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Carlos Ghosn: que lui reproche la justice japonaise?

Dessin de presse. Carlos Ghosn ce mardi lors de sa comparution devant le tribunal de Tokyo.

Dessin de presse. Carlos Ghosn ce mardi lors de sa comparution devant le tribunal de Tokyo. - BFM TV

La comparution de Carlos Ghosn devant le tribunal de Tokyo a été l’occasion pour le juge Yuichi Tada de détailler les différentes malversations financières reprochées au président de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Savoir exactement ce que la justice japonaise lui reproche, c’est qui a poussé Carlos Ghosn et ses avocats à demander une comparution publique à la justice japonaise. Ce mardi, Carlos Ghosn est donc apparu publiquement devant le tribunal de Tokyo.

"J’ai été accusé à tort et injustement détenu sur la base d’allégations sans fondements", a lancé Carlos Ghosn, dans une allocution d’une dizaine de minutes. Il a répondu point par point, et ses avocats après lui lors d’une conférence de presse, aux accusations portées contre lui par la justice japonaise.

Dissimulation de revenus

La première accusation, pour laquelle Carlos Ghosn a été mis en examen le 10 décembre, porte sur une possible dissimulation de revenus. Carlos Ghosn aurait minimisé, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières, une partie de ses revenus: environ 5 milliards de yens (40 millions d'euros) sur cinq années, de 2010 à 2015. Il est aussi soupçonné d'avoir fait de même sur la période de 2015 à 2018, pour un montant de 4 milliards de yens (32 millions d’euros environ), mais il n'est à ce stade pas poursuivi pour ce motif.

"Tout d'un coup, Carlos Ghosn s'est retrouvé obligé de publier ses revenus annuels (qui s'élevaient à l'époque à 2 milliards de yens, soit un peu plus de 16 millions d’euros), et à partir de ce moment-là il a commencé à les diviser en deux parties: un montant déclaré, un autre non déclaré censé en théorie lui être versé au moment où il se retirerait du groupe", assure une source proche du dossier à l’AFP.

Le but de la manoeuvre aurait été d'éviter les critiques des actionnaires et des employés, dans un pays où les PDG perçoivent des émoluments plus modestes qu'ailleurs.

Devant le juge mardi, le dirigeant de 64 ans a assuré ne "jamais avoir signé de contrat avec Nissan pour recevoir un montant fixe non divulgué". Il y a bien eu des projets pour déterminer les revenus que Carlos Ghosn percevrait après sa retraite, "mais à ma connaissance, ils ont été examinés par des avocats internes et externes" au groupe, "témoignant du fait que je n'avais aucune intention de violer la loi", a ajouté le magnat de l'automobile.

Des liens troubles avec un homme d’affaires saoudien

Un second point a particulièrement été discuté ce matin. Carlos Ghosn aurait fait couvrir par Nissan des pertes personnelles, par l’intermédiaire d’un homme d’affaires saoudien. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens (environ 14,9 millions d’euros).

Selon une source proche du dossier, il a puisé ces fonds dans "la réserve du PDG", prévue pour parer à des imprévus (catastrophes naturelles par exemple). Carlos Ghosn a lui livré une version très différente, dédouanant au passage Khaled Juffali.

"Sa compagnie a été rémunérée de manière appropriée (en accord avec les responsables concernés du constructeur) en échange d'importants services rendus à Nissan", a insisté Carlos Ghosn. Il s'agissait d'aider le groupe à "réorganiser le réseau de distribution dans la région du Golfe".

Des contrats pour faire face à la volatilité des changes

Carlos Ghosn a par ailleurs expliqué qu’il avait signé en 2006 et 2007 deux contrats pour lui assurer une certaine stabilité de ses revenus face à la volatilité des changes.

Or, quand la crise a éclaté en 2008, "la banque m'a demandé de fournir une garantie supplémentaire, ce qui m'était impossible" à moins de démissionner de Nissan afin de recevoir ma pension de retraite. Le PDG a donc décidé de demander à Nissan de se porter garant, le temps de trouver une autre solution.

"Les contrats ont ensuite été de nouveau transférés à mon nom sans que Nissan n'ait à supporter aucune perte". Dédouanant Khaled Juffali, Carlos Ghosn s’est aussi ici vigoureusement attaqué aux dirigeants de Nissan.

Les autres faits reprochés

En revanche, plusieurs points n’ont pas été abordés ce mardi matin. Le premier porte sur des appartements de luxe à Beyrouth, Rio de Janeiro et Paris, achetés par l'intermédiaire d'une filiale basée aux Pays-Bas, officiellement censée financer des investissements dans des start-up. Le deuxième porte sur un emploi de conseils que Carlos Ghosn aurait fourni à sa sœur, entre 2003 et 2016, et dont Nissan n’aurait pas trouvé de trace concrète.

Enfin, le responsable franco-libano-brésilien aurait versé près de 40 millions d'euros à des "relations" au Liban et ailleurs (Brésil, Inde, Etats-Unis), argent provenant des caisses de Nissan. Si le constructeur japonais enquête en interne sur ces différents points, le parquet n’a, à ce stade, pas retenu d’éléments contre Carlos Ghosn.

Pauline Ducamp, avec AFP