Négociations entre la CGT et TotalEnergies: pourquoi ça coince

La situation reste au point mort chez TotalEnergies. Faute d’obtenir les revalorisations salariales qu’elle revendique, la CGT a annoncé ce jeudi la reconduction de la grève dans les raffineries de Normandie, de Donges, de Feyzin, de la Mède et dans le dépôt de Flandres.
Rejoint mercredi par Force Ouvrière, le mouvement social lancé le 27 septembre à l’initiative de la CGT, deuxième force syndicale de TotalEnergies derrière la CFE-CGC, a perturbé la distribution de carburants dans tout le pays. Selon les chiffres du ministère de la Transition énergétique, près d’un tiers des stations rencontre aujourd'hui des difficultés d'approvisionnement.
Que réclame la CGT?
Depuis le début de la grève, les revendications de la CGT sont claires. L’organisation réclame 10% d’augmentation pour les salariés de TotalEnergies: 7% pour compenser l’inflation et 3% au titre des bénéfices exceptionnels du groupe qui se sont élevés à 10,6 milliards d’euros au premier semestre, notamment grâce à la hausse des prix de l’énergie.
Initialement, les revendications de la CGT portaient aussi le "dégel des embauches" en France et "un plan massif d’investissements". Mais la confédération s'était finalement dite prête à "laisser de côté pour l’instant la problématique des emplois et celle des investissements" pour entamer les négociations sur la question unique des salaires "dans le but de sortir du blocage".
Que répond TotalEnergies?
Dans un communiqué paru cette semaine, la direction de TotalEnergies a rappelé que les salariés du groupe avaient déjà obtenu une augmentation moyenne de 3,5% au titre de l’année 2022, une prime d’intéressement-participation moyenne de 9018 euros, avec un montant minimum de 7250 euros, un avoir de 150 euros en mars pour les salariés abonnés au gaz et à l’électricité abonnés chez TotalEnergies et une prime Energie de 200 euros en juillet pour tous les salariés.
S'agissant des prochaines augmentations, la direction renvoyait aux négociations annuelles obligatoires au titre de l’année 2023 qu'elle a proposé d'avancer au mois d'octobre (au lieu de novembre) sous réserve de la fin des blocages.
Ce jeudi, quelques minutes après que Bruno Le Maire a appelé TotalEnergies à accepter des augmentations de salaires, le groupe pétrolier a fait un geste supplémentaire en proposant 6% d’augmentation pour l’année prochaine. La direction a également annoncé le versement d’une prime équivalente à un mois de salaire pour tous ses salariés dans le monde. Pas sûr que cela convainc la CGT. Car avant de discuter des salaires de 2023, l’organisation syndicale veut rouvrir dès à présent les négociations pour l'année 2022 afin d’obtenir des revalorisations (et non des primes) immédiates et rétroactives.
"On ne négocie pas dans les médias", a commenté Eric Sellini, coordinateur CGT pour le groupe, à propos de la nouvelle proposition. "La direction continue de mépriser les organisations et les grévistes", a-t-il ajouté, affirmant que "ca ne va pas améliorer le climat ambiant".
Le dialogue est-il rompu?
Contrairement à Esso-ExxonMobil où le mouvement se poursuit malgré la signature d’un accord entre direction et syndicats majoritaires, les négociations chez TotalEnergies sont au point mort. Et si la réquisition des personnels a été engagée chez Total ce jeudi, elle se limite pour l’heure au seul site de Dunkerque, l’exécutif souhaitant encore laisser sa chance au dialogue social:
"Je veux que dans les prochaines heures ils puissent trouver un accord. (…) Je suis pour le dialogue social, pour la négociation, jamais pour le blocage", a déclaré Emmanuel Macron mercredi sur France 2. "Le gouvernement prend sa responsabilité. Si le dialogue social n’aboutit pas dans les prochaines heures, nous réquisitionnerons", a-t-il mis en garde.
Des propos qui ont surpris les représentants syndicaux. "Soit le président de la République est très mal informé, soit on lui a menti, et là c’est grave. Il y a zéro négociation entamée, mais le président vient de l’annoncer, j’en tombe de ma chaise!", a expliqué sur BFMTV Hakim Bellouz délégué syndical central FO TotalEnergies.
Le dialogue semblait pourtant avoir été renoué mercredi quand la direction avait accepté pour la première fois de recevoir la CGT alors qu'elle exigeait jusqu'alors comme préalable la levée des blocages pour voir le deuxième syndicat du groupe.
A l’issue de cette rencontre, la direction avait proposé aux syndicats le déblocage des livraisons de carburants dès ce jeudi avant d’ouvrir dans la foulée les négociations salariales: "La direction a précisé ce qu'elle attendait de nous. Elle ne parle plus de levée de la grève mais simplement d'une reprise des livraisons de produits, c'est-à-dire qu'elle accepte que les raffineries restent à l'arrêt dans un premier temps mais, ce qu'elle cherche, c'est que les livraisons au départ des raffineries dans les stocks internes des raffineries, puissent être libérées par pipe, par camion, par train, que toutes les livraisons reprennent avant même le redémarrage des installations", avait détaillé Thierry Defresne, secrétaire général CGT du comité européen TotalEnergies.
Quelques heures plus tard, les grévistes ont toutefois refusé de reprendre les expéditions dans les dépôts et les raffineries. En conséquence, la direction de TotalEnergies a déclaré ce jeudi que "les conditions n’étaient pas réunies pour organiser des négociations" sur les salaires "entre toutes les organisations représentatives".