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Défense: les industriels de l'armement terrestre, naval, aérien et spatial tirent le signal d'alarme

Une trentaine de jihadistes ont été tués au Mali par l'armée française

Une trentaine de jihadistes ont été tués au Mali par l'armée française - -

Marc Darmon (Thales), Pierre-Éric Pommellet (Naval Group) et Éric Trappier (Dassault aviation) ont été auditionnés à l'Assemblée nationale sur les conséquences du conflit en Ukraine sur l'industrie française. Ils tirent la sonette d'alarme.

Préparer la guerre en temps de paix est une chose. Y faire face en temps de guerre met en lumière les déficiences, non pas des armées, mais de l'industrie de la défense qui doit répondre à très court terme aux besoins militaires.

Mercredi 30 mars, les réprésentants des industries terrestre (Gicat), navale (Gican) et aérienne (Gifas) ont été auditionnés par la Commission défense de l'Assemblée nationale (vidéo de l'audition ici). Ces trois groupements industriels sont respectivement présidés par Marc Darmon, directeur adjoint de Thales, Pierre Éric Pommellet, PDG de Naval Group et Éric Trappier, PDG de Dassault aviation et également président du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF).

"Il faut réagir vite et très vite"

Au cœur de cette audition qui a duré deux heures, la question était de savoir si l'industrie est en mesure de fournir l'armement nécessaire aux armées françaises et répondre à la demande étrangère depuis la crise ukrainienne. En d'autres mots, l'invasion de l'Ukraine par la Russie va-t-elle profiter à ces industries ou mettre en lumière des vulnérabilités?

"On assiste à la fin de ce qu'on appelait les dividendes de la paix. C'est bien fini, la menace est à la porte de nos frontières, il faut réagir vite et très vite", a lancé Éric Trappier.

Le patron de Dassault a rappelé que la Loi de programmation militaire de 2017 (3 milliards annuels pour arriver autour de 50 milliards) avait pour but de rattraper un retard accumulé depuis la chute du Mur de Berlin et préparer les guerres du futur. Le conflit ukrainien exige des décisions à court terme dans un contexte complexe.

"La crise Covid avait révélé que l'industrie devait être une priorité nationale et de souveraineté nationale et européenne. La crise ukrainienne le démontre de manière encore plus flagrante", déclare Éric Trappier en rappelant difficulté d'approvisionnement en énergie et matière première et la flambée des prix.
"On ne fait pas d'industrie sans énergie. Le titane pour l'aéronautique on l'achetait en Russie. Il y a la filière américaine, mais les Etats-Unis se serviront en premier. Il y a aussi l'aluminium, le nickel. Il faut faire des stocks, trouver des sources d'approvisionnement alternatives et les qualifier ce qui prend un ou deux ans".

Un rapport "prémonitoire"

Autre conséquence, le spatial. "On a une dépendance forte à Soyouz et le contexte va nous pousser à utiliser SpaceX. Ce n'est pas réjouissant. On va passer d'une dépendance à une autre", regrette Éric Trappier.

"Cette crise rappelle combien une industrie de défense souveraine est fondamentale et depuis l'invasion de l'Ukraine les forces navales sont mises à contribution. Le déploiement du Groupe aéronaval (GAN) de la mission Clémenceau et la disponibilité exceptionnelle de notre flotte de sous-marins, notamment les SNLE. Cette situation confirme l'importance de nos industries", note Éric Pommellet.

Quant aux forces terrestres, Marc Darmon ne cache pas son inquiétude.

"Nous faisons face à une augmentation des prix et des délais ce qui aura des conséquences sur les livraisons et les prix devront être ajustés".

Reprenant les données d'Oryx, une base de données faisant le compte des équipements ukrainiens et Russes impliqués et hors d'état de combattre, le président du Gicat note que sur 2000 véhicules russes perdus (détruits, abandonné, capturés ou endommagés), il y a 318 chars lourds.

"La France ne dispose que de 220 chars Leclerc. Vous avez été prémonitoire sur la haute intensité avec le rapport Mirallès/ Thiériot. C'était d'une grande pertinence", estime Marc Darmon face aux députés de la commission.

Ce rapport de la commission de défense de l’Assemblée nationale est consacré à la préparation à la haute intensité. Il reconnait la puissance militaire de la France, mais pointe les faiblesses qui existent sur le volume des forces disponibles en cas de conflit de haute intensité.

"Le parapluie américain"

La conséquence de ces difficultés industrielles en Europe pourrait finalement profiter aux concurrents américains.

"L'Europe de la Défense se construit sur du long terme, mais le risque est à court terme. Le réflexe immédiat est donc d'acheter américain", note Éric Trappier en faisant allusion au contrat de F-35 signé par l'Allemagne.
"Les Allemands ont peut-être peur en voyant écrit "Berlin" sur des missiles russes. Ce n'est pas le F-35 qu'ils cherchent, c'est le parapluie américain", regrette Eric Trappier.

Enfin, dans une colère calme et maîtrisée, le patron de Dassault Aviation réagit sur "la taxonomie et les écolabels" de Bruxelles.

"J'en ai marre d'entendre dire à Bruxelles qu'armer son pays est au même niveau que l'alcool ou le tabac. C'est intolérable!", s'est emporté le représentant des industriels de l'armement. "On est tous mobilisés pour la transition énergétique. On demande seulement d'adapter le calendrier, sinon ce ne sera pas supportable en termes de coût".
Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco