• Quels sont les enjeux?

Les enjeux de l'Internet spatial sont à la fois altruistes en proposant de donner un meilleur accès à Internet sur la totalité de la planète pour développer la communication, l'économie (commerces, services, finance), la télésanté, l'accès à l'information, les divertissements... Qui détient le réseau détient le pouvoir et les opérateurs Internet spatial se positionnent en concurrence directe aux opérateurs télécoms actuels.

Mais il faudra attendre encore longtemps pour offrir un tarif aussi bas que celui que nous avons actuellement. Actuellement, un abonnement satellite coûte autour d'une centaine d'euros par mois avec en plus l'achat d'un système de réception (parabole, routeur et modem) autour de 500 euros.

Il faudra aussi installer que les opérateurs installent des stations au sol équipées de paraboles et d'antennes pour récupérer le débit venu de l'espace et le redistribuer vers les abonnés. Un détail? Pas en France, deux communes, Gravelines (Nord) et Saint-Senier-de-Beuvron (Manche) choisit pour leur emplacement se sont déjà opposées aux installations de Starlink, la société d'Elon Musk, malgré les autorisations de l'Arcep, le gendarme des télécoms.

Autre évènement franco-français, Starlink a perdu ses autorisations de fréquences hertziennes après les avoir obtenues par l'Arcep. Suite à un recours gagnant d'associations environnementales (Priartem et Agir), le Conseil d'État a cassé le le 5 avril la décision de l'Arcep du 9 février 2021, d'octroyer deux bandes de fréquence pour relier les satellites aux utilisateurs finaux français. Le revirement a très mal été accueillis par des résidents en zone blanche ou presque.

OneWeb

OneWeb est l'opérateur historique de l'Internet spatial. Cette société britannique a été créée en 2014 par deux milliardaires: Greg Wyler, fondateur d'OB3 et Richard Branson, fondateur de Virgin Galactic. Aujourd'hui, l'entreprise a pour dirigeant Neil Masterson. Son projet est le plus avancé. La constellation déjà en orbite compte déjà 428 satellites, soit 66 % de la flotte totale prévue de 648 satellites. OneWeb pense pouvoir atteindre 400 Mbps, avec une latence de moins de 40 ms.

Parmi ses partenaires, Airbus Space and Defence qui construit les satellites avec des technologies de Thales Alenia Space et Arianespace qui les lance. Parmi ses investisseurs, on trouve Eutelsat, Coca-Cola, Qualcomm, Virgin group ou encore le japonais Softbank. Avec la guerre en Ukraine et les lancements ont été suspendus depuis Baïkonour. OneWeb a passé un accord avec SpaceX pour les prochains lancements.

Starlink

Lancé dès 2015, Starlink est le projet d'Elon Musk, patron de Tesla et de SpaceX qui gère le lancement de ses satellites. Son ambition est de connecter toute la planète avec une constellation de 42.000 satellites placés en orbite basse d'ici 2027. Les lancements s'effectuent petit à petit par grappes de 60.

Avec le réseau Starlink, la bande passante est en moyenne de 150 Mbps descendants. Elon Musk promet que sera multiplié par deux au fur et à mesure de l'envoi de satellites.

A ce jour, 26 lancements ont été effectués soit 1 500 satellites déployés à 550 kilomètres d'altitude. En France, Starlink est disponible depuis mai 2021, mais seulement en version beta. Mais le service fonctionne et plutôt bien. Il a été déployé en urgence en Ukraine avec une cyberattaque de la Russie sur le satellite de télécommunication qui desservait une partie de l'Europe.

Kuiper

Kuiper est le projet de Jeff Bezos, fondateur d'Amazon et de BlueOrigin, sa division spatiale. Il prévoit d'effectuer 83 lancements sur cinq ans pour déployer une constellation de 3236 satellites à 600 km d'altitude.

Ces lancements seront réalisés par trois sociétés de lancements spatiaux dont Arianespace sur Ariane 6 pour 18 d'entre eux. Les deux autres sont Blue Origin et United Launch Alliance (ULA) qui effectuera 38 lancements.

L'Union européenne

Dernier enjeu et pas des moindres, la souveraineté européenne. Face à l'accélération fulgurante des entreprises anglo-saxonnes, l'Union européenne a réagi. En février, un nouveau règlement sur la connectivité sécurisée et la gestion du trafic spatial a été adopté pour sécuriser le réseau Internet de l'UE et ses communications via le lancement d'une constellation de satellites à partir de 2024.

Josep Borrel explique que l'Europe veut ainsi se “donner les capacités de réagir de manière autonome aux menaces” et de maintenir le réseau européen en cas “de crash des infrastructures terrestres”, qu'il s'agisse d'une cyberattaque ou d'une coupure des réseaux sous-marins. L'Internet spatial européen coûtera environ 6 milliards d'euros financés à un tiers par la Commission européenne, un tiers par le secteur privé et un tiers par les états membres de l'UE.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco