Carlos Ghosn peut-il rester PDG de Renault?

Carlos Ghosn, en visite à l'usine Renault de Maubeuge le 8 novembre dernier. - Ludovic MARIN / AFP
Empêché d'exercer ses fonctions, Carlos Ghosn peut-il rester PDG de Renault? Alors que le dirigeant s'exprimait lors d'une audience organisée dans un tribunal de Tokyo, sa première apparition publique depuis plus d'un mois et demi et son arrestation à l'aéroport de Tokyo, la question de son maintien à la tête du groupe français revient sur la table.
Un programme judiciaire encore chargé
Quelques jours après son arrestation, Renault avait nommé une direction provisoire, avec Thierry Bolloré reprenant les rênes de l'entreprise. Contrairement à Nissan et Mitsubishi, qui ont toutes deux retiré à Carlos Ghosn son poste de président du conseil d'administration dans la foulée de son arrestation, la position du constructeur français a depuis le début été de respecter la présomption d'innocence. Une volonté partagée par le premier actionnaire de Renault, l'Etat français, se refusant de condamner le dirigeant avant d'avoir les éléments permettant de prouver sa culpabilité.
Après l'audience de ce mardi, il apparaît clair que, dans tous les scénarios, un retour aux commandes à court terme paraît improbable.
"Sa légitimité est largement mise en cause. Je vois difficilement dans un avenir plus ou moins proche, peu importe l'issue de l'affaire, comment il pourrait rester PDG d'une entreprise comme la nôtre. Ce qui nous importe ce n'est pas de savoir si Carlos Ghosn va rester PDG, c'est le devenir de Renault en France", a expliqué le délégué central CGT Fabien Gâche, interrogé par France Info.
Si les avocats obtiennent la libération sous caution de Carlos Ghosn ce vendredi, le procureur pourra toujours faire appel ou retenir de nouvelles charges à son encontre, prolongeant encore sa détention. S'il est libéré, il devra tout de même se préparer à un procès qui pourrait avoir lieu d'ici 6 à 12 mois.
L'après-Ghosn en préparation?
Dans ce contexte, et si la prudence reste de mise, la ministre des Transports Elisabeth Borne a esquissé un début de revirement:
"Le gouvernement n'a pas d'indications aujourd'hui qui peuvent le conduire à conclure qu'il y a une responsabilité de M. Ghosn (...). Il y a un principe qui est la présomption d'innocence, et le gouvernement applique ce principe", a-t-elle rappelé, précisant au passage: "La gouvernance de Renault, elle est assurée, il y a une gouvernance provisoire mise en place. Evidemment, si cet empêchement devait durer, il faudrait en tirer les conséquences."
Le week-end dernier, lors du Grand Rendez-vous d’Europe 1, CNews et Les Echos, Bruno Le Maire a aussi évoqué l'élargissement de l'enquête concernant les rémunérations versées par RNVB, la filiale hollandaise qui incarne l'alliance Renault-Nissan. L'objectif: clarifier les versements de rémunérations qu'auraient pu toucher des dirigeants de Renault, dont Carlos Ghosn et son actuel remplaçant Thierry Bolloré.
"Je veux savoir à qui ces rémunérations ont été versées, si elles ont bien été déclarées, si elles correspondent à un service rendu, et donc si le conseil d’administration de Renault et les actionnaires de Renault ont bien été informés de ces rémunérations", a déclaré Bruno Le Maire. Une déclaration qui peut illustrer la volonté de s'assurer que Carlos Ghosn a bien respecté les règles, mais aussi son potentiel successeur à plus long terme à la tête du constructeur français.
Gagner le bras de fer avec Nissan
Derrière la gouvernance de Renault, se pose aussi la question du rééquilibrage de l'alliance avec Nissan. Les tensions entre les groupes français et japonais sont remontées à la surface depuis l'arrestation de Carlos Ghosn et pèsent fortement sur ce choix du dirigeant chez Renault.
"D'un point de vue de stricte gouvernance, le risque d'un maintien en détention de Carlos Ghosn pendant plusieurs mois devrait conduire le conseil d'administration de Renault à élire un nouveau président, éventuellement par intérim. Cependant, d'un point de vue politique, ce serait une forme de capitulation pour les Français vis-à-vis des Japonais", estime Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l'ESCP Europe.
Un jeu à hauts risques selon lui, car il ne faudrait pas mettre en péril une organisation qui se place aujourd'hui comme le numéro un mondial de l'automobile:
"Dans tous les cas, par-delà le sort de Carlos Ghosn, il ne faudrait pas que le bras de fer qui se joue actuellement pour le rééquilibrage du pouvoir au sein de l'alliance finisse par mettre en péril son fonctionnement. Formellement, la vacance du poste de président est problématique: certaines décisions clés impliquent son intervention. Il va donc être temps pour les actionnaires de Renault et donc pour le premier d'entre eux, l’État de prendre une décision."